Tarifs abusifs, présence facultative, fausses signatures : roulez !
Des dizaines de milliers de conducteurs récupéraient depuis des années les points perdus sur leur permis de conduire grâce à des stages frauduleux : c’est ce que la Sous-Direction de la sécurité routière vient de découvrir ! Sérieuse avarie sous le capot…
Les quatre syndicats qui regroupent les 3’000 animateurs de stage de permis à points ont alerté leurs adhérents. Dans une lettre, ils expliquent que cette arnaque « d’une ampleur jamais découverte » et qui « concerne plusieurs centres » a «permis à des milliers et des milliers de conducteurs, pendant plus de cinq ans, de récupérer 4 points sur leur permis de conduire, sans suivre un stage et, pour certains, plusieurs fois ».
Sécurité routière sur la jante
Les margoulins font partie des 1 200 exploitants de centres de récupération de points dûment formés par la Sécurité routière et agréés par les préfectures. Certains d’entre eux ont même des casiers judiciaires (critère normalement rédhibitoire pour l’obtention d’un agrément).
Les stages sont facturés environ 350 euros : une centaine d’euros de plus que le tarif habituel. La participation des conducteurs est facultative. Le patron du centre ripoux envoie à la préfecture une fausse attestation de présence, ornée des signatures contrefaites de l’expert en sécurité routière et du psychologue censés avoir encadré les deux jours de formation. Et roulez (si l’on ose dire) !
Le pot aux roses a été découvert en décembre. En discutant avec l’épouse d’un routier qui avait perdu ses points, une animatrice s’est rendu compte qu’un centre avait utilisé sa signature pour blanchir le faux stage du mari. Illico, elle a prévenu son syndicat. L’enquête des services préfectoraux a révélé qu’en trois ans cet établissement du Val-de-Marne avait fabriqué 2 900 stages à la noix. Rien qu’en région parisienne, quatre centres de récupération de points sont actuellement soupçonnés d’en avoir falsifié des dizaines de milliers.
Zéro de conduite
Chaque année, 250.000 Français doivent se coltiner une session de recyclage pour conserver leur permis de conduire. C’est dans ce vivier que prospectent les vendeurs de points — avec d’autant plus d’aisance que la France est le seul pays en Europe permettant de passer tous les ans par la case récup. « Depuis que nous avons tiré la sonnette d’alarme, la Sécurité routière est en panique, explique un animateur. Son système de contrôle (assuré par les préfectures) est une véritable passoire. Faute d’un fichier central, un animateur peut être déclaré présent le même jour à deux endroits différents sans que personne ne tique ! »
A quoi s’ajoute une relative rareté des inspections. Lors de ces deux dernières années, la Préfecture de police ne comptabilise, pour Paris et la petite couronne, que 16 contrôles administratifs dans des centres de récupération de points.
Résultat ? Huit rappels réglementaires et trois retraits d’agrément. Mais pour l’Hexagone, le bilan est tout de même de 71 retraits d’agrément en 2020.
Contactée par « Le Canard », la Direction de la sécurité routière assure que « le sujet est en cours de traitement ». Et annonce avoir lancé, en avril, une cellule anti-fraude, sans préciser qu’elle n’alignait… qu’un seul fonctionnaire. Quant aux milliers de conducteurs identifiés comme ayant malhonnêtement récupéré leurs points, leur sort n’est pas encore tranché.
Sont-ils cuits ou à points ?
Christophe Labbe. Le Canard Enchainé. 29/05/2021
Confier au privé ce qui ne devrait relever que de l’état et voila ce que cela donne mais on pourrait tout autant citer bien d’autres cas. Cette soif de réduire le nombre de fonctionnaires coûte finalement très cher sans compter les risques mortels qu’elle engendre dans les actions relatives à la sécurité.