EDF — Le Maire met la main à la poche du contribuable

Merci le « bouclier tarifaire » établi par le gouvernement !

Les 18 milliards mobilisés pour refroidir les factures électriques des abonnés seront (tôt ou tard) réglés par les contribuables.

Pour contenir à 4 % la hausse en 2022 du « tarif bleu » réglementé, qui, en principe, aurait dû augmenter de 35 %, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, s’est creusé les méninges. En septembre dernier, il a annoncé la quasi-suppression de la TICFE, une taxe de 8 milliards payée par les abonnés. Autant de sous qui manqueront au Budget. Le prix des électrons ne s’étant pas calmé, Bercy a dû, le 13 janvier, en remettre une louche. Cette fois, c’est EDF qui va raquer. L’énergéticien fera davantage profiter de son électricité nucléaire à bon marché (comme la réglementation le prévoit) sa trentaine de concurrents « alternatifs » (Engie, Total-Énergies, etc.) ; il espère que ce cadeau diminuera le niveau général des prix du courant.

Cette générosité un peu forcée (l’Etat détient 81 % d’EDF) va coûter cher au groupe : autour de 8 milliards en 2022. Pour commencer, il va être obligé de brader à ses concurrents 20 térawatt-heures (20 millions de mégawatt-heures) à 46 euros le mégawatt-heure, alors qu’il aurait pu les vendre sur le marché autour de 200 euros. Mais l’essentiel de la perte a une autre origine, plus étonnante : selon la très tortueuse réglementation, plus EDF vend d’électricité à prix cassé, moins le tarif bleu augmente. L’entreprise va donc renoncer à imposer à ses 95 % d’abonnés au tarif bleu une augmentation de quelque 5 milliards. C’est précisément le but recherché par Le Maire.

Boursiers au courant

Un bonheur n’arrivant jamais seul, les centrales nucléaires d’EDF tombent en rade les unes après les autres. En début de semaine, 10 de ses 56 réacteurs se trouvaient à l’arrêt, provoquant une baisse de la production de l’ordre de 10 %. Des électrons qu’il faudra acheter sur le marché. Facture : entre 5 et 10 milliards, selon les analystes. La boîte, elle, n’a pas encore fait ses calculs. Un énième surcoût (de 300 millions) sur l’EPR de Flamanville devrait s’ajouter à la douloureuse. Fermez le ban !

La panade financière d’EDF va coûter cher à l’État. Ce dernier va devoir renoncer au dividende de 1,5 milliard qu’il attendait dans le budget de 2022. Et se préparer à recapitaliser le groupe, qui campe sur une dette de 40 milliards et veut engager une cinquantaine de milliards dans les trente ans à venir pour construire les nouveaux EPR annoncés par Macron. Les boursiers, lucides, ont fait dégringoler l’action EDF de 20 %, et l’agence Fitch a dégradé la boîte.

Autant d’argent qu’il faudra trouver soit tout de suite, dans la poche des contribuables, soit en augmentant la dette (ce qui, à terme, reviendra au même) et à LRM. « Nous avons déjà provisionné 6 milliards dans le budget », rassure un conseiller de Bruno Le Maire. Mais, combien de temps ce « quoi qu’il en coûte énergétique » peut-il durer ? « Il n’y aura pas de report l’année prochaine », a promis le ministre de l’Économie. Et si le prix de l’électricité ne baissait toujours pas en 2023 ? « Ce sera[it] à la nouvelle majorité de décider », assure ce conseiller.

Une décision qui, sans doute, sera plus facile à prendre après la présidentielle.


Hervé Martin. Le Canard enchaîné. 19/01/2022