La Maltaise, Roberta Metsola.

La nouvelle présidente anti-IVG du Parlement européen doit son élection à des petits arrangements entre ennemis.

Nous sommes le 18 janvier 2022, et l’euro-députée maltaise Roberta Metsola vient d’être élue à la tête du Parlement européen. Veste blanche, gerbe de fleurs, yeux humides pour la séquence émotion, divine surprise qui s’affiche sur le visage  de l’heureuse élue. C’est donc moi ?

Dessin de Kiro – Le Canard – 26/01/2022

Surtout, sauvegarder les apparences, alors qu’il n’y avait pas le moindre suspense. La voilà qui prend la parole, en ressortant mot pour mot la doxa en vogue à Bruxelles : démocratie, prospérité, égalité. Oui, elle a parlé d’égalité.

Pourtant, en 2015, il n’y a pas si longtemps, la fringante Roberta Metsola s’était opposée à une résolution portant justement sur l’égalité hommes-femmes, et, depuis son élection comme députée européenne, en 2013, elle vote contre tous les textes défendant le droit à l’avortement, comme son pays, Malte, le dernier en Europe à interdire l’IVG, même en cas de viol.

Pressentant son élection depuis la fin du mandat de son prédécesseur, David Sassoli, décédé le 11 janvier, elle est devenue en quelques semaines furieusement féministe. Elle clame : « Les femmes m’inspirent » dans une vidéo de campagne à sa gloire, en rajoute sur la défense des droits des LGBTQI+ : « En tant que femme, je sais à quel point il est important d’avoir des alliés dans ces luttes. » Magnifique !

Roberta versus Roberta

Il faut reconnaître qu’elle a fait une campagne assez gonflée, couronnée de succès. « Elle a un culot rare, elle est allée partout en expliquant qu’en réalité il y avait deux Roberta Metsola, une à Bruxelles, irréprochable sur les valeurs, et une autre à Malte, forcément plus prudente face à une société maltaise qu’il ne faut pas brusquer dans ses fondamentaux mais accompagner en douceur vers le progressisme ! » ironise un haut fonctionnaire bruxellois. L’ennui, c’est que celle de Malte vote à Bruxelles. Quant à son opposition à la lutte contre la fraude fiscale et à sa défense de Malte au sein de la commission d’enquête sur les Panama Papers, silence radio.

Elle a obtenu 458-voix sur 690, une élection de maréchale qui restera comme un grand moment de rigolade au Parlement européen. Pourquoi a-t-elle été élue dans une enceinte qui avait propulsé Simone Veil à sa tête ?

En raison d’un accord datant de 2019 entre conservateurs et sociaux-démocrates. Un partage des postes en bonne et due forme.

Aux conservateurs la présidence de la Commission, confiée à Ursula von der Leyen ; aux socialistes la présidence du Parlement européen jusqu’en 2022 ; et aux libéraux (groupe Renew, composé d’un fort contingent de macronistes) celle du Conseil européen, qu’obtiendra le Belge Charles Michel. Au passage, on se partage aussi les postes importants dans l’administration.

A la mort du social-démocrate Sassoli, la présidence du Parlement revient aux conservateurs, au nom de l’alternance. Pour assurer l’élection, les conservateurs européens (PPE) ont retiré leur candidat naturel, l’Allemand Manfred Weber, un apparatchik très impopulaire à gauche.

Pour amadouer certains Verts et une majorité des libéraux de Renew, pourquoi ne pas présenter une femme ? Les Verts européens, dans un premier temps, ne disent pas non. En échange de leur soutien, les conservateurs proposent quelques postes de choix au sein de l’administration. Mais les négociations en cours capotent en raison de fuites dans la presse.

Les Verts européens présentent donc à leur tour… une femme ! Elle ne sera pas élue.

Petite cuisine bruxelloise

Le groupe des eurodéputés macronistes et libéraux a aussi voté pour Metsola comme un seul homme, à l’exception notable de Bernard Guetta, qui a fait part de son indignation. Pourquoi ce vote ? Parce que le seul poste d’importance que les libéraux avaient obtenu en 2019, celui de Charles Michel à la présidence du Conseil, est soumis à renouvellement dans quelques semaines. « Si on avait présenté quelqu’un contre Metsola, les conservateurs l’auraient mal pris et auraient mis un candidat dans les pattes de Charles Michel », admet un eurodéputé Renew.

Pour faire bonne figure, les macronistes ont fait fort sur le « en même temps ». Clément Beaune, le ministre chargé des Affaires européennes, a lancé, l’air fort soucieux : « Je suis gêné par le symbole de cette élection », et Macron a suggéré d’ajouter dans la charte des droits fondamentaux de l’UE le droit à l’avortement. Un bien beau geste, sauf que cet ajout doit se faire à l’unanimité des pays membres. Le droit à l’avortement pour toutes attendra, à Malte et en Pologne.

Dans les couloirs du Parlement, on dit grand bien de la nouvelle présidente. « Elle est bosseuse, et elle a le sens du compromis. »

Qui oserait en douter ?


Anne-Sophie Mercier. Le Canard enchaîné. 26/01/2022


2 réflexions sur “La Maltaise, Roberta Metsola.

  1. bernarddominik 31/01/2022 / 13h35

    Mersola anti IVG à été élue avec les voix de LR-EM de Macron, qui annonce qu’il veut faire inscrire l’IVG dans les droits fondamentaux des européens. Comme hypocrite on ne fait pas mieux.

  2. Danielle ROLLAT 31/01/2022 / 21h39

    Bonjour les dégâts !

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