Quand la France se donne des airs de (quasi-) paradis fiscal…
Grâce au régime particulièrement favorable de l’« impatriation » (le plus généreux d’Europe), financiers, cadres dirigeants et sportifs de haut niveau (on le voit aujourd’hui avec Lionel Messi) ne rechignent plus à venir travailler dans l’Hexagone, pourtant souvent dénoncé, question impôts, comme un enfer…
Attention, cependant, il ne s’agit pas d’une générosité de l’Etat : plutôt d’un intérêt bien calculé. Car, si les « impatriés » coûtent cher, ils rapportent plus encore au pays qui les accueille.
Aux termes du Code général des impôts, un impatrié est un salarié domicilié à l’étranger, « appelé » par une entreprise à venir travailler en France. Inventé par Chirac en 2004, le régime a successivement été étendu par Sarkozy, Hollande et Macron.
En dix ans, le nombre de bénéficiaires a augmenté de moitié (12 864 ménages en 2020).
Ballon d’or
Huit ans durant, l’heureux impatrié voit 30 % de son salaire exonéré d’impôt et (élément crucial dans le cas d’un joueur) est autorisé à faire encaisser les droits à l’image que lui verse son club par une « société d’image » totalement exonérée de charges sociales et imposée à 25 %. La perte pour le budget a été chiffrée par Bercy à 178 millions en 2020.
Pour le reste, l’État ne s’oublie pas et se voit largement rembourser ses largesses.
L’exemple de Messi est éloquent. Sur son salaire (environ 40 millions d’euros par an), le club, qui prend en charge les impôts de son joueur, devrait payer 18 millions. Grâce à l’impatriation, il en versera 5 de moins.
Son club réglera aussi pour lui 24 millions de charges sociales. Sans oublier la partie non révélée de la rémunération du footballeur argentin (droit à l’image, bonus et primes) : selon les « Football Leaks », publiés il y a trois ans par le magazine allemand « Der Spiegel », cette part représentait, à Barcelone, une petite moitié de son salaire proprement dit, soit 20 millions environ.
S’il en est de même au PSG, la miraculeuse société d’image exonérée de charges fera perdre à la Sécu 3,5 millions d’euros de cotisations sociales, plus que compensés par 12 millions de cotisations sur les primes et bonus.
Là encore, la balance est favorable, les finances publiques n’ont pas à regretter leur générosité.
Sans oublier la TVA (20 %) perçue par l’État sur les multiples « produits dérivés ». Par exemple la vente prévue de quelque 250 000 maillots au nom de Messi rapporterait à elle seule 5 millions d’euros au fisc. Ou encore celle des billets (TVA à 5,5 %), que l’arrivée de l’Argentin devrait faire exploser.
Décidément, Paris est magique.
Hervé Martin – Le Canard enchaîné. 18/08/2021