Une loi écrite, peut être interprétée de manière différente.

Catholiques, protestants ou juifs, des représentants des cultes racontent la confusion qui règne, sur la laïcité, au sein de l’exécutif. Et comment ils ont tenté d’éviter le pire. […]

En public, le soutien au gouvernement est affiché. En coulisse, le ton est tout autre. Jusqu’à la dernière minute, les services juridiques des grandes fédérations religieuses ont bataillé pour faire plier l’exécutif sur son projet de loi « séparatisme », rebaptisé « projet de loi confortant les principes républicains ». Le texte  […] d’abord annoncé pour lutter contre le « communautarisme » puis le « séparatisme islamique », il n’a cessé de se reconfigurer, au gré des attentats et des coups de menton de l’exécutif.  […]

En touchant à pas moins de quatre lois fondamentales aux libertés publiques,

  • Celles de 1881 (liberté de la presse), 1882 (instruction primaire obligatoire),
  • Celles de 1905 (séparation de l’Église et de l’État)
  • Celles de 1907 (exercice public des cultes),
  • En renforçant la police des cultes, en étendant les motifs de fermeture des espaces religieux et en alourdissant les régimes de sanctions à l’encontre des associations loi 1901 et 1905,

Le projet en cours se présente comme l’une des plus importantes tentatives de refonte de la loi de séparation de l’Église et de l’État.

 […]

« Avec ce projet, on est en train de passer d’une laïcité de principe et de droit à une laïcité de combat et d’idéologie, s’alarme auprès de Mediapart François Clavairoly, à la tête de la Fédération protestante de France. Tout le monde a à perdre. » « Attention à ce qu’il n’y ait pas une police de la pensée », alerte de son côté le secrétaire général de la conférence des évêques de France, Hugues de Woillemont, pour les catholiques.

Une majorité des représentants de culte contactés par Mediapart font part de difficultés apparues dès les discussions originelles  […] de «  brouillonnes » ou « confuses », voire contraires aux grands principes de la loi de séparation de l’Église et de l’État.

En 2019, d’après nos informations, une proposition pour le moins étonnante a été présentée aux responsables des cultes, qui déclinait la façon dont les associations cultuelles devraient choisir leur représentant : prêtre, pasteur, rabbin ou imam. Une intrusion manifeste de l’État dans les affaires religieuses  […]

 […]

 […] … récemment, le projet de « charte de la laïcité », annoncé en fanfare, a fait l’objet d’une passe d’armes entre les clergés et le gouvernement. Voulu par Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté, il conditionnait l’octroi de subventions publiques en direction d’associations de type « loi 1901 » à la signature d’une « charte de la laïcité ».

 […]

Tout l’automne, Gérald Darmanin a tenté de jouer les pompiers,  […] avant d’abandonner discrètement la charte de la laïcité remplacée  […] par un plus général « contrat d’engagement républicain ».

 […]

De tous les griefs soulevés, le principal motif d’inquiétude reste sans conteste l’extension des modalités de police du culte, et plus spécifiquement l’article 47 de l’avant-projet de loi adressé au Conseil d’État.

Dans la version consultée par Mediapart, il autorise la fermeture par le préfet d’un lieu de culte où des « propos qui sont tenus », des « idées » ou des « théories qui y sont diffusées », ou « des activités » qui s’y déroulent, « provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou leur appartenance, ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ou tendent à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

Cette conception large de la « discrimination » pose des questions concrètes à plusieurs représentants de culte, comme l’emploi du terme « valeurs » de la République, plutôt que « principes ».

Ce glissement sémantique du droit vers la morale est dénoncé par des juristes, parce qu’il laisse la porte ouverte à toutes les interprétations.  […] le législateur considérera-t-il demain que l’impossibilité pour une femme de tenir un prêche dans un lieu de culte constitue un motif valable de fermeture ?

