En 2018, paraissait « le rapport Borloo »

Rapport choc et propositions de Jean-Louis Borloo pour relancer la politique de la ville ; reconnues à la fois comme novatrices et permettant de résoudre bon nombre d’expansions communautaristes, de destruction de la ghettoïsation des quartiers ; ont été décrites par Macron et son équipe comme étant à la fois trop onéreuse et ne permettant pas de résoudre valablement les problèmes des quartiers populaires. Lui trouverait la formulation adéquate…

Un rapport méprisé l’époque qui nous le voyons aujourd’hui avec les dérives cultuelles, culturelles , les difficultés liées au chômage (accentué il est vrai par la pandémie), l’absence d’entretien et de rénovation des quartiers où résident les plus défavorisés, l’abandon de la police de proximité, le désengagement baisse de subventions aux associations consacrées à la solidarité et au développement personnel … l’appauvrissement budgétaire des communes, font que nous sommes toujours au moins trois ans après la production de ce rapport choc dans le même état d’incivilités, d’irrespect, de violence, d’insécurité

Nous remettons à disposition ce texte qui nous semble d’une grande importance surtout dans les situations actuelles de conflit latent depuis plusieurs mois. MC


[…] Remis le 27 avril 2018 (à l’époque) au premier ministre Édouard Philippe, le rapport Borloo sur la politique de la ville a déjà au moins atteint son premier but : remettre sur le devant de la scène le sort des quartiers populaires.

Chargé en novembre 2017 par Emmanuel Macron de proposer un plan de bataille pour les banlieues, […] Jean-Louis Borloo livre un document de 60 pages, « Vivre ensemble – Vivre en grand la République », où s’alignent des dizaines de propositions réparties en dix-neuf « programmes » thématiques.

Le rapport se décompose en 19 thématiques (« programmes »), indissociables les unes des autres, précise Jean-Louis Borloo, et qui constituent, selon lui, « un changement radical dans la conduite de l’action publique ». Un long chapitre est consacré à l’emploi. Le rapport propose ainsi, en trois ans, de « doubler » le nombre d’apprentis et de jeunes en alternance, en mobilisant petites et grandes entreprises ainsi que le secteur public, qui devra recruter 50 000 apprentis dans les quartiers prioritaires. Il préconise aussi de développer les emplois francs (proposés aux chômeurs de longue durée), de former et d’orienter 100 000 personnes vers le secteur du service à la personne, ou encore de déployer à titre provisoire 720 conseillers supplémentaires de Pôle emploi pour accompagner 150 000 demandeurs dans ces quartiers.

Autre gros morceau : la rénovation urbaine, « à l’arrêt depuis quatre ans », selon l’ancien ministre. D’après lui, la réalisation des 400 projets actuellement en souffrance, et dont il demande la relance immédiate, permettrait la création de 40 000 emplois et des recettes pour l’État et les comptes publics. Pour le financement, il propose la création d’un fonds de plus de 5 milliards d’euros abondé notamment par « la cession des participations de l’État en 2018 » (en clair, les 10 milliards de privatisations annoncés par le gouvernement). Sur le plan social, le rapport propose de revaloriser le travail des 35 000 professionnels de l’action sociale, via des primes ou des promotions, de sécuriser le financement des 100 000 associations qui œuvrent dans ces quartiers ou encore de créer 200 maisons de santé supplémentaires.

Question éducation, Jean-Louis Borloo plaide pour la création, dans les quartiers prioritaires, de « cités éducatives » où, sous l’égide du principal de collège, seraient mis en réseaux écoles, associations, médiathèques, centres de loisir… Autres mesures : le doublement du taux d’encadrement des élèves dans 8 000 classes de maternelle, ou encore le petit déjeuner et le déjeuner gratuits dans les écoles et collèges classés en éducation prioritaire. D’autres points laissent plus sceptique. Comme la création de cette « académie des leaders », sorte d’ENA des banlieues où étudieraient 500 « jeunes filles et jeunes gens à très haut potentiel », recrutés à l’issue d’un concours et destinés à « fertiliser la haute fonction publique ».

La grande inconnue du financement

« Reste à savoir ce que le gouvernement va faire des préconisations Borloo », interroge Stéphane Troussel (*), président PS du département de la Seine-Saint-Denis, car le contenu de ce rapport, s’il est « positif », est « aussi malheureusement en totale contradiction avec toutes les décisions prises depuis un an par le président de la République et son gouvernement : baisse du nombre d’emplois aidés, baisse des subventions pour la politique de la ville, suppression des APL, affaiblissement des offices HLM, reports des calendriers », notamment sur le Grand Paris Express. « Un rapport, cela peut terminer à la corbeille de Matignon », prévenait, dès mercredi, Philippe Rio (*), maire PCF de Grigny, qui attend de pied ferme le discours présidentiel sur le sujet annoncé pour le mois de mai. Nombreux sont ceux, parmi les élus, qui attendent les annonces budgétaires faites à cette occasion, échaudés par le dernier projet de la loi de finances.

Le grand discours d’Emmanuel Macron sur les quartiers populaires prononcé à Tourcoing, à la mi-novembre, n’a pas eu le moindre effet, quelques semaines plus tard, sur le vote du budget. Bien au contraire. Les amendements déposés pour accroître les crédits de la politique de la ville ont été rejetés. La baisse des APL (1,7 milliard) a été très douloureuse pour les bailleurs sociaux, qui sont des leviers d’action incontournables dans ces quartiers.

