Records battus !

Certes tous les records sont fait pour être détrônés un jour ou l’autre, mais pour ceux-là, ceux qui sont au four, les exécutants, aimeraient bien en recevoir, au moins, une partie… MC

Toutes les places financières se hissent vers des sommets jamais atteints. En dépassant les 7 000 points (unité pour mesurer une variation de la valeur des actions des 40 entreprises cotées au CAC), la Bourse de Paris a brisé le plafond de verre. Avec 7 193,16 points, le 10 janvier, l’indice boursier a été multiplié par 2 en dix ans, il a progressé de plus de 50 % en cinq ans et de 25 % en un an.

Une folie des grandeurs qui n’est pas sans conséquence sur les entreprises.

Car les actionnaires ont un insatiable appétit. Les dividendes versés ont franchi en 2021 les 52 milliards d’euros pour les entreprises de l’indice SBF 120. Dans le monde, selon l’étude « Janus Henderson Global Dividend Index », qui dégage chaque année les tendances en matière de dividendes, 90 % des entreprises ont augmenté ou maintenu leur niveau de dividendes en 2021. Si bien que le niveau de dividendes versés devrait atteindre 1 200 milliards d’euros. Ainsi, à chaque poussée de fièvre sur les places financières, le niveau d’exigence des actionnaires progresse.

Pour faire grimper les cours, les entreprises, dont les trésoreries ont été gonflées par les aides publiques, multiplient en outre les opérations capitalistiques. Sur les dix premiers mois de l’année, leur trésorerie a crû d’environ 21 milliards, pour atteindre 913 milliards d’euros, selon la Banque de France.

Endettement, fonte des effectifs

Outre les dividendes, les apprentis sorciers disposent d’un autre « artifice » pour obtenir ce que les économistes appellent le « retour à l’actionnaire d’une entreprise ».

L’opération consiste à racheter une quantité de ses propres actions pour ensuite les détruire, avec pour seule limite que celles-ci ne dépassent pas 10 % du capital de l’entreprise.

L’effet est immédiat : en diminuant le nombre d’actions et en réduisant la part du capital, le bénéfice par action augmente automatiquement. Ainsi, il est fréquent que l’opération s’accompagne d’une hausse des cours des titres concernés.

Selon Natixis, en France, le rachat d’actions aurait coûté 16 milliards d’euros aux entreprises cotées de janvier à novembre. Si bien qu’en 2021 l’enveloppe devrait frôler les 20 milliards d’euros. Un record.

Dans le monde, les entreprises ont dépensé plus de 1 300 milliards d’euros. Et 2022 semble poursuivre la tendance. Depuis le début de l’année, pas un jour ne passe sans que la presse financière fasse état d’un programme de rachat d’actions. Carrefour, L’Oréal, Vinci, BP, Société générale ou LVMH sont autant de noms de sociétés à y avoir recours.

Signe que, cette année, la pression financière s’est accentuée. ArcelorMittal vient de boucler son cinquième programme et devrait distribuer plus de 4 milliards d’euros à ses actionnaires (dividendes plus rachats d’actions) en 2021, selon les chiffres connus à ce jour. Or, depuis 2006, le groupe avait dépensé pas moins de 10,5 milliards d’euros en rachats d’actions et versé tout autant, 10,94 milliards d’euros de dividendes. Soit « en moyenne 1,33 milliard d’euros » par année versée. Une volonté de satisfaire qui a contraint le groupe à s’endetter en « 2007, 2008, 2010 et 2011 » pour maintenir la rente. Sur la même période, les effectifs du groupe ont fondu, passant en France, de 28 000 à 14 500 équivalents temps plein.

Chez  ArcelorMittal, une aumône

De plus, une hausse générale des salaires en France de 5 %, en se basant sur la masse salariale d’ArcelorMittal France de 2019, « coûterait » au groupe 50 millions d’euros. Une bagatelle au vu des résultats du groupe qui, après un premier semestre à 5 milliards d’euros, devrait obtenir un résultat net en 2021 de 10 milliards d’euros. Un record. Pourtant, lors des négociations annuelles, la direction a tout juste cédé 2 % de hausse générale sur les salaires. Bien moins que l’inflation prévue, de 2,8 % en 2022.

