Pédocriminalité dans l’Église.

Un mois après la publication du […] rapport « Sauvé », 120 évêques catholiques […] ont eu la révélation.

Vendredi 5 novembre 2021, jour du poisson, le gratin catholique a reconnu « la responsabilité de l’Église catholique » dans les crimes sexuels commis par des prêtres et des religieux, et leur dimension « systémique » depuis 1950.

Christian Terras, rédacteur en chef de « Golias », la revue catholique, revient sur ce début de prise de conscience, mais prévient : le problème réside aussi dans la toute-puissance des prêtres.

  • Que pensez-vous de la réunion de 120 évêques à Lourdes ?

Qu’il était temps, et que c’était la moindre des choses. À Golias, ça fait 30 ans que l’on milite et alerte sur les questions de pédophilie pour dire que ce n’est pas seulement une question de dérives personnelles de quelques individus, mais bien tout un système.

  • Qu’est-ce qui concrètement fait système ?

Jusqu’à présent,  […] il y avait des brebis galeuses, mais jamais l’omerta, qui a présidé et cautionné ces dérives, n’a été mise en cause. Cela signifie que les prédateurs sexuels étaient finalement tranquilles au sein de l’Église. Le fait qu’ils reconnaissent aujourd’hui le caractère systémique montrent qu’ils semblent avoir compris qu’il ne s’agissait pas de dérives individuelles mais d’un système.

  • En quoi la sacralisation des prêtres que vous dénoncez explique le déni ou d’omerta qui règne dans l’Église ?

Dans la mystique catholique, le prêtre est perçu élu par dieu. Il est intouchable. S’il a fauté, c’est à la justice de l’Église de décider de sa punition. En cela, on voit bien qu’elle est une justice parallèle à celle de la République.  […]

  • Finalement, c’est un sentiment de toute-puissance qui domine dans ce que vous décrivez…

Oui. Quand on ne connaît pas bien ce milieu, on a du mal à s’imaginer combien ce sentiment est profondément enraciné, ontologique au prêtre.  […]

  • Ça signifie qu’il y a une spécificité des catholiques par rapport aux autres religions ?

Clairement. Les prêtres sont les élus de dieu. Et malgré les difficultés qu’a l’Église à recruter de nouveaux prêtres, elle refuse toujours de s’ouvrir aux autres. Par exemple, elle va regrouper les paroisses, faire appel à des étrangers, mais refuser la prêtrise aux femmes, aux laïcs leaders de communautés ou aux hommes mariés. Car il ne faudrait surtout pas laisser la prêtrise à celles et ceux qui n’ont pas cette prédisposition à être élus de dieu. Or, le sacerdoce, c’est la poutre maîtresse de ce système. Et dans les discussions de Lourdes, on ne sent pas la volonté de le remettre en cause malgré le fait qu’il ai failli.

 […]

  • Le président de l’épiscopat, Éric de Moulins-Beaufort, estimait il y a peu encore que l’Église rencontrait des difficultés quasi insurmontables pour indemniser les victimes.  […]

 […] Une chose est sûre, le rapport Sauvé et les associations des victimes refusent les dons des fidèles pour indemniser les victimes. C’est à l’Église de payer, sur ses fonds propres. L’institution possède une fortune immobilière conséquente. Elle touche 23 millions d’euros de loyers par an. Et pour les diocèses qui n’ont pas d’argent, que l’institution fasse un prêt pour rembourser les victimes.

  • Finalement, faute payée à demi pardonnée ?

En tout cas, l’Église sera dure en négociation. Il faut que les associations de victimes soient conscientes qu’elle ne va pas lâcher l’argent comme ça. Ce ne sont pas des tendres. […]


Propos recueillis par Natacha Devanda. Charlie hebdo Web. Source (extraits)

3 réflexions sur “Pédocriminalité dans l’Église.

  1. marie 10/11/2021 / 11h47

    Bonjour Michel,
    La catho que je suis est vraiment écœurée, mais j’estime que les « Hauts dignitaires de l’Église » qui étaient au courant sont aussi coupables, ainsi que les parents qui n’ont pas su voir le malaise des enfants abusés.
    Quant à donner de l’argent pour moi, c’est clair, c’est NON, je ne m’estime pas coupable
    Bonne journée
    MTH

    • Libres jugements 10/11/2021 / 12h29

      Merci Marie, pour ce témoignage-commentaire.
      Pour ma part, l’athée que je suis, ne peut comprendre que ce fait depuis longtemps connu, ne soit dévoilé a la face du monde entier que très récemment.
      Entendons-nous bien, ce n’est pas une position pour ou contre telle ou telle religion, mais bien vis-à-vis de ceux qui la diffusent en s’écartant, s’arrangeant, interprétant, les textes.
      Bon WE en perspective
      Cordialement
      Michel

  2. Danielle ROLLAT 14/11/2021 / 14h55

    Depuis la dénonciation de ces horreurs, j’ai souvent pensé à ma Mère, catholique pratiquante, devenue dame catéchiste dans notre petit village. Je ne doute pas un instant, qu’elle se serait sentie trahie, blessée, qu’elle aurait souffert, et qu’elle aurait condamné ces crimes et les silences complices.
    Je suis certaine, qu’aujourd’hui, elle refuserait, au nom de la morale et de sa foi, de participer financièrement à la solidarité, tout en reconnaissant l’importance des travaux tardifs de l’Episcopat.
    Je précise que mon père, militant laïc, syndical et politique n’avait reçu aucune éducation religieuse, mais qu’il appréciait Monseigneur MARTY croisé à plusieurs reprises chez un ami commun viticulteur en Champagne, avant de devenir Cardinal de Paris en 1968..

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