Âmes sensibles s’abstenir – pour celles ou ceux qui veulent comprendre, entendre la vérité et non pas la communication d’état justifiant de tels actes, nous vous engageons à la lecture… MC
Au début des années 50, en pleine . guerre de Corée, l’Amérique est sidérée par les aveux que profèrent certains de ses soldats capturés par l’ennemi.
Sur Radio Pékin, des pilotes de bombardier jurent que des armes bactériologiques ont été utilisées contre les civils coréens. D’autres s’accusent d’assassinat devant les caméras. « Comment pourrai-je désormais regarder ma famille, le monde civilisé en face et leur dire que je suis un criminel ? » confie l’un de ces militaires.
Aucun des captifs ne semble avoir été torturé. Alors les galonnés américains s’interrogent. Comment diable les communistes ont-ils fait pour que ces fiers gaillards de l’Oncle Sam en arrivent à délivrer ce qui ressemble à des aveux extorqués ? Les psychologues ont une réponse : lavage de cerveau.
Selon eux, les scientifiques rouges ont découvert le moyen de déprogrammer la conscience humaine, de gommer les souvenirs, d’effacer convictions et certitudes pour en implanter d’autres. Une arme secrète qu’ils auraient utilisée lors de spectaculaires procès en Hongrie ou en Pologne. La CIA cherche à comprendre par quel moyen un homme peut être brisé. Et met tout en œuvre pour le briser à son tour.
Torture « auto-infligée »
Après l’armistice de juillet 1953, les prisonniers bavards sont passés en cour martiale. Et ils racontent. Non, ils n’ont pas été soumis aux tortures physiques habituelles, mais à des tourments qui ne laissent pas de trace. Privation sensorielle, sommeil empêché, douleurs « auto-infligées », comme une position inconfortable maintenue des jours durant. Et les témoignages des dissidents soviétiques passés à l’Ouest sont venus confirmer ces récits. Supplicier le cerveau est plus efficace qu’endommager le corps.
Pour Washington, en fait, rien de bien nouveau.
Dès les années 20, la violence psychologique était couramment employée contre les bandits par la police américaine. Et, dans les champs de coton, déjà, avant la guerre de Sécession, c’est par la torture « propre » que les esclaves noirs étaient tenus en laisse. Pour être vendus, une femme ou un homme ne devaient pas être marqués au fouet (preuve de leur indocilité), mais épuisés, terrorisés, soumis.
La CIA va alors s’appuyer sur des professeurs, des psychiatres, des psychologues des universités américaines (Yale, Stanford) et de pays amis pour élaborer l’idée du contrôle mental de l’individu. Pour 1 milliard de dollars par an, USA, Grande-Bretagne et Canada vont mettre en commun leurs experts, dans le but de décoder le cerveau humain.
Psychotropes, isolement sensoriel et électrochocs figurent ainsi en bonne place dans les manuels militaires destinés à obtenir une obéissance aveugle.
Ce programme à décérébrer a été conduit jusqu’au début des années 70 sur des centaines de patients fragiles, de volontaires pour jeux de rôle dégradants, de cobayes malgré eux, utilisés afin de savoir comment faire plier un homme ou le faire obéir à un ordre contraire à sa morale.
A la prison d’Abou Ghraib, en Irak, et dans le camp de Guantanamo, la privation sensorielle ou le vacarme constant, l’interdiction de bouger, l’isolement physique, l’humiliation étaient déjà des méthodes enseignées par les psychologues de la CIA en 1957.
Sorj Chalandon – Le Canard Enchainé – 10/11/2021 –
« Des bourreaux aux mains propres », d’Auberi Edler, jusqu’au 07/01/22 sur Arte TV (rediffusion).
Ahurissant affligeant.
Pour l’URSS c’était connu depuis longtemps, mais que des démocraties utilisent de tels procédés est honteux.
Un film ‘i comme Icare’ avec Montand avait révélé la fragilité de la morale face à l’autorité dans une expérience restée célèbre