Outre le partage de la valeur ajoutée entre actionnaires et salariés, qui penche clairement du côté des places boursières, l’autre conséquence de cette financiarisation dans l’entreprise est le manque d’investissement productif.

Si ArcelorMittal a annoncé 10 milliards d’euros pour réduire de 35 % ses émissions de CO2, le groupe compte sur un financement pour moitié via des fonds publics.

De plus, indique un salarié, « sur nos sites, nous constatons de gros problèmes de fiabilité de nos outils de travail, qui fonctionnent en marche dégradée ». Et, en 2021, « nous constatons un taux d’accidents au travail important, avec 22 accidents mortels recensés cette année ». Triste record.


D’après un article de Clotilde Mathieu. Titre original : « Le gavage du CAC 40 met les entreprises au supplice ». Source (extraits)


4 réflexions sur “Records battus !

  1. bernarddominik 24/01/2022 / 18h40

    Ce qu’attend un actionnaire, c’est un rendement.
    Par exemple en 2020 le rendement des actions BNPP a été de 3,2% avec une action autour de 60 €.
    C’est nettement mieux que le livret A, mais c’est imposable et soumis aux prélèvements sociaux, et avec le risque de perte de capital. Tous comptes faits, je ne trouve pas ce % exagéré.
    On accuse les actionnaires, mais ceux qui gagnent le plus ce sont les cadres dirigeants qui reçoivent des salaires en millions € des actions gratuites et des stock options pour spéculer. Et beaucoup sont énarques ou polytechniciens, ces écoles de l’élite qui se partage pouvoirs prébendes conseils d’administration directions.

    • Libres jugements 25/01/2022 / 10h30

      Bernard, suite à ton commentaire…
      Ce qui est gênant est de constater que certains bien assis dans leur siège au cours d’une (ou quelques) réunion-s dans l’année prélèvent sur la sueur des tâcherons (les salariés de l’entreprise) des sommes sur lesquels bien peu d’impôts les affectent d’une part et d’autre part, ces même siégeant consentent parfois une miette aux montant des salaires aux travailleurs… Le décalage de rémunération entre le travailleur exécutant et celui de l’actionnaire est carrément insultant pour celui qui journellement est le producteur grâce à son travail, de bénéfices. Que dire du PDG licencié pour ne pas avoir atteint son « quota de rentabilité » a 2 chiffres chaque année, « remercié » avec un parachute doré et des indemnités de retraites élevées. Voir la gestion de la famille Mulliez entre autres…
      S’il semble impossible de changer complètement la gestion libérale qu’au moins une respectabilité des producteurs-tâcherons de la richesse puissent vivre décemment de leur travail me semble un minimum qui n’existe pas aujourd’hui ou le pouvoir d’achat des salariés travailleurs est en perte… et que dire par voie de conséquence de rentrées financières manquantes de la situation des retraités…
      Cordialement,
      Michel

  2. jjbadeigtsorangefr 24/01/2022 / 20h12

    Goinfrerie illimitée l’équation est simple c’est toujours plus pour les actionnaires et toujours moins pour les salariés producteurs de richesses. Cherchez l’erreur . L’erreur c’est le système capitaliste, accident de l’histoire qui finira bien par disparaître quand les gens auront conscience de la nécessité de le faire disparaître.

  3. Danielle ROLLAT 26/01/2022 / 18h29

    Et pendant que certains se goinfrent, la plupart des personnes âgées ne peuvent entrer en EHPAD, compte tenu de leurs ressources et de celles de leurs enfants. On parle d’augmenter de manière conséquente les droits d’inscription en faculté, comme passer de 200€ environ à 1.000 en licence, et aller éventuellement à 2.000e pour le master… les étudiants qui ont perdu les petits jobs avec la pandémie apprécieront… leurs parents aussi. C’est vrai qu’ils ont la possibilité d’emprunter, les bras des banques leur sont ouverts : on se croirait aux USA… Etre endetté avant de commencer à travailler… Ce ne sont pas les jours heureux qui s’annoncent pour les jeunes, nos jeunes !

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