Elle se revendique peu chère, mais les clients n’en ont pas forcément pour leur argent.
Elle aime faire savoir qu’elle compte « parmi les banques de réseau les moins chères du marché », mais, en dépit de son statut d’établissement public et de son obligation d’assurer un service bancaire de base, elle ne se prive pas de surfer sur la vague des hausses tarifaires. A bien y regarder, La Banque postale (LBP) n’est pas donnée.
Selon le dernier palmarès de l’association de consommateurs CLCV, elle est le moins cher des établissements pour les « gros consommateurs ». En revanche, elle n’est qu’à la 3e place du classement pour les « petits » et en 6e position pour les « moyens ». Les frais prélevés en cas de dépassement de découvert autorisé, par exemple, y sont plus élevés qu’au Crédit coopératif. Ces hausses sont-elles compatibles avec une mission de service public pour l’accessibilité bancaire ?
Vigilance. LBP accompagne 1,6 million (soit 47 %) des 3,4 millions de clients fragiles bénéficiant du plafonnement des frais d’incident de paiement. Le reste de sa clientèle se compose de retraités et d’étudiants.
Les résultats de l’étude MoneyVox au premier semestre 2019 montrent, sans surprise, que LBP concentre les clients les moins rentables : 29 euros de marge par client, contre 130 euros au CIC ! « En moyenne, les charges liées au fonctionnement d’une agence, personnel inclus, ne doivent pas dépasser 60 % ; à La Banque postale, elles représentent 80 %, car notre clientèle demande un accompagnement plus poussé et une plus grande vigilance », déclare un cadre qui souhaite rester anonyme.
« Malgré la modernisation des outils informatiques depuis trois ans, ceux des conseillers ne sont pas tous à niveau. Pour étudier un dossier de demande de prêt, un conseiller a besoin au minimum d’une dizaine d’heures, faute de logiciel performant, là où, dans une autre banque, moins de cinq suffiraient. Nous avons une proportion de collaborateurs qui travaillent en back-office plus importante qu’ailleurs », ajoute un directeur de secteur. Le manque d’investissements dans la première moitié des années 2010 explique qu’en 2018 l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ait infligé un blâme, assorti d’une amende
de 50 millions d’euros, à LBP pour avoir laissé passer 75 mandats de personnes fichées pour blanchiment ou terrorisme. « Le superviseur bancaire a considéré que nos process internes de détection des clients à risque n’étaient pas suffisamment cadrés. Cela a rapidement donné lieu à de gros ajustements », confie un expert.
La Banque postale se fait épingler régulièrement pour ses pratiques.
Fin 2018, l’UFC-Que choisir dénonçait ainsi son « double jeu pernicieux dans le cadre de son partenariat avec Western Union », àdestination des populations fragiles : « Un transfert vers la Chine était facturé 26,70 euros, soit un niveau 33 % supérieur à la moyenne du marché, et même 125 % plus élevé que cette même prestation réalisée directement auprès de Western Union. »
Nouveau tacle en novembre 2020 : cette fois, l’association de consommateurs reproche à La Banque postale d’instaurer un plafonnement trimestriel de détection des clients fragiles (1 500 euros par trimestre) pour s’aligner sur la concurrence. Auparavant, ses clients habitués au dépassement de découvert pouvaient bénéficier du plafonnement à 25 euros par mois sans condition de revenus.
En décembre 2020, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a infligé à La Banque postale une amende de 1,168 million d’euros pour des commissions d’interchange excessives. Ces commissions versées par la banque du commerçant à celle du consommateur lors d’une transaction par carte bancaire sont plafonnées à 0,2 % du montant de la transaction pour les cartes à débit immédiat et à 0,3 % pour celles à débit différé. La DGCCRF a remarqué que LBP les facturait la plupart du temps 0,3 %, sans tenir compte du mode de règlement.
Le nouveau plan stratégique, attendu au printemps, est censé remettre la clientèle au coeur du mécanisme, après une grosse hémorragie de départs entre 2016 et 2018. La satisfaction des clients est toujours en berne. LBP a fini dernière lors de la remise, en janvier, des Trophées Qualité de la banque. Philippe Hein, le nouveau patron, a du pain sur la planche à billets.
Article lu dans les Dossiers du Canard N° 159 – Avril 2021
Bien placée sur le podium des voleurs cette banque postale.