Moyen-Orient : Biden devra faire face au chaos

Derrière les pseudos succès dont le président américain, Donald Trump, peut se vanter au Moyen-Orient, on trouve une erratique diplomatie américaine, génératrice de multiples dangers, et qui n’a profité qu’aux autocrates de la région, estime Daraj.

Maintenant que Joseph Biden a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle américaine, nous devons nous demander ce que cela veut dire pour notre pauvre Moyen-Orient.

Quatre années de présidence trumpienne n’y ont pas arrangé les choses. Au contraire, Donald Trump y laisse un lourd héritage : il a redessiné la région pour le pire.

Il a donné carte blanche au Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, il a anéanti les chances de paix avec les Palestiniens, il a lâché la bride au président turc, Recep Tayyip Erdogan, dans ses ambitions impériales et il a protégé le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, pourtant accusé [d’avoir commandité l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi].

Face à l’Iran, s’il a fait preuve de fermeté – en sortant de l’accord nucléaire et en renforçant les sanctions contre Téhéran et ses forces satellites dans le monde arabe –, il l’a fait en accroissant la conflictualité dans la région et non pas en dans le souci d’établir un ordre équilibré.

Biden et le dossier israélo-arabe

Biden aura bien du mal à raccommoder ce paysage moyen-oriental affligeant. Il ne reviendra pas sur le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, mais essaiera peut-être, pour solde de tout compte, de faire oublier cette affaire par la réouverture du consulat américain à Jérusalem-Est. [Biden compte aussi reprendre le financement américain de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), que Trump avait interrompu.]

Puis il y a la normalisation des relations entre Israël et les pays du Golfe. Elle a été entamée sous les auspices de Jared Kushner, le gendre de Trump, qui est connu pour son inclination pro-Likoud [le parti de Benyamin Nétanyahou].

La question est de savoir comment la future administration Biden se positionnera par rapport à ce dossier. Le Parti démocrate est certainement favorable à cette politique de normalisation, mais d’un autre côté, Biden n’est pas un fervent adepte des régimes du Golfe.

Les visées expansionnistes d’Erdogan

Au sujet de la Turquie, Biden a déclaré ouvertement qu’il réajustera les relations avec Ankara afin de contenir les ambitions du président turc. Cela signifie un renversement complet pour la Turquie, aussi bien pour sa politique intérieure qu’extérieure.

En effet, elle verra son influence contestée sur tous les théâtres où Erdogan a décidé d’intervenir, de la Syrie à la Libye, en passant par la mer Égée face à la Grèce et par le conflit arméno-azerbaïdjanais.

Là encore, Biden hérite de la diplomatie erratique de Trump, qui a encouragé les visées expansionnistes d’Erdogan. Il lui a par exemple permis d’établir une base militaire au Qatar pour y défier l’Arabie Saoudite, alors même que Trump est solidement pro-saoudien.

L’espoir d’un État palestinien anéanti

Autre exemple des incohérences trumpiennes : d’un côté, il a durci sa politique face à l’Iran, au point de faire tuer le chef de la force Al-Qods, l’unité d’élite des Gardiens de la révolution, le puissant général Qassem Souleymani, par une intervention spectaculaire à Bagdad. Mais d’un autre côté, il n’a pas poussé plus loin l’affrontement et semble vouloir s’en tenir à un renforcement des sanctions.

Trump laisse derrière lui un énorme chaos, générateur de multiples dangers, mais qui a profité à tous les dictateurs de la région.

S’il a poussé les pays du Golfe à normaliser leurs relations avec Israël, cela a surtout servi à rehausser l’image du Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, et à anéantir tout espoir d’un État palestinien. Qui plus est, cela s’est fait sans contrepartie pour les pays du Golfe, dont le seul objectif a été de se mettre bien avec Trump pour le cas où il y aurait un affrontement avec l’Iran.

Pour eux, cette normalisation a donc été le prix à payer pour s’assurer la protection des Américains. Les choses se présenteront différemment sous Biden, qui est certes un fervent adepte de la normalisation [entre Israël et les pays arabes], mais qui ne fera pas preuve du même allant pour apporter une protection [aux monarchies du Golfe].


Courrier international. 23/11/2020. Source

2 réflexions sur “Moyen-Orient : Biden devra faire face au chaos

  1. bernarddominik 25/11/2020 / 9h40

    Si tous les 4 ans les USA inversent leur politique la signature américaine n’aura plus aucune valeur. Déjà le « make america great again », s’est traduit par un recul de l’influence américaine qui s’est discréditée dans tous les grands pays, UE Chine Russie. Trump a plus affaibli ses alliés que ses adversaires. Mais la faiblesse de l’UE c’est l’Allemagne qui est accrochée à son secteur automobile, et de crainte de lui voir fermer des marchés à laisser détruire les secteurs de la métallurgie et des énergies renouvelables (excellente enquête de Arte mardi 24). Il nous faudrait autre choses que les couilles molles Chirac Sarkozy Hollande ou Macron pour faire face à une Merkel toute-puissante et incorruptible. Biden aura fort à faire pour restaurer la crédibilité américaine, et user d’une fermeté intelligente, et non pas de façade comme Trump, face à une Chine qui s’est donné les moyens de dominer le monde, et qui a déjà plus de moyens de pression sur l’UE que les USA.

    • Libres jugements 25/11/2020 / 10h43

      Bonjour Bernard tu as parfaitement raison … il reste pas moins vrai que de rester avec un dangereux personnage comme Trump ou d’envisager son retour dans quatre ans ne résoudra pas les problèmes internes sociétales des États-Unis comme leur influence décroissante sur le monde « des états » comme de la finance Internationale.
      L’hégémonie de ce type de civilisation Rejoignez un jour ou l’autre le processus historique du déclin au profit d’une autre entité et ne nous y trompons pas, demain ça sera la Chine.
      En toute amitié
      Michel

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