La démocratie nous fera-t-elle crever !

Ça va faire bientôt un an, le 17 mars 2020, que le premier confinement a été mis en place en France.

Depuis, le gouvernement essaie de mener une politique qui concilie les impératifs sanitaires avec ceux de la vie économique et culturelle du pays. Un véritable casse-tête tant que tout le monde n’aura pas été vacciné.

Ce qui ressort de tout ça, ce sont les hésitations des responsables politiques : on confine, on déconfine, on met des masques, on ne met pas de masques, on vaccine sans aucune obligation, on reconfine le week-end, le soir ou jusqu’à la saint-glinglin. On peut facilement ironiser sur ces atermoiements, mais bien malin celui qui connaît la bonne formule pour nous sortir de ce bourbier.

Il y a cependant une chose qui met un peu mal à l’aise.

En 1975, le Brésil a vacciné 80 millions de personnes contre la méningite dans un délai  record de quelques mois. Les 10 millions d’habitants de Sao Paulo furent vaccinés en cinq jours!! Pourquoi un tel défi médical et politique n’a pu être relevé aujourd’hui en France? Il faut rappeler que, à l’époque, l’Institut Mérieux, qui se proposait de produire les quantités de vaccins nécessaires, avait pris des risques considérables que plus personne dans l’industrie pharmaceutique ne prendrait en 2021.

Est-ce une illustration supplémentaire de cette tendance observée dans les grands groupes industriels de confier leur stratégie à des financiers besogneux qui ne veulent prendre aucun risque? Le temps des « capitaines d’industrie » est révolu, et les patrons à l’ancienne, parfois brutaux, parfois audacieux, ont été remplacés par des gestionnaires boursicoteurs sans aucune vision d’avenir, à part celle d’augmenter les marges en licenciant et en délocalisant.

L’autre question posée par cette crise est celle de la démocratie elle-même.

Une telle campagne de vaccination eut lieu au Brésil, alors que ce pays était une dictature. Faut-il alors, pour soigner tout un peuple, prendre des mesures autoritaires sans se soucier d’obtenir son accord? En France, pour être vacciné, il faut être volontaire. C’est sympa, c’est très démocratique, mais est-ce efficace?

Nos démocraties donnent l’impression étrange dene plus oser prendre de décisions contraignantes, et leurs tergiversations laissent planer le doute quant au bien-fondé de leurs choix. Comment alors mettre en oeuvre une politique ambitieuse qui, inévitablement, effraiera les trouillards, dérangera les timorés et tétanisera les frileux?

Au moment de l’écotaxe, tes portiques installés sur les autoroutes furent tronçonnés par les manifestants, et le gouvernement de l’époque renonça à cette mesure, ce qui laissait croire que lui-même n’en était pas très convaincu. Et on se demande après ça pourquoi les gens ne vont plus voter. Pourquoi élire des responsables politiques qui, arrivés au pouvoir, renoncent à appliquer leur programme aux premiers grincements de dents?

Qu’il s’agisse de la vaccination avec les anti-vaccins, de l’écotaxe avec les routiers, on sent le pouvoir hésitant et, s’il hésite, la confiance qui le relie encore aux citoyens se délite peu à peu. À droite, des voix réclament le retour de « l’autorité ».

À gauche, on s’insurge en dénonçant le risque d’une dérive autoritariste et on rétorque que l’époque ancienne, où le pouvoir décidait sans concertation, est révolue. En réalité, ce n’est pas d’autorité et encore moins d’autoritarisme dont on a besoin, mais d’un minimum de conviction.

Le volontarisme n’est pas l’autoritarisme.

Un pouvoir qui ne se montre pas suffisamment persuadé par la pertinence de ses décisions ne peut pas dans le même temps demander aux citoyens d’aller voter en masse avec foi. Entre les citoyens et leurs représentants, le doute s’installe progressivement. L’intérêt général finit par se diluer dans une bouillie consensuelle, insipide et démotivante.

Confrontés au défi sanitaire comme à celui encore plus colossal du réchauffement climatique, les responsables politiques, hésitant comme l’âne de Buridan entre ses deux picotins d’avoine, crèveront sur place. En entraînant tout le monde avec eux.


RISS – Charlie Hebdo – 03/03/2021


1. Le Monde (22 février 2021).

3 réflexions sur “La démocratie nous fera-t-elle crever !

  1. Danielle ROLLAT 04/03/2021 / 12h57

    Heureusement, le protocole sanitaire va être allégé dans les Ehpad, et c’est toujours la course aux RDV pour la vaccination…

  2. Pat 04/03/2021 / 16h35

    J’ai du mal à valider cet article. On y mélange tout. La politique sanitaire et les portiques sur les autoroutes… Rien à voir ! et si le gouvernement peut se permettre de prendre des décisions fermes dans certains domaines, toucher à l’intégrité physique des gens nécessite de changer la loi et surtout d’être certain de ce qu’on fait. Or désolé, mais je ne peux pas valider une conviction dans ce domaine et surtout pas le fait que la vaccination, je cite « tant que tout le monde n’aura pas été vacciné » soit le remède définitif au covid. Une démocratie se doit d’abord d’être représentée par des hommes honnêtes, transparents, ouverts, et responsables au sens premier du terme.

  3. Libres jugements 04/03/2021 / 18h02

    Il ne s’agit pas dans le propos qui suit d’essayer de convaincre quiconque, Cet article me gêne dans la mesure où il sous-entend qu’il faudrait une dictature pour imposer un certain nombre de choses autrement dits que l’on soit brésilien d’un côté ou russe Chinois ou coréen du Nord « serait » la solution pour qu’une forme de société très répressive, permette la population soit à l’abri de bien des choses, ou corrige les choses, telles que l’expansion de l’épidémie Covid actuellement.
    Il reste pas moins vrai que la forme de pensée latine que nous avons, nous les Français, est d’abord et avant tout contestatrice en tous les points – et bien d’accord Patrick (je passe volontairement parce que c’est un autre sujet, sur le comportement absolument contradictoire avec toute forme d’honnêteté, de transparence, de prise de responsabilité collective, de ceux qui nous gouvernent dans cette fausse démocratie monarchique qu’est la Ve constitution), bien d’accord disait je, que cet article de Riss, demande à être clarifié dans sa forme et positionnement pour éventuellement convenir à l’ensemble de la population.
    En toute cordialité
    Michel

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