Édito du 03 février 2021 du Canard

Le choix des maux

Contre vents mauvais comme les augures et fortes marées sanitaires et médiatiques qui le pressaient de reconfiner, Macron a donc fait le choix du risque assumé de ne pas céder.

Celui de trouver imprécises ou parcellaires des informations qui lui sont fournies par les scientifiques et les experts. De déplorer dans la foulée que les mêmes perdent tant de temps à pérorer sur les plateaux de télé. Celui, aussi, de bien peser le coût économique et social d’un reconfinement. Son impact psychologique, également. Macron a bien sûr choisi du même coup de rappeler au passage qu’en vertu de nos institutions c’est à lui qu’appartient la décision. A lui aussi qu’il reviendra d’en porter la responsabilité si, aujourd’hui, demain ou la semaine prochaine, il s’avérait que la décision en question n’était pas la plus avisée.

Pareille éventualité n’est pas à écarter, et, tout en assumant son choix, Macron, qui ne l’ignore évidemment pas et sait qu’électoralement un pari perdu se paie cher et comptant, a pris quelques précautions. « Faisons tout pour freiner l’épidémie ensemble », a-t-il tweeté après avoir décidé seul puis l’avoir fait annoncer par Castex. Et, « ensemble », c’est le rester en cas de problème. Responsabiliser, c’est faire « confiance » mais aussi faire partager les responsabilités.

On ne reconfine pas, mais, si ça ne marche pas, ce sera parce que le pays n’aura pas tout fait pour qu’il en aille autrement. Ce n’est pas forcément maladroit, mais pas sans risque pour autant.

« Confiance » est désormais le mot à tout-va martelé de Matignon à l’Elysée. Mais encadrée, la confiance ! « Pas de paternalisme », mais flics fouettards au coin de la rue et gendarmes aux péages. Darmanin, tout fier, se targue de 30 % d’interventions policières supplémentaires. Amendes pour les contrevenants et menaces de couper les vivres aux restaurateurs, aux directeurs de théâtre ou aux propriétaires de boutique récalcitrants. S’il faut reconfiner, ils l’auront bien cherché. Mais la confiance est mitigée des deux côtés !

Si l’exécutif, avec ses «contrôles renforcés », a une confiance modérée dans la capacité des citoyens à supporter et à respecter le couvre-feu et autres mesures de restriction, les mêmes citoyens, à en croire les sondages, le lui rendent bien, puisqu’ils ne seraient que 36 % à faire confiance à Macron dans la gestion de la crise sanitaire. De quoi relativiser un peu la « confiance » comme le partage des «responsabilités ».

Quant au retour du primat du politique sur le sanitaire que cette décision présidentielle d’écarter un troisième confinement est censée incarner, il est également à regarder avec circonspection. Macron, en faisant ce choix et en durcissant le ton, peut bien, en tançant médecins, chercheurs, experts et en rappelant les citoyens à leurs responsabilités, faire acte d’autorité. Mais, primat du politique ou non, entre lenteur d’approvisionnement en vaccins, errements précédents et chiffres loin d’être rassurants, ce n’est pas le chef de l’exécutif qui l’emporte. N’en déplaise à Macron, c’est le virus et sa progression qui continuent de dominer la situation et d’imposer les décisions.


Édito Erik Emptaz – Le Canard Enchainé. 03/02/2021

2 réflexions sur “Édito du 03 février 2021 du Canard

  1. Stephen Sevenair 04/02/2021 / 15h57

    Ma Confiance ne se donne qu’à Dieu et cela s’appelle la Foi.
    Les autres ne font que des paris stupides
    A la Prévert, lorsqu’il parle d’un certain Blaise Pascal.

    Je
    N’ai
    Pas
    Confiance
    En
    Macron
    Et
    En
    son LREM

    Quoi qu’ils fassent du reste !

  2. jjbey 04/02/2021 / 15h58

    Bien vu , la maitrise de la nature ne dépend pas du nombre d’années passées à l’ENA et le covid se fout du « qu’en dira-t-on ». La réalité est bien là et la fébrilité des uns et des autres n’y changera rien. Il reste qu’au lieu d’organiser la concurrence on aurait pu organiser un travail d’équipe qui aurait permis des échanges fructueux entre chercheurs. Mais non c’est au premier qui…….fera du fric. cela ma rappelle les trois mâts du siècle dernier qui étaient équipés d’une énorme voile carrée qui leur permettait d’arriver plus vite au port et de bénéficier du prix les plus fort pour la vente de leur marchandise. Cette voile s’appelait le FORTUNE.

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