Retour sur le 1ᵉʳ meeting du Z «présidentiable».

Au pouvoir comme dans l’opposition, certains ne luttent plus contre l’extrême droite : ils composent avec elle.

Au lendemain de l’agression de journalistes et de militants antiracistes au meeting d’Éric Zemmour, les rares condamnations politiques ont brillé par leur mollesse et leur relativisme.

Dimanche 05 décembre 2021, dans un meeting de campagne présidentielle, des chaises et des coups ont volé. Des journalistes, violemment pris à partie, ont été exfiltré·es sous les huées et les insultes. Des militant-e-s de SOS Racisme, venu-e-s mener une action politique pacifique, comme il s’en mène depuis toujours, ont été frappé-e-s en plein milieu du public, sous l’œil des caméras. Une femme, sortie manu militari, a été filmée le visage ensanglanté. Et des responsables de l’équipe de sécurité du candidat ont remercié les auteurs de ce lynchage.

On aurait pu s’attendre, au lendemain de tels événements, à une condamnation unanime et sans ambiguïté de la classe politique. Encore aurait-il fallu que cette dernière soit à la hauteur du moment que nous traversons. À la place, nous avons entendu le président du Sénat, Gérard Larcher, troisième personnage de l’État dans l’ordre protocolaire, expliquer que « la provocation peut inciter à cela ». Nous avons également écouté Valérie Pécresse, candidate Les Républicains (LR) à l’élection présidentielle, conseiller de « vivre avec sang-froid » ce type de « provocations ».

Au même moment, dans une autre matinale de radio, […], Christophe Castaner, aujourd’hui patron des député-e-s La République en marche (LR-EM), condamnait rapidement ces violences, avant de s’empresser d’ajouter : « Mais, en même temps, je regrette qu’on refuse dans notre débat démocratique des idées qui sont différentes des nôtres, même si je les condamne, ces idées, je pense qu’elles ont le droit de s’exprimer. » […]

[…]

Les autres commentateurs et commentatrices n’étaient pas en reste [qui] dimanche soir, sur les plateaux de télévision, palabrèrent des heures entières, consacrées à savoir si, oui ou non, il avait parlé à toute la droite, à seulement une partie de la droite, à l’extrême droite, mais l’extrême droite fait-elle partie de la droite ? Dans le même genre, des journaux titraient sur « les habits de candidat » enfin revêtus et décryptaient son « discours de “reconquête” ».

Voilà plusieurs mois déjà que des journalistes, des élu-e-s, des militant-e-s politiques, des syndicalistes, des libraires et des manifestant-e-s sont harcelé-e-s, intimidé-e-s, menacé-e-s de viol ou de mort par des sympathisants d’extrême droite. […]

Les militant-e-s de SOS Racisme, [present-e-s] au meeting dimanche avaient pour simple idée de dévoiler des tee-shirts sur lesquels était inscrit « Non au racisme » (on a connu des slogans plus choquants). Ils, elles ont été agressé-e-s par des personnes dont certaines sont membres du groupuscule « Zouaves Paris » (1).

De plus est utilisé la puissance du retournement des valeurs et de la perte de sens, que de victimes, ils et elles sont devenu-e-s coupables. Coupables de « provocation ».

En d’autres temps, des responsables politiques dignes de ce nom auraient parlé de lutte contre l’extrême droite. Mais aujourd’hui, ils préfèrent composer avec elle.

[…]

Avec un art maîtrisé de la démagogie et une pratique assez médiocre de la triangulation, [Macron] a largement participé à la légitimation des figures, des idées et des véhicules qui ont permis la candidature de l’ancien polémiste.

Les remparts se sont ainsi transformés en passerelles. Désormais, l’extrême droite est appréhendée comme tout autre adversaire politique. Ses propositions sont débattues avec sérieux. Et ses factieux sont relégués au même rang que les militant-e-s antiracistes. Cette pente peut conduire loin. Y compris jusqu’au pire.


D’après Ellen Salvi. Médiapart. Titre original : «  L’extrême droite et ses complicités tacites ». Source (Extraits)


  1. Le groupuscule « Zouaves Paris » a revendiqué lundi [06 déc. 2021], dans une vidéo, les violences commises à l’endroit de militants antiracistes lors du meeting d’Éric Zemmour à Villepinte. Des responsables de la sécurité ont remercié les auteurs des agressions. Mardi, le candidat a « condamné toutes les violences », tout en qualifiant les militants de SOS Racisme de « provocateurs » et « chiens truffiers des subventions ».

10 réflexions sur “Retour sur le 1ᵉʳ meeting du Z «présidentiable».

  1. bernarddominik 09/12/2021 / 20h13

    Il faut être idiot pour aller manifester contre Zemmour dans un de ses meetings. Cela dit rien ne justifie la violence. Faut il interdire Zemmour? Si on ne l’interdit pas il a le droit de faire ses meetings. Il faut être clair soit son discours respecte les lois soit il ne les respecte pas. C’est au procureur de la République de se prononcer. Il faut arrêter de le victimiser et de donner aux médias l’occasion de parler de lui. Je pense que ses paroles sur les femmes devraient suffire à le rendre inéligible, quant au racisme, il n’a jamais dit que les blancs étaient supérieurs aux noirs, donc il ne peut être accusé de racisme. N’oublions pas ce qu’est le racisme et ce qu’il n’est pas, comme pour la laïcité j’ai pu constater que de nombreux français ignorent le sens des mots, et les déclinent suivant leur inspiration politique.

