Lettres ou le néant ?

Pas prescription sanitaire pour le « courrier de l’Élysée ».

À l’Élysée, le service de la correspondance fait face à la nouvelle (méchante) vague pandémique.

Après la bienveillante déferlante des « joyeux anniversaire » (Macron est né le 21 décembre 1977), puis celle des cartes de vœux, les 72 agents du Château affectés au courrier affrontent le raz de marée des réactions déclenchées par le Président disant vouloir « emmerder » les non-vaccinés. Là, les plumes sont trempées dans une encre moins sympathique…

Les trieurs de courrier de la Présidence sont, eux aussi, « emmerdés ». Depuis le 3 janvier 2022, le gouvernement rappelle à tout bout de champ le bien-fondé du protocole sanitaire exigeant deux, trois, voire quatre jours de télétravail par salarié.

« La très grande majorité des entreprises jouent le jeu », s’est enthousiasmée la ministre du Travail, Elisabeth Borne (France Info, 4/1). Et Macron de renchérir « Chaque jour de télétravail compte. »

Sauf au service courrier de l’Elysée, affranchi de cette contrainte !

Alors que le traitement des lettres vient d’y être intégralement numérisé, la grande majorité des employés a tout de même l’obligation de pointer au burlingue et seuls les plus méritants peuvent œuvrer à domicile ! En quel honneur ? Une productivité « qualitative et quantitative » hors pair, mesurée, en septembre 2020, par « des tests d’éligibilité » (sic).

Tous à la fête !

Pour les autres, les « normaux », installés dans un bâtiment proche du pont de l’Alma, le patron du service (un ancien militaire devenu sous-préfet après un passage par le privé (Voir à la suite de cet article ) a eu, en 2020, une idée lumineuse : réorganiser les bureaux en espace ouvert (sans cloisons).

Et pas question de jouer les timides.

Dans un courriel adressé le 5 novembre dernier à ses petites mains, leur chef écrivait : « Je souhaite dorénavant que, pour les pots de départ, discours… le télétravail soit interdit pour tout le service et la présence obligatoire au discours et au pot qui s’ensuit. »

Pour les inciter à assister à ces festivités, il n’a pas hésité à décharger certains d’une partie de leurs tâches. Ils sont timbrés, au Château ?


Capgemini et l’affranchi du Château

Combien la numérisation de la poste de l’Élysée a-t-elle coûté ?

La mission de digitaliser les 250 000 lettres adressées chaque année à la présidence a été confiée, en 2020, au groupe Capgemini. Lequel reste fort discret sur le montant de ce contrat, négocié via la centrale d’achat de l’État.

Pour matérialiser cette dématérialisation, un nouveau chef du courrier est arrivé comme une lettre à la poste en mars 2020. Un sous-préfet, tamponné par… Capgemini. Juste avant d’arriver au Château, l’ancien militaire était chargé, dans l’entreprise, d’« accompagner le ministère des Armées dans sa numérisation ».

De là à dire que, pour un conflit d’intérêts, ça ne fait pas un pli…


Article signé des initiales D. H. et C, L. – Le Canard enchaîné. 12/01/1022