La compromission


Au sujet de l’élection de Roberta Metsola, à la présidence du parlement européen.

On s’est beaucoup offusqué de ce choix dans les salles de rédaction et jusqu’au gouvernement, de ce choix d’une député opposée au droit à l’avortement. Nous partageons évidemment cette indignation. Il faut cependant que certains lèvent leurs ambiguïtés et leur double langage.


Le ou la présidente du parlement européen n’est pas désignée, mais élue à bulletin secret. Au terme d’un accord ancien, entre le parti socialiste européen et la droite européenne regroupée au sein du parti populaire européen, le président du parlement alterne tous les deux ans et demi, soit un demi-mandat de la législature pour chacune de ces forces. Le précédent président, David Sassoli, membre du groupe socialiste malheureusement décédé il y a quelques jours, arrivait au terme de son mandat de deux années et demie. Le groupe de la droite européenne a choisi de présenter madame Metsola. C’est ici une inquiétante indication sur le glissement des valeurs de ce côté. Mais ce n’est pas tout.


Dans un parlement qui n’a jamais eu autant de groupes politiques, Roberta Metsola est élue à bulletin secret, au premier tour avec 458 voix sur 690 votes exprimés. Ceci a été rendu possible parce qu’excepté le groupe écologiste et celui de la gauche, aucun autre groupe n’a présenté de candidat dès le premier tour, malgré la personnalité et les orientations de la candidate choisie par la droite. Autrement dit, les groupes socialistes, le PPE de droite et le groupe Renew où se retrouvent les députés macronistes ont soutenu de fait cette candidate. Mieux, l’extrême-droite a retiré son candidat pour laisser le champ libre et mêler ses voix avec les forces citées précédemment.


Ainsi ensemble, droite, socialiste, macroniste et extrême-droite ont agi et voté pour l’élection d’une candidate militante de l’interdiction du droit à l’avortement.


Le secrétaire d’État aux Affaires européennes pratique donc un double langage lorsqu’il affirme à France-info : « Je vous le dis très sincèrement, ça me gêne le symbole de son élection » alors que le groupe Renew présidé par son proche ami Stéphane Séjourné passé comme lui du Parti socialiste au cabinet du président Macron, a fait voter pour elle.


Soyons clair. Il n’a pu le faire sans son accord, ni celui du Président de La République. Et ils l’ont fait en mêlant leurs voix à ceux de l’extrême-droite. Il s’agit ici d’une grave compromission !


D’autant plus grave que Madame Metsola, que j’ai eue à combattre lors de mon mandat de député européen, a de multiples orientations rétrogrades. Elle s’est prononcée en 2015 contre une résolution promouvant l’égalité femmes/ hommes.


Il y a quelques mois, elle a refusé de soutenir une résolution demandant à la Commission européenne de proposer une loi criminalisant les violences faites aux femmes. J’ai pu l’observer dans les commissions d’enquête parlementaire sur les deux grandes affaires de fraude fiscale, Luxleaks et Panama Papers. En 2015, elle s’est battue avec acharnement contre la commission d’enquête sur les Luxleaks. En 2016, au sein de la commission d’enquête sur le scandale des Panama Papers, elle défendait le paradis fiscal que constitue son pays, Malte.


Plus fort encore, son mari Monsieur Ukko Metsola se trouve être l’un des dirigeants de la compagnie nord-américaine des croisières Royal Caribéan et animateur du lobby de ce secteur cité dans l’affaire des Panama Papers en 2016.


Voilà la personne qu’ont choisi ensemble tous ces groupes politiques. Ceux qui remettent en cause les droits des femmes en Europe, comme ceux qui défendent les paradis fiscaux sont aux anges. Après cela, les beaux discours sur les « valeurs européennes » et « la civilisation » ne valent pas grand-chose. Il est toujours utile d’y réfléchir, du point de vue du rapport de forces à construire dans cette enceinte parlementaire européenne.


La lettre du 21/01/2022. Patrick Le Hyaric – Source


3 réflexions sur “La compromission

  1. bernarddominik 22/01/2022 / 08:50

    Soutenue par les députés macronistes pendant que le dit Macron voulait inscrire le droit à l’avortement dans les droits fondamentaux de l’UE. Comme hypocrite on ne fait pas mieux.

    • luc nemeth 22/01/2022 / 14:53

      Oui mais, on est ici en pleine aporie.
      Cet hypocrite a d’une certaine manière le… courage-de-son-hypocrisie puisque sitôt élu, il a tenu le langage de ceux qui ne sentent pas bon et a fièrement déclaré : « nous parlons à tout le monde ». Sic

  2. Danielle ROLLAT 22/01/2022 / 21:44

    Tout cela ne nous annonce pas de « Jours Heureux »…

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