Afghanistan, Irak, Sahel.
Quatre présidents des États-Unis ont dépensé des sommes folles pour la guerre qu’ils ont menée pendant vingt ans en Afghanistan — 2 000 milliards de dollars, selon les estimations du Pentagone. Au début, il était surtout question d’instaurer la démocratie, mais « ce produit ne s’exporte pas », ironisait à l’époque un diplomate français.
Une fois les talibans chassés du pouvoir, et les djihadistes d’Al-Qaida partis vers des cieux plus cléments, le corps expéditionnaire américain n’avait plus qu’une mission : protéger les dirigeants au pouvoir à Kaboul (ce n’étaient pas toujours les mêmes) et les chefs militaires, tous intéressés, à l’instar des hommes politiques, par le flot de dollars généreusement versé par Washington.
Plutôt avides, ces braves gens se passionnaient aussi pour le trafic de l’opium, dont l’Afghanistan est l’un des plus gros producteurs au monde.
L’armée afghane, qui vient de montrer le peu de goût qu’elle avait pour combattre les talibans, a été équipée, formée et conseillée pendant vingt ans par les officiers américains. Sur ses effectifs de 350 000 hommes, officiellement, figuraient des « bataillons fantômes », comme l’ont signalé « Le Monde » et plusieurs autres médias. Autant de dollars ajoutés à la facture de l’aide américaine et qui ont fait la fortune de quelques généraux afghans nécessiteux.
Daech et ses chars US
En Irak aussi, quand ils ont envahi le pays, en 2003, les États-Unis avaient proclamé vouloir « exporter la démocratie ». Là encore, ils ont protégé les dirigeants politiques et les militaires de cet État « corrompu jusqu’à la moelle », selon un diplomate alors en poste à Bagdad. Onze ans plus tard, en juin 2014, Washington est très déçu par ses alliés irakiens : les combattants de Daech sont entrés dans Mossoul, la deuxième ville du pays ; ils vident les prisons, pillent les banques et proclament un « califat islamique ».
Selon la Direction du renseignement militaire, écrit alors « Le Canard » (18/6/14 et 25/6/14), 90 000 officiers et soldats ont déserté ou pris la poudre d’escampette devant Daech en abandonnant des tonnes de matériels militaires, et même leurs uniformes. Aussitôt, Daech organise un défilé triomphal de blindés et de camions américains, destiné à l’édification des téléspectateurs du monde entier.
Au Sahel, la France, en s’opposant depuis 2013 aux groupes djihadistes, liés à Al-Qaida ou à Daech, a, elle aussi, été amenée à défendre des États et des dirigeants corrompus, ainsi que des militaires peu motivés, encadrés par des officiers « piquant » leur solde. Et, surtout, peu soucieux de combattre, comme « Le Canard » l’a souvent écrit.
Aujourd’hui, la débâcle américaine en Afghanistan vient de jeter le trouble au Sahel. Plusieurs journaux africains se sont demandé, dès le 15 août, si les djihadistes ne s’installeraient pas à Bamako dès que le retrait partiel du contingent français serait effectif, en 2023, comme l’a annoncé le chef de guerre Macron.
Iyad Ag Ghali, le patron du « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans », principale cible des Mirage et des drones français, a sauté sur l’occasion.
Par le biais d’un entretien audio et de confidences au site américain Intelligence Group, il veut faire partager sa joie à ses fidèles d’Al-Qaida : «Nous sommes en train de l’emporter (…). Notre heure est venue », comme celle des talibans. Et il parle de « notre émirat islamique » d’Afghanistan, comme s’il existait déjà une Internationale du djihad.
Claude Angeli – Le Canard Enchaîné. 18/08/2021
Il est vrai qu’aucune guerre n’est propre ; il est tout aussi vrai que toutes les guerres touchent les civils d’abord. Les seuls bénéficiaires de toutes guerres restent les fournisseurs d’armement (états ou particuliers), commanditant les belligérants et au besoin les exhortant aux combats dans le simple but de s’enrichir. MC