… par Erik Emptaz
Nous sommes priés par le ministre de la Santé d’être rassurés : « Le rythme de croisière de la vaccination » va, « dans les prochains jours, rejoindre celui de nos voisins européens », signifiant ainsi que la « croisière » aurait bientôt fini d’amuser la galerie. Car, lundi, avec ses moins de 5.000 vaccinés, alors que les voisins en question les comptaient déjà par dizaines de milliers, la France en queue de classement relevait du ridicule.
On sait, certes, que dans de nombreux cas le ridicule ne tue plus, mais, dans celui du Covid, il continue de faire des dégâts. Et pas seulement sanitaires, politiques aussi. D’où l’urgence pour Macron de sortir de cette fâcheuse situation.
Premier touché car premier responsable du tollé de la lenteur caricaturale de notre campagne vaccinale, puisque, en tant que chef de «guerre », et qui la fait, dit-il, « le matin, le midi, le soir et la nuit », aucune décision concernant le sujet n’est censée lui échapper, il a commencé par une tentative de diversion. Par le coup de la «grande colère» surjouée avec complaisance dans le « JDD » et consistant dans un premier temps à coller en priorité la responsabilité des dysfonctionnements sur le dos de la pesanteur administrative « d’une bureaucratie et d’une technocratie» qu’il juge «tatillonnes».
Chacun connaît, évidemment, son poids mais n’ignore pas non plus que cette administration de l’État dépend de son chef, qui en est lui-même issu et obéit à ses injonctions. Or, jusqu’à la fin de la semaine dernière, les consignes étaient claires. Reprises en chœur par Monsieur Vaccin au ministère de la Santé en passant par le Conseil de défense sanitaire présidé par Macron, elles étaient, sinon de faire l’éloge de la lenteur, du moins de ne pas se précipiter.
Entre les vieilles peurs judiciaires du sang contaminé et la défiance sondagère majoritaire des anti-vaccins, il n’était en rien question d’appuyer sur l’accélérateur. Sauf que c’est ce qu’ont fait nos voisins, nous reléguant dans les tréfonds du classement vaccinal mondial. Un fiasco qui, ainsi ajouté à une foireuse communication tout au long du week-end et aux précédents errements sur les masques et les tests, a vite déclenché le tollé que l’on sait.
Et Macron de se retrouver sous une canonnade de l’opposition, qui, une chance pour lui, de « faute gravissime » en «risée du monde », n’y est pas non plus allée mollo sur la théâtralisation, les gros effets et les grands mots ! Au passage, avant même d’être tirés au sort, les 30 membres de la société civile appelés à devenir le Conseil citoyen sur la vaccination se sont fait allumer aussi et qualifier de « gadgets », de « foutage de gueule» ou de «diversion ». Les voilà vaccinés pour l’hiver !
En attendant qu’ils puissent l’être vraiment et que le «rythme de croisière» accélère pour permettre que l’ensemble des citoyens qu’ils sont censés représenter puisse l’être également, ce nouvel épisode erratique fait pour le moins désordre pour Macron. D’autant que, par crainte de heurter les anti-vaccins, il a réussi à énerver ceux qui, à l’inverse, n’attendent que d’être vaccinés. Or ceux-là sont beaucoup plus nombreux chez ses électeurs que chez ses détracteurs. Une erreur d’appréciation qui, à seize mois de la présidentielle, constitue, s’il en était besoin, une désagréable piqûre de rappel qui l’a contraint à « accélérer vraiment ».
Pour sortir plus vite d’une crise qui retarde d’autant la reprise. Mais aussi parce que campagne vaccinale » rime déjà avec « campagne électorale ».
Edito du « Canard » – Erik Emptaz – 06/01/2021
Pas besoin de ces citoyens, une commission composée de parlementaires (on les a élus, ceux-là) devrait suffire. C’est quoi un régime qui court-circuite le parlement élu?
Quand les sirènes du pouvoir résonnent, peu importe les couacs du son, c’est le pouvoir…