Tapie a (encore) vendu son hôtel particulier !

Cette fois, c’est du sérieux. Après la vente bidon montée avec le concours d’une (fantasque) milliardaire canadienne (« Le Canard », 12/5), le postulant au palais de Nanard n’est autre que François Pinault, troisième fortune familiale française. Il va se faire un plaisir de débourser 80 millions.

L’affaire couvait depuis deux mois, et, il y a deux semaines, Pinault a présenté une offre écrite au tribunal de commerce de Bobigny. Celui-ci est chargé de fixer le sort des biens de Tapie, qui, au bas mot, doit rendre 600 millions d’euros (un montant correspondant non seulement au remboursement, avec intérêts, de l’arbitrage Adidas (annulé en 2015), mais aussi à un joli paquet de dettes fiscales).

Après une réunion, la semaine dernière, des diverses parties au tribunal, le juge-commissaire’ chargé du dossier devrait donner son accord dans les prochains jours.

Le CDR (l’organisme d’Etat gérant les ardoises du Crédit lyonnais) essaie depuis des années de mettre en vente les biens de Tapie (dont deux hôtels particuliers à Paris et à Neuilly, une villa à Saint-Tropez et un somptueux moulin à Combs-la-Ville). Pour échapper à cette funeste issue, Nanard a concocté un plan de redressement prévoyant le remboursement de ses dettes sur six ans.

La justice étudie ce plan minutieusement depuis quatre ans et, après de multiples péripéties, devrait (peut-être) rendre sa décision le 21 septembre prochain. « La vente de son hôtel particulier est la preuve que Tapie s’engage sérieusement à rembourser ses dettes », explique Maurice Lantourne, l’avocat de Nanard. Lequel donne ainsi un gage (il commence à vendre ses biens pour de vrai) incitant la justice à accepter son plan de redressement, synonyme de plusieurs années de tranquillité.

Dans le même temps, Tapie reste dans son hôtel particulier, assuré de la mansuétude de Pinault, qui n’aura pas le coeur de l’expulser.

Le bâtiment en question, l’hôtel de Cavoye, est une magnifique construction du XVIIe siècle : 600 m2 entre une cour pavée et un grand jardin majestueusement arboré, à deux pas de l’église Saint-Germain-des-Prés, dans l’arrondissement le plus cher de Paris.

La revanche américaine

Aux termes de l’accord conclu entre les deux hommes, Tapie s’est engagé à vider les lieux dans un délai de six mois. Un engagement fait pour ne pas être tenu, estime un avocat très au courant du dossier : « Personne n’achèterait l’hôtel de Cavoye avec Tapie à l’intérieur. C’est prendre le risque d’une procédure judiciaire de vingt ans s’il ne veut pas déguerpir. »

Pourquoi Nanard accepterait-il de déménager dans les six mois alors que la lenteur des procédures (ajoutée à la difficulté d’expulser un septuagénaire gravement malade) lui garantit un maintien dans les lieux pour belle lurette ?

On peut, dès lors, se demander pour quelle raison Pinault n’a pas attendu que Tapie soit effectivement parti pour boucler le deal. Le milliardaire, propriétaire de deux fastueux hôtels particuliers dans le quartier, n’a pas un besoin urgent de se loger.

Mais « il a de l’estime pour l’énergie de Tapie et son courage face à la maladie », explique Me Lantourne. Il a surtout, depuis trente ans, une vieille reconnaissance à l’égard de Tapie.

Au début des années 90, le Crédit lyonnais avait illégalement acquis Executive Life, la plus grande compagnie d’assurances californienne, via une société-écran basée aux îles Caïmans : Citistar (qui avait déjà acheté Adidas à Tapie). Celui-ci avait alors traversé plusieurs fois l’Atlantique pour dire aux magistrats US chargés de l’enquête tout le mal qu’il pensait du Lyonnais, contre lequel il se battait déjà.

En revanche, il n’avait pas eu un mot contre Pinault, qui avait pourtant récupéré dans l’opération quelque 2 milliards de plus-values. Nanard avait notamment refusé d’aller témoigner devant le grand jury constitué à Los Angeles.

A l’arrivée, le Lyonnais (c’est-à-dire l’Etat français) a dû payer près de 1 milliard d’euros d’amende et de dommages et intérêts. Et Pinault… rien du tout.

Il est des victoires qui ne s’oublient pas.


Hervé Martin et Christophe Labbe – Le Canard Enchainé- 16/06/2021

2 réflexions sur “Tapie a (encore) vendu son hôtel particulier !

  1. jjbey 20/06/2021 / 17h17

    Vous avez dit EGALITE, bizarre car on n’a pas attendu si longtemps pour expulser les ouvriers virés par Tapie et qui ne pouvaient plus payer leur loyer. Les procédures sont beaucoup plus lentes pour certains que pour d’autres. Non!
    Fillon ça vous dit quelque chose? Je n’ai pris qu’un exemple…

  2. bernarddominik 20/06/2021 / 22h29

    Jjbey a dit le mot juste. Une justice lente au bénéfice des politiciens Sarkozy Tapie et ultra rapide pour expulser des ouvriers ou le gifleur du président. C’est Dreyfus qui avait racheté Adidas le Credit Lyonnais achetant qu’une partie des actions à titre de relais pour Dreyfus (qui ne voulait pas prendre tous le risque), Tapie était au courant (quel vendeur signe sans regarder le nom de l’acquéreur ?) mais évidemment à voulu faire croire qu’il était un naïf grugé par sa banque. Sarkozy a fait semblant de le croire, mais on ne sait quelle a été la contrepartie offerte par Tapie.

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