Burkina Faso — Au sujet du coup d’État…

… un pays pris entre marteau militaire et enclume djihadiste

Confusion, lundi 24 janv. 2022, à Ouagadougou, où planait l’ombre d’un coup d’État militaire contre Roch Marc Kaboré, président au pouvoir ébranlé par la succession d’attaques de groupes islamistes.

Le Burkina Faso sombrait dans l’incertitude, […] à 15 h 50, alors qu’était encore attendue une éventuelle déclaration publique des mutins, apparaissait le message suivant sur le compte Twitter du chef de l’État : « Notre nation vit des moments difficiles. Nous devons en ce moment précis sauvegarder nos acquis démocratiques. J’invite ceux qui ont pris les armes à les déposer dans l’intérêt supérieur de la nation. C’est par le dialogue et l’écoute que nous devons régler nos contradictions. RK.»

En soirée, son parti dénonçait un « coup de force militaire » et une « tentative avortée d’assassinat » du chef de l’Etat, dont le sort restait obscur.

Dans la soirée, des militaires apparaissaient à la télévision, revendiquant avoir pris le pouvoir. Ils ont promis un « retour à l’ordre constitutionnel » dans un « délai raisonnable ». Dès dimanche, la mutinerie avait pris forme avec l’entrée en rébellion de soldats dans quatre camps de la capitale pour exiger le départ de hauts gradés et des moyens pour lutter contre les groupes djihadistes qui contrôlent une partie du pays.

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Sérieuse secousse pour cette jeune démocratie née de l’insurrection populaire de 2014, qui a chassé du pouvoir Blaise Compaoré (réfugié depuis lors en Côte d’Ivoire, après son exfiltration par l’armée française). « Ce coup d’État n’est pas le bienvenu, cela remet en cause le système démocratique. Deux pays frontaliers, le Mali et la Guinée, sont gouvernés par l’armée. Il est probable que la nôtre cherche à copier cette idée », regrette, sur place, Alexis  […]

Pris dans la spirale de violence qui meurtrit ses voisins, le Burkina Faso est lui aussi confronté depuis 2015 à la multiplication des attaques perpétrées par les milices djihadistes. Celles-là sèment la mort et la désolation dans de vastes zones qu’elles tendent à contrôler, surtout dans le nord et l’est du pays – 14 des 45 provinces que compte le pays sont placées sous état d’urgence.

Leurs combattants sillonnent le pays en unités très mobiles, de dizaines voire de centaines d’individus à moto. Ils ont fait des milliers de morts, poussant des populations pauvres, vulnérables, à quitter le peu qu’elles ont pour fuir la violence.

En novembre 2021, selon le recensement du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, la barre du million et demi de déplacés internes était atteinte.

Dans le même mouvement, pour une armée burkinabè sans stratégie, minée par la corruption, plombée par des moyens défaillants, les revers se sont succédé à un rythme effréné. Le recours à des milices dites d’autodéfense n’a donné aucun résultat probant : au contraire, celles-ci se sont livrées à des exactions contre des civils – surtout des Peuls – soupçonnés de collusion avec les djihadistes.

Quant à l’opération militaire française « Barkhane », lancée en 2014 au nom de la « guerre contre le terrorisme » pour étendre l’emprise militaire française à cinq pays de la bande sahélo-saharienne (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie), elle n’a jamais mis fin à l’activisme des groupes djihadistes, malgré l’élimination ciblée de quelques émirs emblématiques. Pire : elle a contribué à la dissémination dans toute la sous-région de groupes djihadistes inscrits dans une stratégie de guérilla.

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Rosa Moussaoui, Gaël De Santis, Source (extraits)