Passe sanitaire, passeport vaccinal et les risques qu’ils comportent

Partout, les initiatives se multiplient pour préparer la levée des restrictions liées au virus et la possibilité de se déplacer librement. La Commission européenne doit présenter le 17 mars 2021 son projet de « passeport vert numérique » pour tenter de mettre fin à la cacophonie sur le sujet en Europe. 

  • Quels sont les enjeux autour de ces passes sanitaires ?
  • Où en est-on de la réflexion en France ?

Réponses.

Devra-t-on bientôt montrer patte blanche pour entrer dans un restaurant, participer à un concert ou prendre l’avion ?

Autant d’activités aujourd’hui largement contraintes, voire interdites du fait de la crise sanitaire, et dont la reprise pourrait signifier le début d’un retour à la « vie normale ». C’est d’ailleurs pour offrir une « perspective » à leurs habitants que de nombreux gouvernements disent réfléchir à l’instauration de « passes sanitaires » et autres « passeports vaccinaux », censés permettre de desserrer l’étau du Covid autour de nos vies quotidiennes. […]

  • Où en est-on dans cette préparation ?
  • La France a-t-elle, comme sur d’autres dossiers, un train de retard par rapport à ses voisins ?
  • Quels sont les projets sur la table et les problèmes qu’ils posent ?

Décryptage.

1. Passe sanitaire ou passeport vaccinal ?

Même s’ils sont souvent confondus, les deux concepts ne répondent pas aux mêmes enjeux.

« Passe sanitaire »,

Selon l’expression utilisée par le chef de l’État, peut être mis en place au niveau national, pour accompagner la réouverture des restaurants et autres lieux culturels. Une version « minimaliste » consisterait à s’enregistrer à l’entrée de ce type d’établissement en scannant un QR code (possiblement sur l’application TousAntiCovid) sur son téléphone portable. Cela permettrait de tracer les personnes présentes dans ces lieux clos et de les prévenir si un cas positif y était détecté.

La version plus drastique consiste à conditionner tout bonnement l’accès de ces lieux aux personnes pouvant « prouver » leur non-contamination au virus :

  • par la présentation, au choix,
  • d’un test PCR de moins de 72 heures (ou de 48 heures, selon le degré d’exigence),
  • d’un test antigénique « fiable » (avec le même délai de péremption),
  • d’un certificat de vaccination,
  • voire d’un document attestant de la présence d’anticorps, pour ceux ayant déjà attrapé le Covid.
  • Des documents qui seraient rassemblés, là aussi, sur une application pour smartphone.

« Passeport vaccinal »,

Lui, est censé faciliter les déplacements internationaux, en plus de ce qu’autorise déjà le passe sanitaire. Il est basé sur le fait d’avoir reçu les deux doses réglementaires de vaccin.

2. Projets tous azimuts et accords bilatéraux

Pour l’heure, ce qui domine, c’est la multiplicité des initiatives et leur caractère désordonné. D’où cette fâcheuse impression de « chacun pour soi » au niveau mondial et même européen. […] En Europe, plusieurs pays, comme la Grèce ou Chypre, poussent à l’adoption de ce type de « passeport », dans l’espoir de relancer leur économie, largement basée sur le tourisme. […]

De son côté, l’Espagne espère trouver une solution pour sauver la saison touristique… mais pas à n’importe quel prix. « Le débat ne fait que commencer et les corridors touristiques “sûrs” ne vont pas fonctionner avant quelques mois, expliquait le ministère du Tourisme espagnol, fin février, cité par les Échos.  Nous explorons toutes les possibilités et nous voulons des accords larges. » Une prudence liée à la façon dont la saison estivale 2020 avait pu nourrir la deuxième vague de contaminations, à l’automne, et au fait qu’il n’existe encore aucune certitude quant à l’impact des vaccins sur la contagiosité.

