Il augmenterait les risques de troubles mentaux, notamment chez les plus jeunes.
Drogue pas si douce, le cannabis, de plus en plus concentré en THC, est aujourd’hui un enjeu de santé publique majeur. Légaliser devient-il une nécessité ?
Caché dans la douche de sa chambre d’hôpital, il a de nouveau fumé ; angoisses, insomnie, pensées parasites n’ont pas tardé à revenir. Charles, bientôt trentenaire, ressent ces effets délétères du cannabis depuis ses 17 ans. Avec ses amis, il consommait alors deux ou trois joints par jour, pour « l’euphorie, le côté planant, le fait d’échapper à son quotidien ». Sa pensée se déstructure, ses propos deviennent incohérents, il est pris d’un rire frénétique ? « Les effets positifs me semblaient supérieurs aux négatifs. Le produit me donnait toujours envie. » Jusqu’à ce que ses parents l’obligent à aller voir un psychologue, puis un psychiatre. Diagnostiqué schizophrène à sa majorité, Charles a depuis été interné à une dizaine de reprises, chaque fois qu’il abandonne son traitement, et se rallume un joint. « C’est un poison. »
[…] En 2010, l’hebdomadaire scientifique The Lancet confirmait leur nocivité élevée, tandis qu’au palmarès des dommages individuels et sociaux engendrés par une vingtaine de drogues le cannabis ne pointait qu’en huitième position. Pourtant, il arrive bien qu’il déclenche, ou précipite, des maladies mentales.
« Les risques sont liés à deux facteurs concrets : l’âge du consommateur et la composition du cannabis, résume Marie-Odile Krebs, professeure et chercheuse à l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris. Puis à un troisième, plus difficile à identifier : la fragilité de l’usager vis-à-vis de la drogue, qui peut être liée à un terrain génétique. »
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Augmentation problématique du THC
Le cannabis est composé de deux molécules majeures : le CBD (cannabidiol) aux effets certes relaxants, mais qui ne modifient pas l’état de conscience – il est d’ailleurs depuis peu autorisé à la vente dans des boutiques spécialisées qui fleurissent un peu partout en France.
Le THC, ou tétrahydrocannabinol, auquel on doit les principaux effets psychotropes du cannabis, une sensation de bien-être, voire l’impression de « planer »… à la condition que ce THC ne soit pas présent en quantité excessive dans le produit. […]
La ou les variétés cultivées, le terroir, l’exposition, l’arrosage, le mode de récolte… tout peut jouer sur la composition du produit final. […]
Nouveaux produits de synthèse
Sans compter qu’outre l’introduction de colle, de kérosène ou même d’huile de vidange, qui servent à augmenter le poids de la marchandise, de violents cannabinoïdes artificiels, appelés « NPS » (nouveaux produits de synthèse), se répandent.
Telle la molécule MDMB-4en-Pinaca, le plus souvent pulvérisée sur le cannabis, et censée reproduire les effets planants du THC. À Paris, en mars et octobre 2020 – aux alentours des deux premiers confinements, donc —, Grégory Pfau, un pharmacien spécialisé depuis plus de quinze ans dans l’analyse des drogues, constatait une augmentation de ces NPS.
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Pour beaucoup, la légalisation du cannabis serait le meilleur moyen de contrôler la qualité d’une drogue que seuls 40 % des adolescents jugent aujourd’hui nocive.
« La France est le pays le plus consommateur d’Europe, en ayant la législation la plus sévère », regrette le psychiatre Jean-Victor Blanc. « On ne peut qu’admettre l’échec du modèle prohibitif français, appuie la sociologue Marie Jauffret-Roustide. Si d’autres systèmes de régulation se révèlent plus efficaces pour limiter les risques, autant les expérimenter… »
Une réglementation permettrait de mentionner la composition exacte du produit, ses teneurs en THC et CBD, ainsi que les différents risques auxquels s’expose le consommateur. Il n’existe pas de taux minimal au-dessous duquel la menace est inexistante : la tolérance des uns et des autres varie, si bien qu’il serait contre-productif d’exiger des seuils. « Mais comme vous ne savez pas ce que vous fumez aujourd’hui, la concentration en THC peut à ce point varier que c’est comme si vous vous apprêtiez à boire un demi de bière et qu’on vous servait un verre de vodka, illustre Marie Jauffret-Roustide. Ce qui compte, c’est donc l’information. » L’association NORML France préconise même une commission vouée à la labellisation biologique et à l’étiquetage du produit.
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Louis Borel. Télérama. Titre original : « Cannabis, légaliser pour mieux encadrer ? ».
Si on autorise au prétexte que l’état est incapable de faire respecter la loi, c’est la porte ouverte à tout.
Mais c’est aussi l’aveu de l’impuissance de la force publique.
La merde vendue sous le manteau remplacée par des produits calibrés serait une bonne chose accompagnée d’un suivi des consommateurs pour les faire sortir du cercle vicieux.
ll serait préférable en effet de maitriser ce marché « de la mort » pour neutraliser et punir les trafics en tous genres, prendre en charge thérapeutique ceux qui en ont besoin, dans le cadre de l’Assurance Maladie.
J’entends souvent l’argument qui consiste à dire que la légalisation du cannabis entraînerait une évolution du trafic vers des produits plus dangereux et nocifs.
Je ne conteste pas que les dealers feront du fric avec d’autres substances en cas de légalisation.
Cependant, j’observe que ces gens-là n’auront plus la même nombreuse et lucrative clientèle dont ils profitent avec le cannabis.
Merci pour cet article fort intéressant qui mérite un bon débat.
Amitié
Ben
Merci Ben, pour ce commentaire.
Cordialement
Michel