Les organisateurs de cette primaire, sont moins populaires qu’ils ne l’affirment.
On leur donnerait le bon Dieu sans confession, à ces deux trentenaires au visage avenant. Ils veulent la victoire de l’écologie et du social, un monde moins moche, « faire gagner la gauche », en finir avec le système des vieux partis, qui, disent-ils, les « dégoûte ».
Mathilde Imer, militante écolo, et Samuel Grzybowski, entrepreneur social, enseignant à Sciences-Po et cofondateur de Coexister, un mouvement inter-religieux présent dans le paysage depuis treize ans, sont les deux porte-parole de la Primaire populaire.
C’est quoi, la Primaire populaire ?
Une association fondée en juillet 2021 dans le but de désigner démocratiquement un candidat commun à la gauche.
Sept candidats ont été présélectionnés [par qui, comment, questions – voir la suite de l’article !], et seront soumis au vote des inscrits du 27 au 30 janvier 2022.
L’ennui, c’est que plusieurs d’entre eux, comme Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo, ne sont pas candidats.
« Normalement, le préalable à une élection, c’est de faire acte de candidature », relève pertinemment un sénateur communiste.
Le processus est-il démocratique ?
Sur le papier, oui. Mais les méthodes des militants de la Primaire populaire sont pour le moins discutables. Ils ne s’en cachent pas : il faut « faire pression » sur le PS, le PC, LFI et EELV pour qu’ils renoncent à leurs propres processus de désignation.
Des militants font des sit-in devant les sièges de ces partis avec des pancartes menaçantes : « On ne vous pardonnera pas. » D’autres, comme le député européen Pierre Larrouturou et Anne Hessel, la fille de Stéphane, se lancent dans une grève de la faim. Et, pour ébranler ceux qui ne pensent pas comme soi à gauche, on n’hésite pas à brandir des arguments d’autorité.
Gang de cool
Le potentiel de suffrages pour le candidat de la Primaire populaire serait de « 8 millions de voix », assène-t-on régulièrement, sans que l’on sache d’où vient ce chiffre, et Mathilde Imer invite charitablement les récalcitrants à « s’inscrire dans le sens de l’Histoire ». Si c’est elle qui le dit… Bref, ils sont bien sympas, les militants de la Primaire populaire, mais mieux vaut être d’accord avec eux.
La Primaire populaire est légitime, car il s’agirait d’un phénomène de masse. S’il est vrai qu’elle n’a cessé de prendre de l’ampleur (250 000 inscrits), les arguments invoqués peuvent faire sourire.
Effectivement, 250 000, c’est deux fois plus que le nombre de votants pour la primaire écolo (122 000) et beaucoup plus que pour la primaire des Républicains (140 000). Oui, mais c’est beaucoup moins que la primaire du PS de 2017 (1,6 million de votants) ou celle de 2011 (plus de 2 millions). « On se contente de peu », se marre un maire socialiste.
Et les idées, alors ?
La Primaire populaire a un « socle commun » (« programme commun », ça fait vieux schnock). Il s’agit de 10 propositions centrales, plus d’autres au statut incertain. Elles figurent sur le site, sans que l’on sache si ce sont des idées défendues par la Primaire populaire ou simplement des pistes de réflexion.
Ce socle aurait été négocié par les partis de gauche. Mais la sortie du nucléaire en 2050 n’a jamais été votée par le PC, LFI a assuré n’avoir rien validé du tout, la Gauche républicaine et socialiste non plus, et le bureau national du PS n’a pas voté sur ce fameux « socle commun ».
«Je me souviens d’une réunion récente du groupe PS à l’Assemblée. Je demande à mes copains : « Mais vous êtes d’accord, vous, avec la sortie du nucléaire, un référendum sur l’écriture inclusive et la suppression des brigades d’intervention dans les quartiers populaires ? Tout le monde était gêné, et Olivier Faure a fait une phrase alambiquée qui signifiait en gros : « Circulez, y a rien à voir », raconte le député PS David Habib. Que signifie une phrase comme « réduire le pouvoir de la technocratie » ?
Curieusement, sur des questions cruciales comme l’Europe et la laïcité, silence radio.
Les copains frérots
On peut le comprendre si l’on se penche sur le parcours de Samuel Grzybowski.
Sourire très télégénique en avant, ce catholique de gauche est un fervent partisan du dialogue inter-religieux, ce qui l’a amené à coopérer avec l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), affiliée aux Frères musulmans, et avec une association provoile très active du nom de Lallab, sans oublier le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), proche, lui aussi, de la pensée « frériste » et qui, avant sa dissolution, en 2020, sur ordre du ministère de l’Intérieur, militait activement contre l’Etat français « islamophobe » et contre la loi de 2004 sur le port des signes religieux à l’école.
Pour beaucoup d’opposants à cette primaire, le processus, présenté comme sans arrière-pensées, n’est en vérité qu’un classique conflit générationnel pour le contrôle de la gauche. « Ce sont des boutonneux qui ne m’inspirent pas du tout confiance et qui se rassemblent avec leurs copains au café, rien de plus », assène David Habib.
Anne-Sophie Mercier – le Canard enchaîné. 19/01/2022
C’est assez primaire et assez gauche, manquant de notoriété mais plus de cohésion à gauche serait une bonne idée.