Bien étrange cette publicité du gouvernement chinois insérée dans la revue ultra droitière : « l’opinion ». Curieuse démarche pour ce pays ayant adopté un système socialisant pour gestion, est-ce une forme de conversion du capitalisme d’État une nécessité due au développement de leurs industries ?
« L’OPINION » (« le quotidien des gens entreprenants » fondé par Nicolas Beytout, ancien du « Figaro ») a offert, le 23 novembre 2021, une belle surprise à ses lecteurs.
Une pleine page de pub titrée « Résolution historique adoptée à la sixième session du 19e comité central du Parti communiste chinois » (ouf !) avec, en prime, une photo géante du grand leader Xi Jinping !
Dans ce magnifique document, estampillé « communiqué » et acheté par le régime de Pékin, tout était rédigé avec un soin prolétarien à faire s’étouffer le lecteur de « L’Opinion ».
Entre deux références élogieuses au « marxisme-léninisme » (dont « il ne faut en aucun cas s’écarter ») et au « camarade Mao Zedong », les rédacteurs vantent la « noble mission » du Parti, qui est « d’apporter le bonheur au peuple chinois et d’assurer le renouveau de la nation ».
Ils tiennent aussi à saluer le « nouvel esprit » de l’« armée populaire », qui a su ramener « l’ordre et la paix à Hongkong ». Ou cette Chine « devenue un phare qui éclaire notre époque ainsi que le progrès humain ». Pourvu que ça dure !
Les tigres du papier
A « L’Opinion », en tout cas, la farce se poursuit depuis plus de deux ans. Chaque mois ou presque, Xin-hua (agence de presse étatique) ou « Le Quotidien du peuple » (organe officiel du PC chinois) lui refourguent des pages entières, frappées de mots d’ordre plus enivrants les uns que les autres : « Tous à bord du train à grande vitesse du développement de la Chine » (9/11), « L’expérience de gouvernance du PCC bénéfique pour l’Afrique » (9/7), « Les propos de Xi envoient un signal fort pour la solidarité » (26/11/20). Sans oublier cette superbe raffarinade : « La direction détermine la route, la route détermine le destin » (1/7).
Et, quand la Chine bâtit des voies ferrées au Kenya, même les bêtes applaudissent le camarade Xi ! En témoigne ce titre : « De l’antilope à la girafe, la construction chinoise se lie d’amitié avec le règne animal » (15/10). Les lions en rigolent encore…
« L’Opinion » n’est pas le seul média français subventionné par Pékin. Comme l’a raconté La Lettre A (13/9), le site Internet du « Figaro » et BFM Business profitent parfois de ses bienfaits publicitaires. Aucun, toutefois, ne publie autant de réclame pour le Parti communiste chinois que le journal de Nicolas Beytout.
Au cours de ces quinze derniers mois, le Palmipède a décompté pas moins de 18 pages parues : soit, à en croire le prix catalogue de 18.000 euros (hors taxes) la parution, une rentrée de 324.000 euros.
Cette manne chinoise ne semble guère effrayer la rédaction, échaudée par le fragile équilibre financier du quotidien. Nicolas Beytout ne compte de toute façon pas s’arrêter en si bon chemin sur la route de Pékin. « Notre ligne libérale ne nous empêche pas de nous ouvrir à des points de vue différents, et puis c’est de la pub… » plaide-t-il auprès du « Canard ». Un peu dévalorisant, non ?
Très diplomate avec l’ambassadeur
Pourtant, les rentrées d’argent chinois constatées dans la colonne « publicités » coïncident parfois avec d’étonnants oublis, repérés dans les colonnes « infos » du journal papier. Ces dernières semaines, hormis trois lignes neutres noyées dans un édito, « L’Opinion » n’a pas consacré le moindre article à la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai, réduite au silence pour avoir accusé un haut dignitaire du régime d’agression sexuelle. « C’est un loupé », concède Beytout, qui n’a pas loupé, durant la même période, l’encaissement du produit de trois publications pékinoises.
Un autre fâcheux carambolage s’est produit le 2 juillet 2021. Ce jour-là, la pub de Xinhua met en avant ce cri du coeur de Fabien Roussel, le patron du PCF : « Le Parti communiste chinois a fait le choix d’écrire sa propre histoire. » La page suivante claironne pour sa part en titre : « A Pékin, Xi Jinping célèbre les 100 ans du PCC et fait sa fête à l’Occident ».
Surprise : ce dernier papier n’a pas été écrit par Pékin mais par la rédaction de « L’Opinion »…
Le journal a également décroché un beau scoop en interviewant, le 17 juin, l’ambassadeur chinois à Paris, Lu Shaye. Ce charmant garçon a traité en mars dernier, sur Twitter, de « hyène folle » et de « petite frappe » le chercheur français Antoine Bondaz, qui avait dénoncé des pressions chinoises.
Pas un mot, bien entendu, sur cet incident durant l’entretien. En revanche, « L’Opinion » a osé, non sans insolence, interpeller Lu Shaye : « La question de la population ouïghoure est également source de complications entre la Chine et les Occidentaux… » Tout cela sans mentionner les vilains mots de « travail forcé », de « camp d’internement » ou de « disparition ».
La sino-compatibilité journalistique, c’est tout un art !
Hervé Liffron et Christophe Nobili. Le Canard enchaîné. 01/12/2021
« faut-il pleurer, faut-il en rire »..
La pub ça paie et la droite n’y voie aucun inconvénient à en faire dans ses journaux.
Ce n’est d’ailleurs pas une première et 338 000€ plus loin on dit merci.
La presque première économie mondiale n’a rien à voir avec le communisme, mais il est toujours bon de s’abriter derrière un idéal pour justifier l’injustifiable.
Le journal n’a pas tiré un seul article sur la joueuse de tennis victime sexuelle d’un hiérarque du PC chinois et qui semble éloignée des cours……
Vous avez dit bizarre?