Pour le gouvernement, sauver l’économie … la jeunesse attendra …

Le saviez-vous ?

Le gouvernement dispose d’une « ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ». Elle s’appelle Frédérique Vidal.

Pour une fois, Macron a choisi une experte, titulaire d’un doctorat, universitaire, vice-présidente de l’université de Nice. Mais là où Roselyne Bachelot fait au moins semblant de défendre les métiers de la culture, Vidal est, depuis le début de la crise, dans le rien.

Il aura fallu que des étudiants fassent des tentatives de suicide (sans que l’on sache, évidemment, si c’est lié au fait qu’ils passent leurs journées entre quatre petits murs depuis des mois) pour que Mme Vidal prenne cette mesure spectaculaire : la reprise par demi-groupes des séances de travaux dirigés, pour les étudiants de première année seulement.

C’est une bonne nouvelle pour la « promotion Covid », les bacheliers 2020, qui se sont pris le premier confinement, le vrai, quand ils étaient en terminale, et qui n’ont eu droit qu’à quelques semaines de cours en septembre, avant la fermeture des portes. Mais cette mesure doit être généralisée. Certes, impossible de rouvrir les amphis. En revanche, accueillir tous les étudiants en demi-groupes, une semaine sur deux, c’est fastoche.

Gabriel Attal, actuel porte-parole du gouvernement, alors secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse, s’était permis de refuser le RSA aux pauvres ruraux, banlieusards et autres chômeurs âgés de 18, 20 ou 23 ans, car cela aurait été « se placer dans un esprit de défaite (1) ».

Emmanuel Macron, qui se prend pour un Prix Nobel d’économie, estime que le RSA découragerait la recherche d’emploi.

Problème : les économistes, tout comme les sociologues, ont démontré l’inverse depuis des années. Car chercher du travail coûte cher : téléphone, connexion Internet, scooter, garde d’enfants, fringues, etc. Il faut savoir que la France est le seul pays de toute l’Europe à ne pas verser de RSA (ou son équivalent) aux jeunes (à l’exception du Luxembourg (2).

Ce gouvernement n’est même pas foutu de verser la thune promise aux rares entreprises qui embauchent des jeunes.

Témoignage d’une autoentrepreneuse : « Je n’arrive plus à me verser de salaire car je dois payer mon apprentie (3) ! » Après des heures passées en démarches inutiles, quatre mois d’embauche et 0 euro d’aide reçue, elle va se séparer de sa jeune apprentie. Un très grand bravo à Élisabeth Borne !

Du côté de Sarah El Haïry, actuelle secrétaire d’État à l’Éducation nationale, aux Sports, chargée de la Jeunesse et de l’Engagement, le grand numéro de cirque offert est celui du service national universel. La dame promet à notre jeunesse « réveil puis lever des couleurs à 8 heures, en uniforme, avec salut au drapeau et La Marseillaise (4) ».

Son gadget, extrêmement coûteux et au fonctionnement plus que discutable, est un « moment de cohésion » offert aux « décrocheurs, […] d’autres souffrant de handicap, ou même issus de milieux aisés ». (Ah, ce « même » : toute une vision du monde social…)

Bon, parce que ce que les jeunes voudraient, en fait, c’est se faire exploiter au smic. Et ce n’est pas comme si du boulot, on en manquait, pour, par exemple, procéder à cette petite opération de rien du tout, la « transition écologique ». Car les diplômés de 2020, et aussi sans doute ceux de 2021, vont payer leur malchance toute leur vie. Et pas qu’un peu.

S’il vous faut des arguments précis, je vous laisse lire cette publication du FMI qui commence par ces mots : « Pour les millions de jeunes dans le monde qui survivront à la pandémie, l’avenir leur réserve de bien tristes nouvelles (5) » Pertes de revenus considérables, problèmes de santé, délinquance accrue, mortalité précoce : les poteaux du FMI vous l’expliquent.

Mais je vous préviens, il faut avoir le coeur bien accroché pour arriver au bout. Allez, bonne chance aux « enfants de la patrie »!


Jacques Littauer. Charlie Hebdo – 20/01/2021


  1. « Attal critique un « esprit de défaite » au sujet du RSA pour les moins de 25 ans » (Sud-Ouest, 25 mai 2020).
  2. « La France moins généreuse avec les jeunes que ses voisins? » (France Inter, 18 février 2017).
  3. « « 1 jeune, 1 solution »: des couacs dans le plan d’aide à l’embauche des moins de 25 ans» (Le Parisien, 11 janvier 2021).
  4. « Service national universel : les inscriptions débutent ce lundi, Sarah El Haïry nous dévoile le programme» (Le Parisien, 11 janvier 2021).
  5. « L’ombre permanente d’un démarrage malheureux» (FMI, Finances & développement, décembre 2020; cutt.ly/djE4ezW).

3 réflexions sur “Pour le gouvernement, sauver l’économie … la jeunesse attendra …

  1. Patrick Blanchon 22/01/2021 / 5h53

    avec son nom et l’attirance extraordinaire pour l’ubuesque que possède ce gouvernement, je ne comprends pas qu’ils ne l’aient pas fichue à la Santé.

  2. bernarddominik 22/01/2021 / 8h00

    Pour une fois je défendrai le gouvernement: il est dans son rôle en faisant les arbitrages financiers, car contrairement aux neuneux du journalisme il sait que tout n’est pas possible, que toute bourse a des limites. On peut ne pas être d accord, mais là, en l’occurrence, je ne lui donnerai tort que sur la fermeture totale, il pourrait y avoir des demi amplis, le problème c’est que les étudiants se sont plutôt montrés irresponsables ces derniers mois

  3. tatchou92 22/01/2021 / 17h36

    Pas d’accord avec Bernard.
    J’ai des étudiants dans mon environnement très proche qui ont la chance de vivre chez leurs parents, et qui ont aussi perdu les petits jobs qui permettaient de satisfaire quelques besoins.
    Ils n’ont pas de cours en présentiel, comme on dit, en souffrent énormément du manque de contact, du manque de considération, de devoir solliciter les parents pour leurs besoins personnels, de voir qu’une grande partie de leurs condisciples a jeté l’éponge, (une année fichue) ils ont perdu leurs repaires, pas de discussions avec les profs, les copains, pas de vie estudiantine, pas de confrontation dans le débat d’idées, et on leur refuse l’accès au RSA jeune… alors qu’on aide tous azimuts par ailleurs… mais les jeunes sont aussi électeurs, leurs parents aussi…

    On me parle de mai 68, ce n’était pas du tout la même configuration, on oublie l’extension du mouvement, « Quand Renault éternue… », les négociations menées par les organisations syndicales et les résultats obtenus pour les salariés et les retraités.
    Ne laissons pas sacrifier nos jeunes, nos enfants et petits enfants.

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