 […] D’autres mettent en avant « la confusion mentale » qui ressort du texte et de dispositions qui donnent l’impression d’effets de manche, voire d’une méconnaissance des réalités de la radicalité religieuse. « On avait pourtant demandé à prendre de la hauteur », se désole une fédération de mosquées qui pointe le côté « gadget » de certaines mesures, comme l’interdiction des « tests » de virginité. Soit la prohibition d’un phénomène social pour lequel on ne dispose toujours pas de chiffres clairs, mais que Marlène Schiappa porte comme un étendard depuis le mois de septembre.

Dans une tribune parue dans Le Journal du dimanche, la ministre brandissait ainsi, pour souligner les périls, le cas du rappeur T.I. « envoyant chaque année sa fille chez le gynécologue pour faire vérifier son hymen ». Oubliant de préciser que le chanteur n’est pas un rappeur français mais américain. Non pas musulman mais chrétien évangélique.

 […] … le conseil national d’évaluation des normes (CNEN), l’autorité en charge du contrôle des lois applicables aux collectivités locales, a par ailleurs rendu un avis cinglant. Publié le 23 novembre, mais passé relativement inaperçu, il souligne notamment « l’absence de mesures suffisamment concrètes visant à accompagner les collectivités territoriales dans la lutte contre les différentes formes de séparatisme ». Résultat : avis défavorable.  […]


Lou Syrah. Médiapart. Titre original : « loi « séparatisme » : un piège pour tous les cultes ». Source (Extrait)

5 réflexions sur “Une loi écrite, peut être interprétée de manière différente.

  1. bernarddominik 05/12/2020 / 18h17

    Je ne fais pas confiance aux représentants des cultes pour défendre la laïcité et la liberté. Il y a cependant confusion chez nos élus entre laïcité et liberté.

    La laïcité c’est la neutralité de l’état en matière de culte.
    Ca veut dire ni propagande ni critique vis à vis des religions notamment de la part des enseignants, donc montrer les caricatures de Mahomet ou de Jesus en classe est contraire à la loi sur la laïcité.
    La liberté c’est aussi le droit de critiquer ou de vanter les religions, mais hors du cadre de l’état.

    L’état français se permet beaucoup d’entorses sur la laïcité, par exemple les processions dans les rues, les églises ouvertes au seul culte catholique, la subvention d’écoles religieuses, en Alsace Moselle la rémunération du clergé… mais si on interdit le voile islamique dans l’espace public, il faut interdire la soutane la tenue des religieuses et des moines…

    Nos lois ont les ambiguïtés dues aux changements constants des élus, l’imprégnation catholique de la droite, protestante de la gauche modérée, qui alternent et altèrent les lois. Ce que Macron fera quelques subtils amendements le rendra contournable.

    Nos lois sont faîtes pour les rendre inopérantes, Churchill le disait déjà en 1939.

  2. jjbey 05/12/2020 / 18h35

    Une loi pour quoi faire ?
    Les outils juridiques existent pour sanctionner les individus voire les communautés qui ne respectent pas la Loi.
    La laïcité est un élément fondamental de notre république et la loi de 1905 est un outil suffisant.
    Nous n’avons pas le droit de choisir les prélats, c’est la communauté qui le fait en toute liberté mais si le prélat déraille les moyens juridiques existent pour le sanctionner.
    Les pouvoir publics ont interdiction de financer les cultes. Mais on ne se prive pas de subventionner leur nez rouge sous forme d’association loi 1901 dont le caractère cultuel est patent (hein Monsieur … maire de Nice) pour acheter la tranquillité. Une mosquée sur un terrain communal …
    Ces agissements doivent être sanctionnés car contraires au principe de laïcité tel qu’il est établi par la loi de 1905.

    L’hypocrisie est au pouvoir et on se voile la face ou on fait des lois rien que pour masquer le manque de courage nécessaire pour faire respecter et appliquer les textes qui suffisent à déminer les conflits à caractère religieux.

    • Libres jugements 06/12/2020 / 17h20

      Oui Salut Édouard …. et puis …???

      • Edouard Hessou 09/12/2020 / 20h47

        Et puis quoi monsieur

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