#Meetoo… partout!

Après #Meetoo de rue, #Meetoo métros et transports, #Meetoo bureaux, #Meetoo écrivaines, #Meetoo cinéma, #Meetoo médias, #Meetoo théâtre… Mais, quel est ce monde ou l’irrespect de l’autre serait monnaie courante ?

Sommes-nous bien dans une réalité ou dans une société mythomane ?

Le lancement du collectif #MeToo au théâtre, cet automne, a fait l’effet d’une bombe. Comédiennes, autrices ou metteuses en scène victimes d’agressions sexuelles parlent enfin, le gouvernement lance un plan de lutte. Mais la radicalité du mouvement divise…

Dans Libération le 1er octobre 2021, est indiqué qu’une enquête préliminaire était ouverte pour agression sexuelle contre le metteur en scène Michel Didym, les a fait monter au créneau. « Quand on a lu que “tout le monde savait” sans rien dénoncer, on a réagi contre cette omerta » […] cinq femmes, toutes également victimes de violences sexistes et sexuelles, ont d’abord partagé la même indignation.

Une fois leur collectif #MeTooThéâtre organisé, elles ont, le 7 octobre 2021, lancé le hashtag assorti en publiant leurs propres témoignages.

Marie Coquille-Chambel, youtubeuse du spectacle vivant qui sait manier les codes de la viralité numérique, a posté les deux premiers tweets.

  • Dans le premier, elle appelle les personnes harcelées à témoigner.
  • Dans le second le viol qu’elle aurait subi lors du premier confinement, perpétré par un acteur de la Comédie-Française dont elle ne donnait pas le nom, avec lequel elle entretenait une relation.

En juin 2021, Nâzim Boudjenah a été condamné à six mois de prison avec sursis sans inscription au casier judiciaire pour menaces de mort et relaxé pour les violences aggravées. La plainte pour viol, elle, est toujours en cours d’instruction.

Surgi brutalement sur la scène culturelle française cet automne, soit quatre ans après celui du cinéma, le mouvement #MeTooThéâtre a fait l’effet d’une bombe.

Les premiers témoignages visant la Comédie-Française ont immédiatement entraîné cinq mille commentaires. La parole des femmes s’est libérée. Alors, que se passe-t-il vraiment derrière le rideau ?

Le théâtre  […] n’est-il qu’un terrain de chasse pour prédateurs sexuels ?

Les plus jeunes générations, au fait des nouvelles luttes féministes centrées sur les violences sexistes, parlent de « culture du viol », quand d’autres, portées par le mouvement de libération sexuelle des années 1960-1970, sont plus mesurées.

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Toujours les mêmes affaires

En attendant, ça tourne toujours autour des mêmes affaires : Guillaume Dujardin, metteur en scène et ancien professeur à l’université de Franche-Comté, condamné en appel pour harcèlement, agression et chantage sexuels à quatre ans de prison, dont deux ferme ; Michel Didym, ex-directeur du centre dramatique national de Nancy soupçonné de viol, objet d’une enquête diligentée par le procureur ; entaché par une accusation de viol classée sans suite, le metteur en scène Jean-Pierre Baro, qui a démissionné, en décembre 2019, de la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry sous la pression des activistes.

 […] Depuis juillet 2020, le ministère de la Culture a tout de même fait quatre signalements à la justice dans le secteur public […]

Dans le théâtre privé, rien n’est encore sorti. […] Le plan de lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels lancé par Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, en novembre 2021, les confortera sans doute : référent et formation obligatoire dans toutes les structures subventionnées, théâtres ou compagnies.

En 2022, le respect d’un tel dispositif sera la condition d’accès aux subventions publiques, comme c’est le cas désormais dans le cinéma. Pour les scènes de nudité ou à caractère sexuel, une médiation sera nécessaire dès le début des projets.

Y a-t-il un risque artistique à encadrer ainsi la création ?

Les trentenaires répondent qu’il n’y a « aucun danger à se sentir en sécurité pour créer ! ». Pourtant, beaucoup d’artistes s’affolent en off des « oukazes moralistes » postés sur Instagram.

Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française, vingt-sept ans de maison, assume son désarroi. Si elle admire ces éclaireuses « qui, enfin, inversent le focus et parlent du consentement des femmes et non plus du désir des hommes », elle se méfie aussi « de la face obscure du mouvement ». Il faut prendre garde, selon elle, à ce que la parole des femmes ne se transforme « en censure ».

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Vers une scission dans le milieu ?

Fondatrice de collectif théâtral devenue directrice du TGP de Saint-Denis, Julie Deliquet, 41 ans, craint avec tristesse une scission dans le milieu : « La division se dessine à propos du “moment d’après”, quand la justice ne peut pas passer, faute d’éléments suffisants, et que la rumeur continue en sous-main. Que fait-on alors ? De mon point de vue, il ne faut pas laisser retomber la pression, alors s’il ne s’agit pas d’interdire, les inquiétudes doivent pouvoir s’exprimer. »

« On est sur un bateau qui tangue », confie à son tour la comédienne Valérie Dréville, 59 ans, qui a travaillé avec les plus grands du théâtre français. Elle ne voudrait pas que la colère exacerbée s’installe […]


Emmanuelle Bouchez. Télérama. Titre original : « #Meetoothéatre déchire le rideau ». Source (Extraits)