Dans le nord de l’Europe, plusieurs pays n’affichent pas la même patience. L’Islande a mis en place, la première, un certificat de vaccination nécessaire pour ses ressortissants comme pour les touristes afin d’accéder au pays sans passer par une quarantaine stricte d’une semaine, deux tests PCR à la clé. Le Danemark a fait de même, en attendant le lancement d’un « coronapass », qui devrait concentrer dans une seule application les informations permettant de détailler le statut immunitaire d’une personne. Et partout, les initiatives fleurissent…

3. Bientôt un système unique pour l’Europe des 27 ?

Devant une telle cacophonie, la Commission européenne a bien été obligée de réagir. Ursula von der Leyen a annoncé, il y a quelques jours, qu’un projet de « digital green pass » (passeport vert numérique) serait présenté le 17 mars 2021, avant d’être discuté lors du sommet européen du 25 mars 2021. […] Mais il est peu probable que le dispositif puisse être adopté avant l’été.

4. Que mettent en place les compagnies aériennes ?

Dans le ciel, la crise sanitaire a fait des ravages massifs (– 66 % de la fréquentation et – 430 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020). Aussi, les compagnies plaident pour la mise en place d’un sésame afin de faciliter les vols. C’est dans ce but que l’Association internationale du transport aérien (IATA) a conçu un Travel Pass, une application qui affiche et authentifie les données sanitaires des passagers.

Lundi, Singapore Airlines a annoncé qu’elle allait bientôt tester ce dispositif sur ses vols entre la cité-État et Londres. D’autres compagnies, comme Air New Zealand et Emirates, devraient suivre. Problème : Air France a, elle, choisi une application concurrente, ICC AOKpass (pour AnticorpsOK), pour l’expérimenter sur ses vols entre Roissy, d’un côté, la Guadeloupe et la Martinique, de l’autre. « J’aurais préféré qu’Air France-KLM prenne le Travel Pass, mais bon, nous ne sommes pas là pour imposer nos solutions », a réagi sur France Info Alexandre de Juniac, le directeur général de l’IATA.

5. Quels risques juridiques et pour nos libertés ?

Si beaucoup d’acteurs, à commencer par l’exécutif en France, marchent sur des œufs avec le concept de passeport vaccinal, c’est qu’il n’est pas exempt de risques juridiques, éthiques, voire politiques. Impossible à l’évidence d’imposer des restrictions liées à l’obtention d’un vaccin, si celui-ci n’a pas encore été proposé à toute la population.

Or, dans l’Hexagone, on en est encore loin : lundi 8 mars, seuls 5,96 % des Français avaient reçu leur première dose, et 2,95 % les deux doses… « Outre l’accessibilité effective du vaccin, pour qu’un tel passeport soit admissible du point de vue des droits fondamentaux, il faudrait que les personnes soient clairement informées du bénéfice-risque du vaccin », ce qui n’est pas tout à fait assuré, pointe aussi le professeur de droit Serge Slama, qui alerte également sur les non-vaccinés du fait de contre-indications médicales.

Dernière inquiétude, à l’heure où les piratages d’hôpitaux se multiplient, toutes ces applications garantiront-elles une protection des données de santé suffisante ?

Si la Cnil a validé, le 29 décembre 2020, le fichier des personnes vaccinées, elle a bien précisé qu’elle devra  « réexaminer » le dossier, si ce fichier doit nourrir un futur passeport vaccinal. On le voit, il faudra plus qu’un tour de passe-passe pour imposer cette idée à tous.


