Alors que la présidente de la Commission européenne prononçait son discours sur « L’État de l’Union » en consacrant une large place à une prétendue « Europe de la défense » puis le lendemain le haut-commissaire aux affaires européennes (sorte de ministre des affaires étrangères européennes) présentait, lui, un texte proposant une « stratégie européenne dans l’indo-pacifique », on apprenait que l’Australie déchirait le contrat signé en 2016 avec la France pour la fourniture de sous-marins tout en rejoignant une nouvelle alliance militaire tripartite, avec les Etats-Unis et leur cheval de Troie, le Royaume-Uni. Il convient d’examiner la partie du discours de Mme von der Leyen axée sur la politique étrangère au prisme des soubresauts géostratégiques qui ont secoué ces dix derniers jours. D’abord un retour sur ce qu’elle a nommé « les événements survenus récemment en Afghanistan ». Un bel euphémisme pour ne pas reconnaître la terrible débâcle par laquelle s’est conclue un cauchemar qui aura duré deux décennies et auquel pas moins de 14 pays membres de l’UE auront participé (Allemagne, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, France, Italie, Lituanie, Royaume-Uni, Portugal, Pologne, Roumanie, Suède, Tchéquie), au service de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), sous l’égide de l’Otan. […] Compte tenu de son rôle dans la guerre et l’occupation de l’Afghanistan, l’Europe a le devoir absolu d’aider et d’accueillir les Afghans qui fuient leur pays face à la barbarie des Talibans. L’UE ne peut ignorer sa responsabilité. […] Mme von der Leyen a […] joué les équilibristes en réaffirmant le besoin de pouvoir compter sur une « Union européenne de la défense » tout en confirmant l’importance du partenariat qui lie l’UE et l’Otan. On peut se demander comment est-il possible d’espérer une « autonomie stratégique » européenne en se maintenant sous la tutelle de Washington dans le cadre d’un « club » tel que l’Otan, qui n’est rien d’autre qu’un supplétif des intérêts stratégiques américains dans le monde. L’absence absolue de concertation des « alliés » lors du récent retrait afghan en est la énième démonstration. Il n’y a pas de souveraineté européenne possible dans le cadre d’une Europe « pilier de l’Otan », c’est-à-dire subordonnée à l’impérium américain, comme le stipule l’article 42 du Traité de Lisbonne, qu’une majorité de Français a rejeté. […] À une défense européenne pilier de l’Otan il conviendrait d’opposer une Europe de la sécurité collective, émancipée de l’Otan et a fortiori des États-Unis, dont il devient chaque jour plus clair qu’ils ne sont pas « nos alliés ». ……………………. C’est donc ce même jour où la présidente de la Commission européenne prononçait son discours qu’était annoncé le partenariat stratégique entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni (« AUKUS »), au détriment d’un faramineux contrat de sous-marins français à propulsion classique conclu avec Canberra. […] Rappel des faits : en 2016, la France signe le « contrat du siècle » avec l’Australie qui lui passe commande de 12 sous-marins (non-nucléaires) pour un montant de 34 milliards d’euros. Un accord qui « marie » la France et l’Australie sur une cinquantaine d’années, selon les mots du ministre de la Défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian. Le 15 septembre 2021, l’Australie annonce la rupture du contrat et se tourne vers Washington pour acquérir des sous-marins à propulsion nucléaire. L’annonce a eu l’effet d’une bombe, poussant les français à rappeler leur ambassadeur en poste à Washington, une première dans l’histoire des relations des deux pays. […] … la France a clairement sous-estimé les profonds liens qui unissent les États-Unis et l’Australie, et ces pays avec le Royaume-Uni. Deux cent ans d’histoire et une culture anglo-saxonne placent l’Australie en position de « petit frère » des Américains. Après plus d’un siècle et demi d’existence en qualité de loyal sujet de la couronne britannique, l’île-continent s’américanise à partir de la seconde guerre mondiale jusqu’à devenir un satellite de Washington, assumant – lors de la Guerre froide – le rôle de clef de voûte du système de défense anti-missiles et d’écoute nord-américain dans la région. Les Australiens ne conçoivent leur place dans le monde que dans le cadre d’un bloc anglo-saxon (avec le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni) naturellement dirigé par les États-Unis, et la question de la souveraineté n’est pas perçue par eux comme en France. La douche est froide pour la France. Quelle leçon pour Emmanuel Macron, lui qui a multiplié les courbettes face à l’impérium américain et ses tentacules économico-financiers. Ministre de l’économie, il avait offert un fleuron national, la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric. Président de la république, il n’a de cesse de faire la cour aux grands patrons, nationaux et internationaux, qu’il invite tous les ans sous les ors de Versailles pour le mini-Davos français. La France doit repenser sa place dans le concert des nations, avec lucidité et laissant de côté les postures au profit d’un rôle qui reste encore à définir mais qui pourrait rejoindre la grande majorité des États qui, face aux grands enjeux de l’humanité, préfèrent certainement une « troisième voie » apaisée, conciliatrice et guidée par le multilatéralisme plutôt qu’une compétition effrénée, d’ordre certes économique mais qui pourrait trop facilement dériver en affrontement de type militaire. A l’heure où on voudrait nous faire voir la main de la Chine partout, voici une liste des principales guerres et interventions militaires des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale : 1945 à 1946 : Chine, 1946 : Philippines, 1947 : Grèce, 1950 à 1953 : guerre de Corée, 1953 : Iran, 1954 : Guatemala, 1958 : Liban, 1960 : Guatemala, 1961 : Cuba, 1961 à 1972 : guerre du Vietnam, 1969 à 1970 : Cambodge, 1968 à 1970 : Laos et Vietnam, 1964 : Brésil, Panama et Congo, 1965 : Indonésie, 1967 à 1969 : Guatemala, 1973 : Chili, 1979 : Afghanistan, 1979 à 1990 : Salvador, 1981 à 1988 : Nicaragua, 1983 : Liban et Grenade, 1986 : Lybie, 1988 : Iran, 1989 :Philippines et Panama, 1991 : guerre du Golfe, 1993 : Macédoine, 1993-1994 : Somalie, 1994 : Haïti, 1995 : Bosnie-Herzégovine, 1998 : Irak et Soudan, 1999 : Kosovo et Timor oriental, 2001-2021 : Afghanistan, 2002 : Philippines, 2003-2011 : guerre d’Irak, 2004 : Haïti, 2006 : Somalie, 2011 : Lybie, 2014 Irak et Syrie, 2017 : Philippines, 2018 : Syrie… Patrick Le Hyaric – La lettre du 26 sept 2021 – Source (extraits) https://r.lettre.patrick-le-hyaric.fr/mk/mr/XXGfAZZaYlsnCuMyV3vY6unuPh8b202CLXgfLV_rncPrRzYKWtBUCsy-D0HSch5A63jyYx3beruniXXUlrZY-VJslsEMvKKm40XkwmL9iy9gKXSV_N7c7lY |
3 réflexions sur “Fâcheuse coïncidence !”
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Aucune illusion à se faire les US sont le fer de lance du système capitaliste, la moindre sensibilité amicale ne les effleure même pas dès lors qu’il s’agit des intérêts immédiats du fric.
Ces intérêts passent par le combat incessant contre les idées communistes et la liste est longue des interventions guerrières des US pour priver les peuples qui avaient fait un autre choix que le capitalisme.
Merci au Général DE GAULLE pour les avoir virés et avoir ainsi fermé leurs bases dans notre pays… sans doute, au grand dam, du commerce local et des » jeunes filles en fleurs » des villes concernées..