… Une réponse étayée de Charlie/A. Fischetti
Dans un tel débat nous nous garderons bien de prendre parti pour l’un ou l’autre, sauf que l’un nous semble plus rationnel que l’autre… mais nous sommes totalement béotiens en matière de virologie/biologie/réaction aux vaccins. Est-ce que le titre de professeur d’université de Bordeaux (ou autres) conférerait une vérité absolue ?
Toutefois, et comme d’habitude, chacune/chacun pourra se faire son opinion. MC
Un professeur de l’université de Bordeaux et membre du Criigen, le comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique, nous accuse de « colporter des ragots » dans nos positions favorables au vaccin et au pass sanitaire. Nous démontrons ici, de façon rigoureuse, comment cette personne déforme et interprète de façon totalement erronée les données scientifiques.
Le texte accusateur s’intitule « Lettre à Charlie à propos de sa fascination vaccinale et de ses propositions réductionnistes vis à vis des opposants au sésame sanitaire ».
Si nous avons tardé à répondre (la lettre est datée du 29 juillet), ce n’est pas que nous manquions d’arguments (oh que non !) mais s’il fallait répondre à tous les mécontents, on y passerait absolument tout notre temps. Cependant, comme un certain nombre de lecteurs s’étonnent de notre silence, eh bien, va pour la réponse.
Cette lettre (pas moins de 16 pages !) est signée d’un certain Jean-Paul Bourdineaud, professeur à l’université de Bordeaux.
Ce sympathisant affiché du Pr Raoult, nous accuse de ne pas réaliser d’enquêtes, de nous « contenter de colporter les ragots et médisances », d’avoir « perdu notre « esprit critique » », et d’être « sous l’influence de l’opinion dominante ». Rien que ça.
Parlons de légitimité…
Mr Bourdineaud commence sa diatribe par un argument d’autorité, à propos duquel il m’interpelle personnellement. J’avoue qu’à la première lecture, cela m’a fait rigoler. Pour affirmer que je n’ai pas de légitimité à parler du Covid, il est allé ressusciter du fin fond du web, trois malheureuses publications scientifiques que j’ai rédigées à l’issue de mon doctorat d’acoustique sur les salles de concert, avant de bifurquer dans le journalisme. Publications qui n’ont laissé absolument aucune trace dans l’histoire de l’acoustique, mais dont Mr Bourdineaud se sert pour déduire que « lorsqu’on n’est pas spécialiste d’une discipline scientifique, on se renseigne auprès de scientifiques renommés pour leurs compétences ». Or, c’est précisément ce que je fais tous les jours en tant que journaliste scientifique (et non plus acousticien, depuis longtemps).
D’ailleurs, si on poursuit la logique, cet argument d’autorité se retourne contre Mr Bourdineaud. En effet, il enseigne la biochimie et la toxicologie environnementale, et sa liste de publications concerne essentiellement l’effet du mercure sur les palourdes et les poissons-zèbres, ou l’étude des bactéries de la truite arc-en-ciel d’élevage.
C’est certainement très utile, mais plutôt éloigné de la génétique et de la virologie. […]
Un raisonnement… bidon
Commençons par cette affirmation aussi effarante que dangereuse : Jean-Paul Bourdineaud écrit que « le risque de mort par vaccination est supérieur à celui du Covid chez les jeunes de moins de 30 ans ». Une phrase mise deux fois en gras dans son texte. Pour cela, il se livre à un calcul absolument hallucinant, qui ferait retoquer un étudiant de première année de fac de maths. Il compte les morts parmi les vaccinés aux États-Unis : 12 300 morts sur 162 millions de personnes vaccinées, dit-il. Soit 76 morts par million de personnes. Il suppose ensuite que c’est le même pourcentage en France. Et il compare ce chiffre au nombre de jeunes qui meurent dans cette tranche d’âge : soit 30 décès par million de personnes. 76 étant supérieur à 30, Mr Bourdineaud en tire la preuve que pour un jeune, le risque de mourir est quasiment deux fois plus élevé s’il est vacciné que s’il ne l’est pas.
Déjà dans le principe, ce raisonnement ne tient pas la route. En effet, il compare deux pourcentages sur des populations différentes. Or, ces populations n’ont pas les mêmes caractéristiques démographiques. Les personnes vaccinées étant majoritairement plus âgées, il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’elles meurent davantage – et elles le feraient encore plus si elles n’étaient pas vaccinées. À cela, s’ajoute une autre erreur de raisonnement : ce n’est pas parce qu’on meurt après avoir été vacciné, qu’on meurt forcément à cause de la vaccination.
Mais surtout, les chiffres sur lesquelles Mr Bourdineaud s’appuie ne sont pas valables. Ce n’est pas moi qui le dis, mais l’agence Reuters, qui a publié pas moins de trois dépêches pour les démentir (la première à lire ici, la deuxième ici et la troisième ici).
