Télétravail, oui mais … et après le dé-confinement ?

Tous Hyperconnectés… à quoi

Un accord sur le télétravail a donc enfin été trouvé, selon lequel « il appartient à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur (1) ». Mais comme les camarades patrons jugent l’accord « ni normatif ni prescriptif », difficile de savoir ce que cela ouvre concrètement comme droits pour les salariés, à moins d’être juriste…

Le télétravail, cela peut signifier moins de transports, moins de sous-chefs chiants, de clients pénibles ou de collègues à la mauvaise haleine. Ou ça peut être l’isolement, la perte de la notion du temps – on est quel jour, déjà ? et l’épuisement à vouloir terminer son taf devant l’ordi alors que la nuit est tombée depuis longtemps.

Mais ce qui est sûr, c’est que ce qui rend le télétravail possible, c’est la technologie. Je vous propose l’expérience de pensée suivante : que se serait-il passé si le Covid et le confinement étaient intervenus en 1984? Internet n’existait pas. Les activités nécessaires auraient été maintenues. Mais les autres ? Nous aurions utilisé le téléphone, OK. Peut-être que des fax auraient été mis à disposition à La Poste. Mais ce qui est certain, c’est que tout un tas d’activités de « direction » auraient été sérieusement empêchées.

En clair : de nombreux cadres se seraient retrouvés à ne rien foutre – comme ce fut le cas durant le confinement,

mais les envois d’e-mails par paquets de douze et les « visios » à répétition permettent de se convaincre que l’on travaille. Sans Internet, l’inutilité de nombreuses personnes (qui se recrutent généralement parmi les ,salariés les mieux payés (pensons aux pubards, marketeurs et traders)) aurait éclaté au grand jour.

Là, c’est l’inverse. Internet et le télétravail maintiennent la fiction de la nécessité de ces emplois, et les développent même, puisque l’un des legs les plus évidents de l’épisode Covid est, d’ores et déjà, l’utilisation massive des «nouvelles technologies ». Il va être difficile de faire revenir au boulot celles et ceux qui ont goûté les joies du télétravail depuis leur résidence secondaire, sans parler des centaines de milliers de nouveaux clients d’Amazon qui ne sont pas près de retourner chez leurs petits commerçants une fois découverts les délices des boîtes en carton livrées directement sur le canapé.

Internet va donc structurer nos vies, plus que jamais. Il change TOUT. Pourtant, les usages des techniques ne sont enseignés ni au collège, ni au lycée, ni dans l’immense majorité des cours de fac, d’écoles de commerce ou d’ingénieurs. La voiture a complètement structuré l’espace ? Pas grave. Le charbon a détruit la planète ? On s’en fiche. Les « téléphones intelligents » et l’utilisation d’Internet remodèlent le fonctionnement de nos cerveaux(2) ? Aucun intérêt.

Notre imaginaire, notre santé, mentale et physique, le monde dans lequel nous vivons sont d’abord déterminés par les techniques que nous utilisons (on n’écrit pas la même chose à la plume ou à l’ordi). Mais comme elles sont au croisement des savoirs, notre génial système éducatif les ignore. Et, bien que quelques esprits libres – Marx, Illich, Gorz se soient penchés sur la question, loin de ne serait-ce que réfléchir à cette importante question, nous sommes priés de nous prosterner devant les « bienfaits » de la 5G. Et tant pis si elle nous rend toujours plus cons et dépendants des vrais patrons : ceux qui possèdent la technologie.


Jacques Littauer. Charlie hebdo. 02/12/2020


  1. « Accord sur le télétravail : les avancées concrètes pour les salariés », de Leïla de Comarmond (Les Échos, 26 novembre 2020).
  2. Voir le documentaire d’Acte Hyperconnectés : le cerveau en surcharge.

Une réflexion sur “Télétravail, oui mais … et après le dé-confinement ?

  1. jjbey 05/12/2020 / 9h43

    Le télé travail ne doit pas devenir le télé esclavage et son encadrement doit être très clair, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

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