Tchernobyl : Une vérité ?

Tant de choses ont été dites sur l’accident nucléaire de Tchernobyl qu’il faut accueillir toutes les informations le concernant avec beaucoup de questionnement et dans l’article ci-dessous particulièrement, nous pourrions nous étonner entre autres qu’il fût investigué et rédigé par une Américaine, par contre nous n’avons aucune connaissance pour dire leurs exactitudes. Certes, la Russie n’a jamais été un exemple de clarté dans l’information… ceci explique peut-être cela. MC

Enfin des vérités sur Tchernobyl

C’est un livre hors du commun (1).

Sur Tchernobyl, cette catastrophe nucléaire dont on « fêtera »Je 26 avril, le 35e anniversaire. On le sait, tout oppose les grandes structures officielles, dont l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), beaucoup de médecins biélorusses ou ukrainiens, et plusieurs estimations discutées. Tchernobyl a-t-il tué 54 personnes, ou 200 000, voire 1 million, comme le prétend l’Académie des sciences de New York (2)?

L’Américaine Kate Brown, historienne et professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT), a fait ce qu’aucun Occidental n’avait fait avant elle : une immersion de longue durée dans les zones dévastées par la radioactivité.

À partir de 2004, aidée sur place par une assistante russe et une assistante ukrainienne, elle a exploré 27 fonds d’archives, à Kiev, Minsk, Moscou, Vienne, Paris, Washington, Florence, Amsterdam. Mais Brown n’est pas qu’un rat de bibliothèque : elle se met en scène, avec prudence mais empathie. Sa méthode de travail combine l’étude des textes, l’histoire orale, l’observation personnelle.

Le résultat est saisissant. On voit. On écoute. On partage.

Quand Tchernobyl explose, l’Union soviétique n’est pas loin d’imploser. Le drame va permettre à Gorbatchev de lancer sa fameuse glasnost, improbable tentative de sauver le système par la liberté.

En attendant, le KGB veille, et pendant les trois premières années après 1986, tout est surveillé, cadenassé. On le saura plus tard, des pilotes encore soviétiques ont, dès le 27 avril, au lendemain du cataclysme, dispersé de l’iodure d’argent dans les nuages pour faire pleuvoir la radioactivité sur la Biélorussie, sacrifiée au profit des grandes villes russes, dont Moscou. De même, ils larguent du ciment 600 pour assécher l’atmosphère sur un rayon de 80 km autour de la centrale. Cela commence bien.

Brown raconte merveilleusement nombre d’histoires demeurées inconnues. Beaucoup décrivent une bureaucratie écrasante dont l’intérêt est de nier pendant des années la gravité de l’explosion et ses conséquences sur la santé des habitants. Une poignée de héros, menacés, traînés en justice, emprisonnés, disent la vérité.

Parmi eux le physicien Vassili Nesterenko et le médecin Youri Bandajevsky. Le premier finira par créer la fondation Belrad.

Le second, condamné à huit ans de camp, vivra en exil en France, avant de retourner là-bas soigner des malades que tant d’autres jugent imaginaires.

Quand Brown lui rend visite, en 2015, il est si désargenté qu’il n’a pas de voiture, et utilise le bus.

On ne peut résumer pareil ouvrage, qui ouvre sur des gouffres. La pensée trébuche devant tant de questions. Parmi elles, le rôle des organismes internationaux liés à l’ONU, surtout l’AIEA déjà citée, mais aussi le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (acronyme anglais Unscear).

Leur rôle aura été détestable, qui aboutit à nier les effets de Tchernobyl, jusqu’au grotesque. Mais pourquoi?

Laissons de côté le mensonge et la manipulation, qui auront eu leur importance. Mettons à part ce sentiment de supériorité de tant de spécialistes occidentaux, méprisant le savoir et les résultats locaux.

Et insistons sur la Life Span Study, étude réalisée à partir de 1950 sur les survivants de Nagasaki et d’Hiroshima, qui sera le grand modèle, trompeur. Car au Japon, il s’était agi d’une exposition suraiguë au rayonnement, mais ultrarapide.

Tchernobyl est d’une tout autre nature : les quelques 5 millions de personnes touchées ont été exposées à des doses bien plus faibles, mais pendant de longues/années, au travers de l’alimentation, de l’eau, des feux de bois, de la respiration même. Les modèles concoctés à l’Ouest ne pouvaient intégrer une pareille nouveauté.

Ce n’est pas seulement un livre passionnant. C’est une œuvre qui met à leur place les éléments d’un puzzle jusqu’ici disloqué.

Volontairement? Oui, sans aucun doute, volontairement.

Entre les morts et les malades, les victimes se comptent en centaines de milliers.


Fabrice Nicolino – Charlie Hebdo – 14/04/2021


  1. Tchernobyl par la preuve. Vivre avec le désastre et après, par Kate Brown (éd. Actes Sud, hélas bien cher : 25 euros).
  2. nyas.org/annals/chernobyl

3 réflexions sur “Tchernobyl : Une vérité ?

  1. bernarddominik 16/04/2021 / 10h02

    Plus rien ne m’étonne, en France on a bien inondé la Somme pour protéger Paris.
    L’intérêt supérieur est une vaste notion qui permet tous les abus.
    Mais ne nous faisons pas d’illusions ce qui est arrivé à Tchernobyl et à Fukushima peut arriver chez nous.
    La centrale du Blayais a failli être inondée comme Fukushima. Si une des centrales de la vallée du Rhône a un grave incident, c’est 5 départements, Drome, Ardèche Vaucluse, Gard et Bouches-du-Rhône qui serait gravement impactés et en partie évacués pour des milliers d’années.
    Et le problème, c’est que l’argent prévu pour démanteler ces sites a été dilapidé dans les rêves de grandeur de nos énarques.

  2. jjbey 16/04/2021 / 10h19

    Fort heureusement le nuage n’a pas osé franchir les frontières et dès qu’il a aperçu le drapeau tricolore, il s’est arrêté.
    On nous l’a affirmé sur tous les tons même un grand professeur, papa d’une future ministre de la Santé, a affirmé mordicus que nous ne risquions rien.
    J’étais dans les alpes du sud, quelque temps après l’explosion, cancer de la thyroïde …
    Bien que le chirurgien qui m’a opéré m’ait affirmé qu’il ne faisait plus que ça et que le nombre de patients atteints, explosait le nuage s’était bien arrêté à la frontière…
    Merci les autorités de santé.

  3. Danielle ROLLAT 18/04/2021 / 14h29

    Une épouvantable catastrophe oui, comme le furent aussi Fukushima, les bombardements nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki en 1945… Il serait bon que d’aucuns.. ne l’oublient pas aujourd’hui.

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