Abolition de l’esclavage

En 2001, la France fut pionnière : la loi Taubira faisait d’elle le premier pays à reconnaître la traite en esclavage comme un crime contre l’humanité.

A l’occasion de la Journée commémorative de l’abolition de l’esclavage, ce vendredi 10 mai 2021, le Musée de l’Homme propose une discussion sur l’apport de la génétique dans l’histoire des traites négrières. L’occasion d’en discuter avec Paul Verdu, chercheur CNRS au Museum national d’histoire naturelle. 

  • De quelle manière les généticiens peuvent-ils contribuer à écrire l’histoire de l’esclavage ?

Une partie de notre travail est de retracer l’histoire génétique des populations. Le commerce triangulaire des esclaves étant un événement récent et majeur, il a de nombreuses influences dans les différentes communautés descendant de ces pratiques et de la colonisation européenne à partir du XVe siècle.

La diversité génétique que l’on observe aujourd’hui est le produit de cette histoire. On tente donc de lire, dans l’ADN des populations actuelles, comment les migrations ont structuré les métissages que l’on observe aujourd’hui.

  • Quelle est la méthode utilisée ?

On commence par s’intéresser spécifiquement à telle ou telle population dont on sait, grâce aux données historiques, qu’elle descend du commerce triangulaire – principalement aux Amériques, mais aussi en Afrique ou en Europe.

On séquence alors l’ADN d’individus volontaires, puis on regarde quels sont les endroits du génome où les mutations diffèrent entre deux individus (c’est ce que l’on appelle la diversité génétique). Cette diversité nous informe sur qui a fait des bébés avec qui, pour dire les choses simplement.

[…]

  • L’esclavage ayant été documenté de façon partielle voire partiale, la génétique peut-elle venir au secours des historiens ?

En partie. Si on prend l’exemple du peuplement de la Barbade, on va recueillir des séquences d’ADN et regarder qui s’en rapproche le plus, génétiquement, en Afrique ou en Europe. Plus vous êtes proches génétiquement, plus il est probable que votre histoire généalogique biologique (« qui fait des bébés avec qui ») soit commune.

Dans les échantillons de la Barbade, je peux donc retrouver une diversité génétique proche de celle trouvée aujourd’hui, entre autre, chez des Français, des Irlandais, des Ecossais, des Espagnols, des Portugais, et, côté africain, des Maliens, des Camerounais, des Mauritaniens, des Sénégalais, des Béninois, des Angolais, des Mozambicains…

Parmi toutes ces comparaisons, on va révéler que les ADNs des individus échantillonnés à la Barbade sont majoritairement partagés avec des individus qui sont aujourd’hui nés, par exemple, en France, au Royaume-Uni, au Nigéria ou en Sénégambie. A partir de là, on va mettre en œuvre des procédures statistiques et mathématiques complexes pour reconstruire l’histoire des métissages entre telles et telles populations d’Europe ou d’Afrique. Il s’agit d’estimer l’intensité des métissages, et à quels moments ils ont eu lieu, afin d’expliquer au mieux la diversité génétique observée aujourd’hui. Mais l’ADN ne dit pas qui était maître ou esclave, ni quelle langue ils parlaient. Pour le coup, c’est le travail des historiens, des sociologues et des linguistes.

  • Comment articulez-vous votre collaboration avec eux ?

Du point de vue de l’Afrique, les historiens ont beaucoup de mal à dire d’où les gens venaient. Or, les généticiens peuvent formuler des hypothèses sur leur provenance et les tester formellement.  […]

  • La génétique a-t-elle déjà remis en cause des certitudes historiques ?

Pas à ma connaissance. Eventuellement, de nouvelles questions sont posées et les historiens sont invités à les creuser.  […]

  • La génétique des populations fournit-elle des arguments au discours anti-raciste ?

La génétique et les races, ça ne colle pas. Le racisme est le fruit de l’histoire des discriminations et des préjugés, eux-mêmes liés aux contextes sociologique, politique et économique, mais pas le fruit de la génétique. […]

  • Au regard de cette histoire, comment expliquer que des personnes recourent à la génétique pour répondre à des questionnements identitaires ?

Interdits chez nous, les tests ADN récréatifs sont très populaires en Amérique du Nord, notamment chez les personnes des communautés descendantes de l’esclavage.  […]  Des personnes recourent donc à toutes les sources d’informations, dont fait partie la génétique, pour tenter de reconstituer cette identité qui leur a été enlevée de force.  […]


Eric Delhaye. Telerama. Titre original : «Abolition de l’esclavage : “La génétique et les races, ça ne colle pas” ».

Source (extraits)

2 réflexions sur “Abolition de l’esclavage

  1. bernarddominik 09/05/2021 / 21h22

    Ce type de discours me laisse rêveur, on peut nier l’existence des races, mais alors qu’on m’explique pourquoi on reconnaît immédiatement un asiatique un africain un indien? On peut appeler ça le chmilblic mais ça ne change rien au fond de la question. Il existe sûrement un gène qui explique la couleur de peau, avant on appelait cette différence la race, aujourd’hui on n’a plus le droit d’utiliser les mots noir ou nègre, alors on dit de couleur, ce qui est absurde. On a atteint le sommet de l’idiotie, qu’on lutte contre les discrimination c’est très bien, mais qu’au nom de cette lutte on nie ce que tout le monde voit, c’est débile

  2. jjbey 09/05/2021 / 22h44

    Jeu dangereux si mal utilisée la génétique pourra aussi aider les racistes à prétendre que tel ou telle ethnie ne ressort pas de l’espèce humaine. Tant mieux si les hommes se croisent cela produit de beaux enfants qui finiront par faire de la planète un monde sans racistes.

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