    • Libres jugements 10/12/2021 / 11h17

      Bernard,
      Tout d’abord, il ne faut pas être idiot pour se rendre dans un meeting écouter toutes les propositions … à condition d’être capable ensuite de réaliser une analyse des propos tenus et non pas de se tenir au courant via des médias et journaleux interposés qui raconteront ce qu’ils veulent et souvent compte tenu de la ligne éditorialiste qui les rétribues.
      Je me souviens d’avoir été présent à un meeting de Mélenchon sur le sable de Marseille et de me dire qu’il avait fait un discours de merde aux Marseillais alors que les médias l’avaient crédité d’excellent discours … résultat, il n’a cette année-là du moins, pas « fait » un bon score à Marseille.

      Ensuite… la baston présentée par les médias dans la suite immédiate du reportage de Villepin comme émanant-provoquée par des contestataires, venant en réalité d’un groupe néo-nazi. Une intervention si elle n’était peut-être pas prévu par le candidat ou son entourage, l’était tout au moins par certaines personnes, et ce, dans le sillage des propos haineux de Zemmour.
      Cordialement,
      Michel

    • luc nemeth 15/12/2021 / 11h02

      Bonjour.
      Contrairement à ce qu’affirme BERNARD DOMINIK le nommé Zemmour peut mais… doit, être accusé de racisme.
      Cela dit il ne faut pas taper sur lui pour se faire applaudir de LREM qui ne valent pas beaucoup plus cher et qui avec leur projet de loi sur le… « séparatisme » (objet juridique non-identifié) ont ouvert un boulevard dans lequel il n’a fait que s’engouffrer.
      Et ils se revendiquent aussi de « la démocratie », ces médias qui lui servent la soupe, et ce à tel point qu’en définitive l’extrême-droite n’a guère eu besoin de forcer son talent en cette affaire.
      Cordialement

      • Libres jugements 15/12/2021 / 16h14

        Bonjour Luc et merci pour ce commentaire.
        Lecteur de ce blog tu as pu vérifier que j’essayes dans la mesure du possible de couvrir au plus près, l’actualité dans tous registres qu’elle soit événementielle ou politique. de même j’essaie dans la mesure du possible de poster des articles qui offre la contradiction, permettant ainsi à chacun de se faire une idée personnelle.
        Bien évidemment, ce serait mentir que d’affirmer que je manque d’avis personnel, la neutralité n’existe pas dans ce monde, je ne fais d’ailleurs absolument pas mystère de mon parcours personnel qui est lisible dans une partie de l’accueil.
        Très franchement, si je poste des éléments relatant les faits et gestes du trublion Zemmour, ce n’est absolument pas de gaieté de cœur bien au contraire. Cependant, pour être en accord avec ma volonté d’informer dans tous les sens, quitte à trouver, détecter, les lacunes dans ses discours. Ceci est tout aussi valable dans bon nombre de formations politiques comme de certains personnages.
        C’est aussi dans cet esprit que j’accueille tous les commentaires.
        Très cordialement
        Michel

        • luc n. 17/12/2021 / 10h31

          Bonjour Michel,
          En aucune façon je n’incriminais ce blog, et encore moins le mettais… sur le même plan que ceux qui servent la soupe à ce cauchemardesque personnage !
          Bonne journée
          Luc

          • Libres jugements 17/12/2021 / 10h53

            Bonjour et merci Luc pour ta réponse qui me fait chaud au cœur et conforte mon envie de poursuivre ce blog malgré mes 80 ans passés.
            Amitiés
            Michel

  2. jjbey 10/12/2021 / 9h17

    Les femmes sont agressées parce qu’elles sont trop belles, les anti racistes parce qu’ils le sont……
    Les ouvriers exploités parce qu’ils sont des ouvriers…….
    Il y a toujours une cause aux exactions des agresseurs qui, si on les écoute, ne sont en vérité que des victimes.
    À quand le mur des fusilleurs ?

  3. Danielle ROLLAT 10/12/2021 / 15h51

    … Et la campagne officielle n’est pas encore ouverte… la bataille pour tenir les murs pas commencée… Ca promet…
    Je me souviens de la campagne de 1969 de Jacques DUCLOS et de l’agression d’un jeune de ses colleurs d’affiche du Nord, qui a payé de sa vie… quand les fauves sont lâchés en meute, mieux vaut ne pas louer les héros seul..

  4. bernarddominik 11/12/2021 / 19h03

    Pour sa déclaration de candidature Zemmour à choisi une symphonie de Beethoven, la préférée de Wagner.
    Étonnant que Zemmour ne connaisse pas de compositeur français, lui qui se veut le chantre du nationalisme.
    Il aurait pu choisir du Berlioz, Saint Saens, Fauré, Gounod, Ravel, Debussy, etc. mais il a préféré de la musique teutonne, comme un certain Adolf?

    • Libres jugements 12/12/2021 / 11h23

      Là, je comprends pas ton commentaire, s’il te plait, pas de fausse nativité Bernard
      À mon humble avis, c’est plutôt qu’il prenne un compositeur français et une mélodie moins martiale pour illustrer ses propos, qui aurait étonné…
      Son comportement, ses propos, sa manière d’insulter les Français issus de l’immigration, etc. portant à la dictature façon la plus folle du type nazi sa logique musicale entend les airs wagnériens pompeux et grandiloquent ou de Beethoven.
      Son illustration sonore est bien dans le ton de ce clip affreux… dont il faudra bien se souvenir, avant toutes prisent de position à son égard.
      En toute cordialité
      Michel

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