Rêver d’une autre éducation scolaire !

Les partis politiques et candidats en vue des élections présidentielles et législatives, présentent leurs différences, dans leurs programmes (certains plus que d’autres !) portants sur le rôle de l’éducation scolaire, ces moyens humains et techniques afin de parvenir « enfin » à donner une égalité des chances à chaque enfant. MC

En finir avec les notes, faire enfin confiance aux enseignants… Les pistes pour une éducation plus juste sont là, à notre portée.

[Dans les propositions les plus « visibles »], le changement, [serait] à droite .

« L’école a besoin d’une franche rupture », claironnait récemment le sénateur LR Max Brisson, chargé de l’éducation pour Valérie Pécresse. Une ambition endossée par Emmanuel Macron, qui assure avoir déjà enclenché depuis 2017 « une vraie révolution de l’apprentissage et de l’éducation », tandis qu’Éric Zemmour promet une « révolution copernicienne » de l’école. Retour de la blouse et restauration de l’autorité du maître, promotion du mérite et de l’excellence, obsession de l’évaluation et de la compétition…

Et à gauche ?

Il faut abroger Parcoursup, trompette Anne Hidalgo. Supprimer la réforme du bac, tempête Jean-Luc Mélenchon. [Réformer complètement de l’éducation nationale ce service public, prône Fabien Roussel (au demeurant grand oublié dans maints reportages/interview)]. À trois mois de l’élection présidentielle, les candidats peinent à rendre audible dans le débat public un projet enthousiasmant pour l’école. Si des propositions sont travaillées dans l’ombre des programmes, elles ne passent pas le mur du son.

Les uns et les autres sont sur la défensive… quand ils ne ressassent pas des slogans qui sonnent creux, selon l’historienne Laurence de Cock : « La campagne n’est pas lancée sur des idées concrètes pour révolutionner l’école publique. Dans les débats, cette question est évoquée de façon très faiblarde, on ne sort pas des poncifs ! », tacle cette spécialiste, dont l’ouvrage intitulé École publique et émancipation sociale (1) a paru à l’orée de la campagne.

Lutter contre les inégalités ? « Personne ne dirait le contraire. » Favoriser la mixité sociale en revisitant la carte scolaire ? « C’est le grand mantra. Je ne vais pas affirmer que je suis contre, mais ce n’est pas suffisant. » C’est peu déclarer que ceux qui sortent des sentiers battus pour rêver à voix haute l’école de demain ne se bousculent pas au portillon.

« Les anciens problèmes sont loin d’avoir disparu. Mais les solutions proposées aujourd’hui sont, pour l’essentiel, portées par une frange réactionnaire ». Un constat partagé par le sociologue Christian Laval :« La gauche s’est largement enfermée dans une posture de résistance », déplore ce chercheur, qui livre des propositions pour l’école dans Éducation démocratique : La révolution scolaire à venir (2).

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Ce rêve d’une école nouvelle, ajustée aux défis de l’époque, culmine dans le plan Langevin-Wallon – deux  […]  professeurs au Collège de France – qui propose en 1947 une réforme globale de l’enseignement et du système éducatif, conformément au programme du Conseil national de la résistance. Ce projet, qui prévoyait d’élever le niveau culturel des classes populaires, notamment en rendant la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans, reste mort-né. Pour autant, l’idéal de justice et d’égalité n’est pas enterré. En 1975, il se concrétise dans une mesure controversée, le collège unique, portée par le ministre René Haby.

Depuis, le souffle est retombé. Face aux inégalités qui ont continué de galoper, une attitude défaitiste s’est installée. « C’est le mal actuel de la gauche qui ne parvient plus à construire un récit emballant de la société, en assumant sa part d’utopie, à la différence de l’extrême droite qui revendique haut et fort ses outrances dystopiques », déplore Laurence de Cock. Pour qui la gauche est devenue trop frileuse pour porter dans le débat public des sujets sensibles.

« Depuis le traumatisme des manifestations géantes de 1984 pour l’école privée, qui ont fait avorter le projet de loi Savary autour d’un « service public, unifié et laïque, de l’Éducation nationale », plus personne n’ose proposer d’arrêter de financer l’école privée, qui est un facteur historique d’inégalités. Ce serait pourtant un vrai pas vers une école publique pour tous et toutes ! », clame cette chercheuse.

« Les remèdes mis en œuvre ne sont pas à la hauteur des problèmes de ségrégation scolaire et urbaine », assure également Christian Laval. Il suggère de baisser drastiquement le nombre d’élèves par classe dans les établissements populaires et de faire en sorte qu’aucun élève ne soit lésé quant au choix des options et des enseignements. Ses ambitions pour l’école ne s’arrêtent pas là : « On ne peut plus se contenter de défendre l’acquis», martèle le sociologue, qui plaide pour une « révolution scolaire » après l’ère de la massification.

« On a besoin d’un modèle d’école capable de répondre aux enjeux démocratiques et à l’urgence écologique. Il nous faut déterminer à quoi devra ressembler l’éducation du futur, si on veut une société vivable et une terre habitable », murmure-t-il à l’oreille de candidates et candidats à court d’idées.

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« L’école a un rôle à tenir dans ce vaste projet d’une société plus juste, où l’idéal ne sera plus de s’élever au-dessus de la mêlée, mais de privilégier le commun », résume Laurence de Cock dans École publique et émancipation sociale (1). Mission impossible… tant que les élèves feront moins l’expérience de la démocratie que de la compétition, dans un système obsédé par les notes et la discipline, où les pédagogies semblent gravées dans le marbre. Un système où la philosophie qui forge l’esprit critique est réservée aux terminales, et où les sciences de la vie et de la terre restent coupées des sciences sociales, simple option au lycée.

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Marion Rousset, Télérama, titre original : « Présidentielle : oser rêver d’une autre école ». Source (extraits)


  1. École publique et émancipation sociale, de Laurence de Cock, éd. Agone, 2021.
  2. Éducation démocratique. La révolution scolaire à venir, de Christian Laval et Francis Vergne, éd. La Découverte, 2021.