Dans toutes ces mises au point, l’agence prend soin de rappeler que ces chiffres proviennent d’un registre appelé « Vaccine adverse event system » (VAERS), dans laquelle « n’importe qui peut entrer des données », que celles-ci ne sont pas validées par le « Centers for disease control » (CDC), qu’il s’agit d’« informations incomplètes, imprécises, et non vérifiables », qui « ne prouvent pas que les morts par vaccin excèdent 12 000 » , et que ce « nombre de morts reporté en dehors du contexte, affirme faussement que les milliers de gens qui meurent après le vaccin résultent du vaccin ». Bref, Mr Bourdineaud fonde son raisonnement sur des données fausses.
De plus, il n’a pas lu cette étude – qui elle, est très précise et scientifique –, publiée le 13 août par la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), à partir des chiffres d’hospitalisations entre le 26 juillet et le 1er août. Il en ressort que parmi les hospitalisations en soins critiques, on compte environ dix fois plus de non-vaccinés que de vaccinés, et parmi les décès, environ cinq fois plus de non-vaccinés que de vaccinés (pour un million de personnes, hospitalisations en soins critiques : 23,7 non-vaccinés contre 2,2 vaccinés / décès : 5,14 non-vaccinés, contre 2,2 vaccinés).
Un peu de « cherry picking » ?
Deuxième point, Mr Bourdineaud, en plus d’afficher son admiration pour le Pr Didier Raoult, un être, selon lui, « remarquable de clairvoyance et d’intelligence » (alors qu’il est désormais prouvé que l’hydroxychloroquine n’a aucune efficacité contre le Covid) affirme qu’« un autre traitement disponible à bas coût et efficace contre le SARS-CoV-2 est l’ivermectine. De nombreux essais cliniques démontrent son efficacité ».
À l’appui de ces dires, il cite une publication qui semble effectivement aller dans son sens. Sauf qu’en recherche scientifique, il ne faut pas tenir compte d’une seule publication, mais du consensus qui se dégage d’une masse de travaux parfois divergents. Il est parfaitement malhonnête de ne retenir que la publication qui va dans le sens qui vous arrange, et d’ignorer les dix, vingt ou cinquante autres qui vont dans le sens inverse. En l’espèce, Mr Bourdineaud omet de mentionner – ou ignore – cet autre article du 28 juillet qui dit exactement le contraire de ce qu’il avance.
Cet article paru dans une revue prestigieuse, incontestablement sérieuse, et qui fait autorité dans le monde, est basé sur l’analyse de 31 études sur le sujet. Sa conclusion est la suivante : « dans l’ensemble, les données probantes fiables disponibles ne soutiennent pas l’utilisation de l’ivermectine dans le traitement ou la prévention de la COVID-19 ». Ce qui prouve, là encore, que Jean-Paul Bourdineaud a une vision extrêmement biaisée et partisane de la recherche scientifique.
Et en conclusion…
Enfin, troisième point, un peu plus technique, Jean-Paul Bourdineau soutient l’idée que le vaccin peut modifier le génome humain. Il fait référence à cette publication.
Pour commencer, cette étude a été menée sur des cellules infectées en laboratoire, et non pas sur des êtres humains. Ensuite, elle concerne le virus proprement dit, et absolument pas le vaccin, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Mais surtout, cette étude a été aussitôt critiquée par la communauté scientifique. Elle a été démolie par une autre publication qui conclut l’inverse, à savoir : « Compte tenu de l’interprétation inappropriée des méthodes de séquençage à haut débit et de la conception expérimentale inappropriée par les auteurs, nous demandons de la retenue sur les conclusions présentées par l’étude. Il reste peu probable que la retranscription et l’intégration du génome du SARS-CoV-2 dans les patients se produisent à n’importe quelle fréquence notable, voire pas du tout. »
Nous n’allons pas rentrer dans tous les détails complexes de ces travaux, mais précisons aussi un autre point qui fragilise considérablement le sérieux de la publication citée par Mr Bourdineaud, et dont nous informe Bruno Canard, spécialiste des coronavirus au CNRS à Marseille : « Cette étude est très contestable, car elle est signée d’un membre de l’Académie des sciences américaine ayant profité de sa possibilité de contribution directe au journal, et à ce titre, elle n’est pas relue de manière anonyme par d’autres scientifiques ». Autrement dit, la publication de cette étude relève davantage du copinage que de la rationalité scientifique.
En conclusion des trois points que nous avons développés ici, nous pouvons déduire que Jean-Paul Bourdineaud extrait de la littérature scientifique uniquement ce qui lui arrange. Nous avons pris la peine de lui répondre, non pas à partir de « ragots », ou de « médisances » – pour reprendre les termes de son accusation –, mais d’arguments scientifiques incontestables, et d’entretiens avec des véritables spécialistes du sujet. C’est notre façon d’utiliser notre « esprit critique », même si elle aboutit aux conclusions inverses de Mr Bourdineaud.
Antonio Fischetti – Charlie Hebdo Web – Source
Ce sont les patients qui ont à souffrir de ces polémiques inutiles entre scientifiques et pseudo scientifiques. Cet article démonte le système et remet en place des vérités incontournables. Alors salut les rigolos, à la niche……