Algues vertes … ou 50 ans de mensonges d’Etat.

Il est grand temps de parler d’Inès Léraud, que je connais assez pour dire qu’elle est formidable.

Elle est journaliste. Installée en Bretagne pendant des années, elle a publié une BD qui (a) fait fureur, Algues vertes. L’histoire interdite, parue aux éditions Delcourt. Avec le dessinateur Pierre Van Hove, qui donne au texte une force supplémentaire.

Bien entendu, c’est le récit de cinquante ans de mensonges d’État, dont tous les représentants ont nié l’évidence : l’élevage industriel et concentrationnaire est le responsable de ces amas d’algues côtières, qui, en se décomposant sur le rivage, polluent, menacent et tuent.

Inès est désormais tricarde en Bretagne, où l’agriculture intensive et l’industrie alimentaire liée font la loi. Mais elles ne sont pas seules.

Que feraient-elles sans le soutien des grands médias régionaux?

L’exemple du Télégramme illustre à la perfection la porosité extrême entre intérêts économiques, médiatiques, politiques.

Ce quotidien, basé à Morlaix, est une institution dirigée par Hubert Coudurier, et c’est justement de lui dont on va donner des nouvelles.

Un petit montage filmé, sur YouTube (1), permet de comprendre bien des choses qu’on ne lira jamais dans le journal.

Le 11 juin, Coudurier invite Thierry Burlot sur la chaîne du Télégramme, Tébéo. Qui est Burlot ? Le vice-président de la Région Bretagne, ancien socialo devenu proche de Le Drian, ministre de Macron. Il est en charge des questions d’environnement et préside même l’Office français de la biodiversité.

Que vont pouvoir se dire ces puissants ?

Coudurier attaque bille en tête : « Vous n’avez pas le sentiment que les questions d’environnement sont devenues taboues, qu’on ne peut plus rien dire ? » C’est un poil obscur, mais Coudurier précise en citant la BD d’Inès, présentée comme « très polémique », avec « des relents complotistes ». Et pour finir, se moque ouvertement de celle qui, selon lui, présenterait les « dîners celtiques » comme autant de rendez-vous de « groupes de pression », alors qu’il ne s’agirait que de « dîners amicaux ».

Avant de poursuivre, que sont donc ces repas d’amis, sur le modèle de ceux du Siècle, à Paris ?

Eh bien, les Bretons « qui comptent », en toute innocence bien sûr, se retrouvent depuis 2007 pour ripailler. Le premier dîner a eu lieu chez Vincent Bolloré, Breton sémillant qu’on ne présente plus. Et les autres (cinq fois par an) se déroulent souvent chez Fauchon, à Paris, haut lieu de la misère sociale.

Sont présents des patrons, des politiques (François de Rugy a son rond de serviette, Le Drian en est), des journalistes en vue, dont Coudurier, des « syndicalistes » de la FNSEA.

Que répond Burlot?

Au premier abord, ce garçon est désopilant. Moins, à la réflexion, car il affirme que les algues vertes sont, pour les écologistes, du « pain bénit ». Il ne faudrait pas pousser ce fantaisiste pour énoncer qu’ils en sont les vrais responsables. On verra comment le même se ridiculise en niant l’existence de pressions du lobby agro-industriel, puis se ravisant le lendemain, reconnaîtra qu’elles existent, mais qu’évidemment, en chevalier blanc de l’intérêt public, il n’y a pas cédé.

Difficile de comprendre, dans ces conditions, pourquoi le collectif de journalistes Kelaouin (kelaouin@protonmail.com) a réuni les signatures de 500 journalistes, dont plus de 200 en Bretagne, à l’appui d’un texte adressé à Loïg Chesnais-Girard, président de la Région.

On y lit: « La lettre que vous avez sous les yeux est l’expression spontanée et déterminée de journalistes qui s’organisent pour faire la lumière sur toutes les zones d’ombre qui entourent l’agro-industrie bretonne, et contourner les murs qui barrent l’information des citoyens. Cette initiative a reçu le soutien enthousiaste de confrères et consœurs, de Bretagne et d’ailleurs, qui y ont apposé leur signature. D’autres n’ont pu le faire, craignant pour leur emploi. Une autocensure qui témoigne d’une loi du silence que nous ne pouvons plus tolérer (2). »

Est-ce assez clair, confrère Coudurier?


Fabrice Nicolino. Charlie Hebdo. 25/11/2020


  1. youtube. com/watch?v=y6 R8OFQ4UI
  2. blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/250520/ lettre-la-presidence-de-la-region-bretagne-pour-le-respect-de-la-liberte-dinformer-sur

3 réflexions sur “Algues vertes … ou 50 ans de mensonges d’Etat.

  1. bernarddominik 27/11/2020 / 15h37

    Qui peut on croire? Du sésame bio originaire d’Inde, certifié AB, contient jusqu’à 300 fois le seuil maxi de pesticides. De la farine de sarasin bio bretonne contaminée par du Datura Qui croire? La pollution est partout et ceux qui sont sensés la supprimer ou du moins la surveiller laissent faire.

    • jjbey 27/11/2020 / 17h16

      Qui paie tous ces joyeux lurons qui certifient, approuvent, délivrent des attestations, labélisent? Et vous voudriez que la sincérité soit la règle? Doux rêveurs, nous n’avons pas changé de société et le règne du fric n’est pas aboli.

  2. clodoweg 27/11/2020 / 17h50

    Je me souviens, dans ma région d’un champ de sorgho entièrement envahi de datura.
    Je ne sais pas qui allait consommer la céréale ainsi produite mais c’est sûr qu’il allait voir des éléphants roses.

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