Une analyse de la psy … analyse !

Décriée depuis des décennies, aux Etats-Unis comme en Europe, battue en brèche par les thérapies comportementales, la psychanalyse a dû démontrer son efficacité. Une lutte incessante, rappelle le chercheur Guénaël Visentini. Mission accomplie ?

Cent ans après les travaux pionniers de Sigmund Freud, les critiques à l’encontre de la psychanalyse se multiplient. […]

  • Un climat de contestation entoure la psychanalyse. Pourquoi ?

Guénaël Visentini – Des critiques intéressantes et constructives ont été formulées aux États-Unis dès les années 1950, avant d’atteindre un paroxysme dans les décennies 1980 et 1990, avec une série d’attaques très médiatisées qu’on a appelées les « Freud wars ». En France, à la même époque, les psychanalystes qui étaient bien implantés dans les universités et les institutions de soin, connaissaient plutôt un âge d’or La donne a changé quand nous sommes entrés dans le XXIe siècle. En elles-mêmes, les critiques n’ont rien de problématique. Certaines, légitimes, ont été entendues par la discipline et lui ont permis d’évoluer : les progrès en génétique et en neurosciences ont par exemple montré que quelques-unes des hypothèses de la psychanalyse sur l’autisme ou la dyslexie devaient être rectifiées, comme la théorie du désinvestissement de l’enfant par la mère. Les acquis scientifiques poussent aujourd’hui à reconnaître la nature non entièrement psychogène de certains troubles. Le problème, ce sont les attaques qui émanent d’amateurs, qui ignorent l’actualité de la recherche et procèdent selon des méthodologies douteuses, réduisant la psychanalyse à la seule œuvre de Freud, au mépris de cent ans d’histoire ; osant des copiés-collés de phrases décontextualisées dont le sens est transformé.  […]

  • Ces critiques reflètent malgré tout le soupçon qui pèse sur l’efficacité de la psychanalyse…

 […] Après une période de déclin, la psychanalyse renaît doucement aux États-Unis, élaguée de certains éléments théoriques obsolètes sur la paternité, la maternité, le féminin  […] En Europe, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark ou la Suisse remboursent actuellement les séances de psychanalyse, à la différence de la France (où seules celles prodiguées par un médecin psychiatre peuvent l’être).  […]

  • Qu’est-ce qui distingue l’approche psychanalytique d’autres pratiques en vogue, comme les TTC, les thérapies comportementale et cognitives ?

 […] L’une est du côté des sciences humaines, l’autre, du côté des sciences expérimentales. En tant que chercheurs, les psychanalystes sont un peu comme des ethnographes ou des anthropologues. Ils prennent le temps de recueillir des données auprès de leurs patients et en tirent des théories (qui peuvent être révisées), permettant d’intervenir dans la relation.  […]

 […] , les thérapies cognitivo-comportementales adaptent des techniques issues d’expérimentations de laboratoire. Pour vaincre une phobie des araignées, il s’agit non pas de comprendre comment elle s’inscrit dans l’histoire unique d’un individu, mais d’exposer celui-ci à l’objet de sa peur pour le désensibiliser. Ces thérapies sont plus protocolaires, directives et ciblées sur certains symptômes.

 […]

  • Dans la psychanalyse, la relation entre le patient et le thérapeute n’accepte pas de regard extérieur. Est-ce un obstacle à son évaluation ?

Ce n’est qu’en tête-à-tête et dans une relation de confiance que l’on peut s’avouer des pensées folles, obscènes, moches C’est compliqué quand on est seul face à l’analyste, si on doit supporter le regard d’un témoin ça devient impossible !  […].

  • Par la suite, comment ont-ils réussi à faire entrer leurs thérapies dans des essais prévus à l’origine pour tester des médicaments ?

 […] Comment ignorer qu’on propose une cure analytique, ou qu’on en suit une ? Ce qui réintroduit de nombreux biais. En dépit de toutes leurs limites, ces études ont quand même eu des résultats intéressants. Elles ont montré que les psychothérapies sont aussi efficaces, voire plus, que les médicaments pour soigner les troubles psychiques, les effets secondaires en moins.  […]

  • Peut-on remettre en cause la supériorité des thérapies cognitivo-comportementales sur les cures analytiques ?

