Les dessous de l’affaire Mia

L’enlèvement de la petite Mia a mis sous les projecteurs le nom d’un possible financier de l’opération : Rémy Daillet Wiedemann, dont le nom et le visage sont abondamment présentés dans les médias.

Avec toujours le même qualificatif : « complotiste ». Mais complotiste, c’est un peu court, et il serait temps d’en finir avec l’usage effréné d’un terme qui n’est le plus souvent l’objet d’aucune investigation sur l’idéologie qui motive celui qui en est affublé, fût-ce, comme ici, à raison.

Car il y a un problème : la petite fille et sa mère ont été retrouvées dans un squat suisse plutôt orienté « gauche alternative », mais elle semble y être arrivée une bible à la main. Le commando qui a enlevé l’enfant est composé, selon le procureur, de « survivalistes », d’abord jugés proches de l’ultradroite, puis dédouanés de cette accusation.

Pourtant, un des prévenus, laissé sous contrôle judiciaire, affirme que ses compagnons et lui se sont rencontrés lors d’une des manifestations que tient chaque samedi à Paris, devant le ministère de la Santé, l’extrême droite radicale contre la « coronafolie ».

L’homme qui semble avoir financé l’opération, voire en être le cerveau, qui la justifie au nom des droits « des parents qui se sont vu enlever leur enfant de manière abusive » par l’État, est une sorte de gourou aux idées pas du tout démocratiques. Comment donc ce petit monde cohabite-t-il? Parce que, orienté soi-disant à gauche (genre « gilets jaunes ») ou à droite (genre ultras), ce type de complotiste déteste l’État, les élites et la démocratie, point.

Chez Daillet-Wiedemann, le programme politique est clair : l’homme veut un coup d’État et légitime la lutte armée. La vraie gauche radicale veut la révolution, nuance.

Daillet-Wiedemann croit en la théorie du « grand remplacement », puisqu’il affirme que « les peuples occidentaux sont occupés illégalement, […] du fait d’envahisseurs importés qui font régner une terreur dans les rues », dont il prône « le rejet à la mer ». Il attribue l’immigration à une « élite apatride inversée parfaitement identifiée, […] agissant sous couvert laïc mais en réalité confessionnelle, sectaire, suprémaciste et racialiste, autoélue, s’estimant d’une race supérieure ».

Comme il a soutenu le négationniste Vincent Reynouard et qu’il veut l’abrogation des lois Gayssot et Pleven, l’interdiction « de la franc-maçonnerie du Crif, de la Licra, de SOS Racisme, du Betar, des ligues antifas », on comprend vite que c’est un homme de l’extrême droite à l’ancienne, antijuive, antigauche, antimaçonnique.

Celui qui est présenté comme un vecteur français de la théorie QAnon veut aussi traîner en justice les dirigeants du Planning familial pour « crimes contre l’humanité », interdire le mariage gay et le pacs. C’est donc un homme de l’ordre moral.

Il veut retirer la nationalité aux « Français de papier » : cela sent le FN de Jean-Marie. Son programme de démocratie directe est un leurre, puisqu’il veut la coiffer par une monarchie élective et la compenser par un rétablissement du corporatisme, notion d’Ancien Régime, réactualisée par Vichy.

Après, Daillet-Wiedemann peut bien raconter ce qu’il veut sur la vaccination, les dangers de la 5G, les médecines parallèles et le grand complot planétaire : son programme est de type fasciste.

C’est probablement un dingue. Mais les dingues peuvent être fascistes. Cela devient dramatique quand un gourou de ce genre retourne la cervelle d’une jeune femme de 28 ans (la mère de la fillette), qui, elle, ne semble pas d’extrême droite du tout. Parce que cette affaire ne concerne pas un délire sur les réseaux sociaux, mais un kidnapping d’enfant.


Jean-Yves Camus. Charlie hebdo. 28/04/2021

3 réflexions sur “Les dessous de l’affaire Mia

  1. bernarddominik 02/05/2021 / 11:39

    Une histoire complexe où une mère privée de sa fille par un abus d’une administration désorientée par une justice inhumaine et des lois qui tentent de minimiser les liens génétiques, n’a trouvé d’autre solution que faire appel à une confrérie plutôt louche. Pour moi le premier coupable c’est le service d’aide à l’enfance qui n’a pas tout fait pour recréer le lien entre une mère et sa fille. Le placement doit être un dernier recours

    • Libres jugements 02/05/2021 / 14:42

      Bonjour Bernard,
      Ne trouves-tu pas que sur ce dossier tu t’avances un peu ?
      As-tu connaissance complète de ce dossier pour affirmer de tels propos ?
      Les seuls éléments concrets et avérées indiscutablement, plusieurs fois croisées selon diverses sources, concerne l’organisation, le déroulement de ce rapt. En ce qui concerne le comportement de la mère, rien de médicalement et psychologiquement n’a « fuité » dans les médias, il n’y a eu que des hypothèses, que des allégations, sans reel fondement. Toutefois, il y a un jugement et nous ne connaissons pas le contenu du dossier

      Comme beaucoup de personne j’ai été directement confrontée un jour, aux décisions fâcheuses et diablement comminatoires d’une « aide sociale » ; je sais que leur rapport influence les décisions de justice, j’en ai souffert et pourtant il est plus facile de crier sur cette profession que d’appuyer sur le déficit généralisé de la justice et de leur manque de moyens. Pourtant Bernard lorsque tu parles de « placement dois être un dernier recours » je veux bien entendre que c’est désastreux lorsqu’il s’agit du placement d’un enfant ou tous les enfants en dehors de tous liens de famille paternelle ou maternelle, dans un foyer d’accueil (au mieux) ou dans des centres d’accueil (au pire). En ce qui concerne Mia, elle était placée chez sa grands-mere… ce qui change énormément les choses et dénote en particulier de la recherche par la justice d’une solution la plus adéquate dans un milieu familial connu.
      Avec toute mon amitié
      Michel

  2. jjbey 02/05/2021 / 23:33

    Hors les éléments importants pour apprécier la validité du jugement qui a placé MIA chez sa grand mère je constate que la maman est quelque peu dérangée et sous influence de gens peu recommandables. La sauvegarde de l’enfant est toujours ce qui domine dans les décisions prises à son égard………………

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