Selon Raphaël Pradeau (Attac), le constat est terrible : « Macron a amplifié et radicalisé les logiques libérales ».
Le 19 janvier 2022 sort en librairie Macron, on fait le bilan, dans lequel Attac dresse un état des lieux de toutes les vieilles recettes néolibérales recyclées par celui qui, en 2017, promettait pourtant une autre façon de faire de la politique. Raphaël Pradeau nous remet en tête les choix fiscaux édictés par ce président qui dément avoir été au service des riches.
- Emmanuel Macron avait vendu une rupture avec ses prédécesseurs. Est-ce le cas fiscalement ?
Raphaël Pradeau Non, si l’on considère que son quinquennat prolonge les logiques libérales en vigueur depuis le tournant de la rigueur de 1983. Les baisses d’imposition sur les sociétés, la fin de la progressivité de l’impôt sur le revenu, la diminution de la fiscalité sur le patrimoine ne datent pas d’hier. Dans les années 1980, l’impôt sur les sociétés était de 45 %. Macron l’a fait passer de 33 % à 25 %. Si ce dernier se singularise, c’est par le fait qu’il amplifie et radicalise ces mesures, avec toujours plus d’allégements sur la fiscalité des particuliers et des entreprises, tout en sous-entendant que les richesses allaient ruisseler. Cette théorie a servi de justification à la suppression de l’impôt sur la fortune comme à l’établissement de la flat tax, dispositif moins connu des Français, mais dont la mise en place a instauré un plafond de taxation de 30 % sur les revenus des plus riches. Pour la première fois, une majorité a ouvertement favorisé les plus riches, tout en augmentant dans le même temps les impôts sur la consommation, comme la TVA ou plus encore la CSG, qui pèsent sur les plus pauvres.
- Avons-nous affaire à une politique de classe ?
Raphaël Pradeau Ceux qui croyaient que les classes sociales n’existaient plus voient bien que le gouvernement mène une lutte en faveur des riches et du grand patronat. Des mesures ont même été dictées par le Medef, comme le sabordage par Bercy de la directive européenne sur la transparence fiscale, qui aurait instauré un reporting des activités des multinationales pays par pays en vue de mieux taxer leurs bénéfices.
- Le quinquennat Macron a-t-il marqué des points dans la lutte contre l’évasion fiscale ?
Raphaël Pradeau En 2017, ce sujet ne figurait pas dans le programme du candidat Macron. Le scandale des Paradise Papers a obligé le président à faire évoluer son discours. Quelques avancées ont été enregistrées, comme l’allégement du « verrou de Bercy » (un dispositif donnant un veto du ministère des Finances sur les plaintes judiciaires contre la fraude fiscale – NDLR). Mais, la nouvelle liste des paradis fiscaux rédigée par la France n’en contient aucun d’important, singulièrement en Europe, où le Luxembourg permet à Amazon de réaliser 44 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans l’Union sans payer d’impôt.
- La France n’a-t-elle pas été en pointe pour faire adopter à l’OCDE une taxe sur les multinationales ainsi qu’un taux d’imposition sur les sociétés de 15 % ?
Raphaël Pradeau La France a su s’y donner le beau rôle en communiquant sur son volontarisme. Dans les faits, les multinationales ne seront pas taxées à la hauteur des PME. Et la France a tout fait pour. Au début des négociations, Bruno Le Maire a même défendu un taux d’imposition sur les sociétés de 12,5 %. C’est Joe Biden, une fois élu, qui a proposé 21 %. Dans une tribune avec son homologue allemand, Bruno Le Maire a ensuite réagi en donnant son accord pourvu que ce taux fasse consensus au sein de l’Union européenne. Or, il savait bien à ce moment que l’Irlande n’accepterait pas. Exit donc les 21 % de Biden. Les négociations ont atterri sur un petit 15 %. Nous craignons que ce plancher ne devienne un plafond, une sorte de nouveau standard international qui tire l’impôt sur les sociétés encore plus bas.
- Le gouvernement se réjouit d’avoir baissé les impôts. Partagez-vous sa satisfaction ?
Raphaël Pradeau Quand il le revendique, c’est pour sous-entendre, d’une part, qu’il n’est plus possible de revenir sur tous les cadeaux fiscaux faits aux plus riches et, d’autre part, que payer des impôts est mal. Au contraire, nous avons besoin d’hôpitaux et d’un système éducatif qui tiennent le choc de la crise sanitaire. Ce qui nécessite de payer des impôts. Nous contestons l’idée que les impôts pèsent trop lourd comme nous contestons l’affirmation que le gouvernement les ait diminués. Il vient ainsi de prolonger jusqu’en 2033 la CRDS (contribution à la réduction de la dette sociale). Or, cette contribution qui a généré 7,3 milliards d’euros en 2021 n’est pas du tout progressive. Durant cinq ans, le gouvernement s’est ingénié à diminuer les impôts progressifs, dont s’acquittent plus fortement les plus riches, servant de levier de redistribution et de lutte contre les inégalités. En même temps, il a augmenté les impôts proportionnels, comme la TVA ou la CSG, qui pèsent plus sur les classes populaires et moyennes. C’est un choix politique et idéologique très clair.
- Pourquoi prévoyez-vous un tournant austéritaire si la droite ou l’extrême droite gagne la présidentielle ?
Raphaël Pradeau Ce tournant est déjà pris : la réforme de l’assurance-chômage a été faite au nom de la dette publique. Depuis un an et le rapport de la commission Jean Arthuis, on prépare les esprits à devoir se serrer la ceinture. La France a d’ailleurs assuré à la Commission européenne qu’elle comptait résorber la dette publique grâce aux réformes sur l’assurance-chômage et les retraites. En cas de réélection, Macron a annoncé qu’il reculerait très vite l’âge de la retraite. Tout comme Valérie Pécresse, Éric Zemmour et Marine Le Pen. Et tous promettent (et nous savons ce que veulent les promesses électorales) des augmentations de salaire via des diminutions de cotisations, donc en appauvrissant la Sécurité sociale.
Interview réalisée par Stéphane Guérard – Source
Note de l’administrateur : En premier lieu cette interview n’engage que son auteur.
En second avant que ne s’effectue un changement historique de société il y a tout lieu de combattre l’information diffusée par tous les médias en dénonçant des faits avérés plus que des sentiments ou des sensations.
Dans cet esprit le blog « libres jugements » entend dans cette période de déclarations des différents candidats à l’élection présidentielle (voire élections législatives qui suivront), non pas établir une vérité, car nous ne pensons pas que cela soit réalisable sans prendre un certain parti pris, mais simplement donner des informations contradictoires. Après, chacun faisant son analyse, décidera de voter en son âme et conscience. MC