AXA : Assure et rassure !

Au plan climatique, les vedettes du moment sont les feux de forêt, de la Californie à la Sibérie, en passant par l’Espagne, l’Algérie, la Turquie, la Grèce… Mais au strict plan économique, les inondations s’avèrent bien plus coûteuses : en France, elles représentent, et de loin, les premières dépenses d’indemnisation par les assureurs.

Car le feu détruit avant tout des forêts, des espaces naturels à la valeur économique (c’est-à-dire marchande, ce qui est sans aucun doute une erreur) très inférieure à celle des usines, maisons, commerces et autres véhicules endommagés par les flots. Ainsi, en Allemagne, les inondations qui ont tué près de 200 personnes, et qui ont été qualifiées de « plus grande catastrophe depuis la Seconde Guerre mondiale », vont coûter au moins 30 milliards d’euros (l). Soit tout de même plus de la moitié du budget annuel de notre chère Éducation nationale, qui compte près de 1 million d’agents…

La charge sera répartie entre l’État, les Länder et les assureurs privés. Mais pour le Teuton moyen, peu importe. Au final, tout viendra de sa poche. C’est en effet la première leçon assénée aux étudiants en économie, et qui a manifestement du mal à franchir les murs des amphis : les entreprises « qui paient » pour leur pub ou l’État « qui paie » ses fonctionnaires, cela n’existe pas. Toutes les dépenses, absolument toutes, viennent de nous, les particuliers.

Ces dépenses ne sont pas forcément indues, puisque nous recevons des biens et services en contrepartie. Il y a même des dépenses qui évitent de nous faire perdre beaucoup d’argent, comme les assurances. Certes, cela fait toujours râler de payer son assurance, surtout à ces compagnies qui font semblant d’être des bienfaitrices de l’humanité, comme la Maif avec son pénible slogan d’« assureur militant ». Mais s’assurer, c’est, pour chacun de nous, éviter des frais vertigineux lorsque le sinistre survient.

Nous avons en effet tous connu des dégâts des eaux réparés pour rien, ou presque, grâce à l’assurance. Et ne parlons pas des maisons réduites en cendres que l’assureur vous permet de remplacer par une toute nouvelle, certes pas aussi bien, mais qui vous évite la rue, alors que vous avez «tout perdu ». Vous allez me dire que les assureurs se gavent, et vous aurez raison. Mais dans un pays riche comme le nôtre, nous avons perdu de vue la chance qu’il y a de pouvoir s’assurer, ce qui est inaccessible à la majorité des humains.

Or c’est là que la destruction à (de moins en moins) petit feu de la planète pose un souci, puisque le coût de l’assurance ne va faire que croître, et pas qu’un peu. Les personnes régulièrement inondées le savent. Ce qui était l’exception va devenir la règle, et il est clair que de plus en plus de personnes vont devoir abandonner leur logement lorsque les compagnies refuseront purement et simplement de les assurer.

Évidemment, comme pour tout, la véritable solution est la prévention. Mais elle pose deux problèmes épineux.

D’une part, prévenir, c’est engager de nouvelles dépenses… qui n’ont aucun effet direct. Si une municipalité construit des digues, cela représente des sommes importantes, sans aucun gain. De plus, la prévention impose de se placer dans une logique de long, voire de très long terme.

Or tout élu souhaite obtenir des résultats, qui plus est visibles, immédiats.

La prévention n’a donc aucune chance… sauf si les assureurs avaient la bonne idée de l’imposer aux collectivités publiques, entreprises et particuliers, face aux comportements à courte vue des élus.


Jacques Littauer. Charlie Hebdo. 18/08/2021


1. « Inondations en Allemagne : la facture à 30 milliards » (Le Figaro, 10 août 2021).

Une réflexion sur “AXA : Assure et rassure !

  1. jjbey 20/08/2021 / 17h16

    Des machines à faire du fric.
    On peut les supprimer et les remplacer par un fond commun alimenté par des cotisations qui ne seraient pas plus élevées que ce que nous payons en assurance et qui indemniseraient à 100% les sinistrés.

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