Alexandre Fache. L’Humanité. Titre original : «Passe sanitaire, passeport vaccinal : décryptage des projets et des risques qu’ils comportent ». Source (Extrait)

9 réflexions sur “Passe sanitaire, passeport vaccinal et les risques qu’ils comportent

  1. christinenovalarue 12/03/2021 / 15h11

    Ce sera sans moi, tant pis… Pour moi, pour eux…

  2. Danielle ROLLAT 12/03/2021 / 15h50

    Il va falloir arrêter de tourner autour du pot ! Il existe déjà des vaccins obligatoires pour entrer à l’école, pour exercer certains métiers, notamment dans l’hospitalier, en lien avec la garde des jeunes enfants, chez les fossoyeurs, éboueurs, jardiniers etc.., pour se rendre dans des pays à risques sanitaires hors UE. Déjà aujourd’hui, nos concitoyens frontaliers se soumettent à des obligations (Moselle notamment) pour pouvoir travailler outre Rhin … On se simplifierait la chose, en établissant un carnet européen de vaccinations dûment tamponné, délivré par l’autorité vaccinatrice, pour retrouver les lieux de culture, de culte, les restos, faire la fête voyager notamment, d’autant que les tests PCR et autres ne sont pas gratuits, mais pris en charge par la sécu qui pourrait réagir et faire payer si nous devions les multiplier (je concède que cela n’attristerait pas les labos d’analyses..) On pourrait aussi prévoir une page supplémentaire aux passeports. Ne perdons pas de vue que les autorités tiennent à jour la liste des personnes vaccinées, que ces données seront forcément stockées par une autorité régulatrice départementale.
    On peut bien sur refuser de se soumettre à la vaccination, en prenant des risques sanitaires d’une part, (mieux vaudrait alors ne pas avoir d’autre problème de santé imprévu.). et de privation d’accès à certains lieux, voyages par ailleurs. Je n’oublie pas les services médicaux de médecine du travail, pour moi seuls habilités à vérifier pour les salariés en poste.. Et demain pour les nouvelles embauches ?? Personnellement, ce n’est pas le certificat ou le contrôle qui m’affolent, mais la résistance et le refus de vaccination, conjugués au non respect des gestes barrières, devant la montée des contaminations, et la menace d’un nouveau confinement qui laisserait des traces…Enfin, celles et ceux qui ont été licenciés, ceux qui sont au chômage partiel, ceux dont les entreprises, restos et autres commerces sont fermés ont besoin de retrouver de l’activité.. assez de drames.. la pente sera dure à remonter.

  3. Danielle ROLLAT 12/03/2021 / 16h15

    Je serai vaccinée lundi à 15 heures, avec rappel le 12 avril, je n’ai pas le choix, et si je l’avais, je m’y soumettrais aussi.
    Bonne fin de journée.

    • Libres jugements 12/03/2021 / 17h18

      Sur la commodité de l’utilisation, et à la condition expresse que cela ne serve pas une nouvelle fois à enregistrer les agissements-déplacements privés des personnes, ce qui aujourd’hui est loin d’être acquis ; je pourrais être d’accord.
      Il n’en reste pas moins vrai Danielle, que dans ce cas et en fonction de ce qui est dit actuellement de ce « passe vérificateur de santé » (peut-être que ça changera par la suite), je me verrai cantonner à rester cloîtré dans ma maison.
      J’explique.
      Ayant eu les premiers vaccins enfants dans les années 42, l’un de ceux-ci m’a contaminé et à l’âge de 3 ans, j’ai eu, typhoïde septicémie, para typhoïde, paralysie du diaphragme, bref, 3 mois au lit, perte de poids énorme, comme de muscles.
      Nous étions en pleine guerre et l’hôpital « Des enfants malades » où j’ai été transporté doutait que le vaccin est engendré une telle succession de maladies.
      Fort heureusement un professeur a décrété qu’il fallait me sortir illico de l’hôpital et me décidait de me soigner avec ce qu’il pouvait trouver comme antibiotique à l’époque.
      Au résultat, je n’ai jamais reçu enfant, l’intégralité des vaccins.
      À l’Armée, alors que je devais partir en Algérie, le médecin militaire n’a jamais voulu entendre cette particularité et décidé de m’injecter une dose de vaccin… qui dans les 48 heures se traduisit par des œdèmes, des boutons sur tout le corps… et le transport en urgence à l’hôpital de Val-de-Grâce où je suis resté pendant un mois avec des doses massives d’antibiotiques.