 […] Les données actuelles de la recherche ne permettent pas d’affirmer qu’un type de thérapie serait significativement supérieur aux autres, pour une population atteinte d’un trouble donné.  […] Des différences extrêmement faibles ont été trouvées en faveur des thérapies cognitivo-comportementales pour les troubles obsessionnels compulsifs, ou de la psychanalyse pour les troubles de la personnalité.

Pourtant, le rapport de l’Inserm de 2004 continue d’influencer les politiques publiques en matière de psychothérapie.  […]

Dès lors que les cures sont efficaces, le moment est venu de se diriger vers une pluralité de l’offre.


Marion Rousset. Télérama. Titre original : « Psychanalyse : le divan a du ressort ». Source (Extrait)

3 réflexions sur “Une analyse de la psy … analyse !

  1. bernarddominik 06/02/2021 / 16h43

    La psychanalyse n’est pas une science exacte, elle ne garantit pas de résultat. D’ailleurs la lecture de Freud laisse rêveur tout esprit scientifique. Les progrès de la connaissance du cerveau ont d’ailleurs retiré du champ de la psychanalyse certains traitements. Le livre de Michel Onfray sur Freud est ravageur. Et j’avoue être imperméable au charabia de Lacann. Je connais des psychanalystes, j’apprécie leur sens de l’écoute, mais leurs réponses sur un cas concret m’ont parues en dehors de la réalité

  2. Danielle ROLLAT 06/02/2021 / 22h48

    Il faut être courageux, de nos jours, pour dire qu’on est pris en charge par un psychologue suite à un problème .. et aux répercussions de ce problème sur notre organisme, notre mental… ce n’est pourtant pas dramatique et cela peut être pris en charge par la Sécu… C’est déjà considéré comme un manque de caractère pour certains…qui croient avoir la carapace solide..et être à l’abri.
    Je n’entends rien à la psychanalyse.. qui a sa raison d’être et qu’il faut soutenir comme la psychiatrie, parent pauvre de la médecine, comme le soulignent les associations de patients et de familles… vaste chantier.

  3. CuloThé 28/02/2021 / 21h59

    Non, la psychanalyse ne s’arrête pas à Freud mais il a ouvert la voie en précisant que son travail, demandait aussi à être complété, revu. Il disait d’ailleurs régulièrement « ne pas s’exagérer ses hypothèses ». Si les réponses des psychanalystes peuvent sembler décalées, c’est simplement parce que les causes relèvent du passé. Le problème du moment a des origines, une préhistoire qui se rapporte aux premières années de vie, au prégénital en grande partie. Un traumatisme est la résurgence de quelque chose du passé, non le factuel du présent même si c’est lui qui réveille la blessure, lui donne forme. La psychanalyse n’a pas la prétention pour cette raison de guérir mais d’amener l’analysant à comprendre la normalité qu’il incarne à lui seul, à mieux la vivre. Le terme de pathologie n’est posé qu’à titre d’indication et ne se veut pas normatif contrairement à la psychologie qui se base sur des statistiques, des moyennes. La psychanalyse est plus simplement consciente qu’une blessure de l’enfance n’est pas réparable, qu’on peut par contre changer le regard sur cette blessure et Freud comme Lacan, Klein, etc. se questionnent avant tout sur les causes, non sur les « traitements ». C’est la recherche du pourquoi qui domine… La psychanalyse n’est pas, dans tous les cas, pour tout le monde. Elle implique déjà la reconnaissance d’un inconscient et de motions qui nous dépassent, à titre individuel, alors que nous n’en voyons que les effets. Elle n’envisage pas plus de prendre en charge des troubles mentaux à elle seule. Quant à la psychiatrie, j’ai peur de bien lire l’expression de « parent pauvre de la médecine ». Ironique ? Discipline qui se gave par le biais des labos, où un deuil peut-être considéré du registre de la maladie après 15 jours en vertu de sa Bible le DSM. Discipline qui ne cesse d’agrandir la liste des maladies mentales, si bien que les psychiatres eux-mêmes s’interrogent de plus en plus sur leur propre pratique.

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