L’abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville a été reconduit pour vingt-cinq ans, ce qui entraîne un manque à gagner pour les communes concernées. Cet abattement était jusqu’ici compensé par l’État, rappelle Jean-Louis Borloo. Ce n’est plus le cas. « Les villes qui ont le plus de logements sociaux sont donc pénalisées. C’est un manque à gagner très conséquent qui aggrave l’équilibre des finances locales de villes déjà fiscalement pauvres. »

Sans parler de la règle d’or imposée aux communes dont le budget dépasse 60 millions d’euros, tenues de ne pas dépasser 1,2 % de hausse de dépenses chaque année. Marc Vuillemot (*), maire PS de La Seyne-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et président de l’association Ville et Banlieue a annoncé qu’il refuserait d’appliquer cette mesure, votant un budget avec une augmentation de 1,4 %. Un acte de désobéissance qui n’a pas échappé à Jean-Louis Borloo.

Sur la question des moyens, son rapport n’est pas dénué d’ambition. Il suggère de « permettre aux villes classées en rénovation urbaine de pouvoir aller jusqu’à 2 % d’augmentation de dépenses par an sans inclure, dans l’augmentation, les dépenses liées aux programmes eux-mêmes ». Une mesure qui s’ajoute à la création d’un fonds d’urgence de 500 millions d’euros par an pour l’investissement ou d’une fondation pour relancer la rénovation urbaine, adossée à la Caisse des dépôts et des consignations. Il demande aussi la compensation de l’abattement sur la taxe foncière par l’État. Il faudra attendre le projet de loi de finances 2019, à l’automne prochain, pour voir si cet appel sera entendu. Le bruit médiatique autour du plan Borloo sera alors très loin…

Aux yeux de Stéphane Peu (*), député de Seine-Saint-Denis, département où 40 % de la population vivent dans un quartier prioritaire, le rapport Borloo n’est pas seulement une alerte, c’est un point d’appui politique. « Ce rapport, qui fait globalement consensus chez les élus des quartiers populaires, n’est pas une pétition de principe mais il est extrêmement précis, concret et chiffré. »

Le président de la République, comme le gouvernement, va devoir se positionner sur ce plan qui représente environ 50 milliards d’euros, « soit la moitié de ce que va coûter au final le Cice ». « Il va y avoir une heure de vérité », insiste le député, qui attend de pied ferme le discours présidentiel ou les prochains débats au Parlement. Car la mise en œuvre de ce plan Borloo « suppose une inversion à 180° de la politique qui est menée par le gouvernement depuis le mois de juin ».


Laurent Mouloud et Pierre Duquesne – Source


(*) L’article ayant été diffusé en 2018, les élus ont pu changer entre-temps, fonction notamment de nouvelles élections municipales et autres.

4 réflexions sur “En 2018, paraissait « le rapport Borloo »

  1. jjbey 29/04/2021 / 8h43

    Le rapport énonce sans le dire un principe simple: ou on investit dans le social ou on allège les impôts des riches pour verser des dividendes. Il appartient au pouvoir de décider. Il a décidé. La CAC40 a explosé, les dividendes aussi et ainsi tout va bien pour les riches toujours plus riches et tout va mal pour les pauvres plus nombreux et plus pauvres. La loi du fric est passé par là. Les zones de non droit tant décriées par le RN et Darmanin réunis avec les LR se sont démultipliées et leurs promoteurs continuent de les ignorer et d’en masquer les causes. Borloo avait fait un bon boulot qui, simplement mis en œuvre, aurait éviter bien des brutalités que l’on peut toujours déplorer mais dont il ne faut pas ignorer la source. Virer la source en ces temps est salutaire.

  2. bernarddominik 29/04/2021 / 9h16

    Des propositions intéressantes mais qui supposent un retour à la sécurité dans les cités. Le problème budgétaire vient du mauvais état de la comptabilité publique, il faut séparer plus rigoureusement fonctionnement investissements et dépenses sociales et asseoir les dépenses sociales sur un revenu précis et garanti. Après augmenter les impôts alors que la pression fiscale c’est 60% des revenus, en moyenne, c’est détruire à terme la poule aux œufs d’or. Le grand risque c’est le paiement à l’étranger, le départ des retraités en Grèce ou au Portugal. La France n’a plus de marges de manœuvres car son système politique lui coûte très cher et aucun parlementaire n’est prêt à voter une loi qui instituerait un contrôle indépendant des dépenses. Les communes ont dépensé sans compter pour des équipements qu’elles s’avèrent incapables d’entretenir. Le rapport Borloo ne sera jamais appliqué tant qu’on ne réduira pas drastiquement les dépenses de fonctionnement

  3. Sigmund Van Roll 29/04/2021 / 10h40

    La loi de l’argent est prépondérante pour notre exécutif actuel . Il dematerialise toute les administrations pour tout démanteler dans la finalité future . C’est écœurant 🤮

  4. Le Jardin Secrêt De Marguerite 29/04/2021 / 17h17

    Mon frère décédé le connaissait très bien et j’ai eu l’occasion de le voir à Perpignan… sympa…

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