      Donc la dernière expérience vaccinale date maintenant de 60 ans. Bien évidemment le référent médecin qui me suit, déconseille tout vaccin a venir, y compris celui contre le Covid…
      D’où la question:
      Avec certaines personnes, Mesdames ou Messieurs, les instruits des services de santé, pensez à inclure une case dérogeant à l’obligation de vaccination pour cause de problèmes récurrents, mais pas d’interdire la libre circulation y compris dans les pays étrangers.
      Voilà pourquoi Danielle, je suis quelque peu dubitatif devant l’instauration de ce type d’obligation qui se dessine, qui permettrait d’assister à une séance de cinéma, de déjeuner dans un restaurant, de voyager… s’il ne prend pas en compte, les personnes comme moi.
      Avec toute mon amitié
      Michel

      • jjbey 12/03/2021 / 18h01

        Une règle unique ne peut satisfaire à la variété de situations. Tu as été guéri avec des antibiotiques mais si tu es allergique à la pénicilline on fait comment? Si une thérapie convient a des milliers de gens on ne peut pour autant écarter les cas même rares de personnes à qui elle peut faire du mal. C’est pourquoi il faut que le domaine médical se concentre sur la réalité des différences et en tienne compte lors de l’administration du vaccin et le domaine administratif de s’ajuster à la réalité médicale pour que chacun reste libre de ses mouvements.

      • Danielle ROLLAT 12/03/2021 / 18h11

        Bien sur Michel, il y a toujours des exceptions à la règle, et tu en es la parfaite illustration. Il y en a d’autres certainement, du côté des allergies. L’obligation et le passeport ne sont pas institués. .à ce jour le masque, la solution hydroalcoolique, les gestes barrière sont toujours en vigueur, les PCR aussi.

  4. Pat 12/03/2021 / 18h14

    Pour moi et ce n’est qu’un avis modeste, la ruée sur le vaccin et les certificats qui vont avec sont destinés à relancer la machine touristique développée des pays surtout méditerranéens. Je peux comprendre cela de la part des acteurs du secteur particulièrement touché par les privations depuis mars dernier mais si les décision sont prises encore de façon précipitée, cela conduira de nouveau à un cafouillis phénoménal car n’oublions pas que l’Europe a supprimé les contrôles aux frontières et qu’il faudra donc rétablir des douaniers sanitaires en nombre, des administration capables de renouveler des passeports à mettre à jour régulièrement pour des vaccins qui seront valides seulement… un certain temps, bref toute une administration. Pas simple en plus des problèmes qui sont soulignés. Sans compter que dans l’histoire l’important c’est la santé des gens avant le tourisme. Le cas des frontaliers étant différent. Personnellement le vaccin c’est non, et j’ai également mes bonnes raisons que je ne force personne à imiter, juste à respecter. Merci.

    • Danielle ROLLAT 13/03/2021 / 0h05

      Pat, soyez rassurée, s’ il est logique que chacun ait une appréciation et l’exprime sur tel ou tel sujet, il est tout aussi logique que cette appréciation soit respectée, ici comme ailleurs.
      C’est bien parce qu’ils sont confrontés aux questions pratiques que vous soulevez que les dirigeants des 26 états de l’UE pataugent… moi aussi.. il va en falloir des négociations pour résoudre et trouver une solution acceptable pour tous.. mais les peuples, leurs représentants seront-ils consultés ?

      • Pat 15/03/2021 / 11h16

        Merci beaucoup. J’aimerais me sentir rassuré mais ce n’est pas le cas tant que les gouvernements (essentiellement européens) restent campés sur des décisions aussi brutales et élitistes. Et ils ne changeront pas car ils jouent leur tête. L’argent n’est plus roi, il est dieu (faux dieu idolâtré et tout puissant).

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