Les aléas de la fibre numérique.

Maire de Châteauneuf (1.500 habitants, dans la Loire), Bernard Laget peut se vanter d’avoir eu le nez creux. En 2018, bien avant la pandémie, il a poussé les communes à se regrouper pour lancer le programme THD42, consistant à installer la fibre optique sur tout le département. A l’entendre, une véritable épopée !

Orange avait accepté de « fibrer » Saint-Etienne et les 43 cités voisines, ainsi que Roanne et cinq communes limitrophes, mais pas les 275 autres municipalités : trop cher. En milieu urbain, en effet, le coût du raccordement de l’abonné au réseau de fibre varie entre 150 et 540 euros ; en zone rurale, il peut dépasser les 2.700 euros. De quoi péter un câble…

« C’était un pari, sourit Laget. Les opérateurs auraient bien aimé qu’on se casse la figure. Maintenant, nous sommes propriétaires de notre réseau. Avec un taux d’abonnement de 60 %, nous allons disposer d’un bon retour sur investissement. » Grâce aux subsides des collectivités et de l’Etat, le Syndicat intercommunal d’énergies de la Loire (Siel) s’est chargé lui-même de tirer 10.000 km de câbles afin de raccorder 182.000 habitations et locaux, faisant de la Loire un département 100 % branché.

Complètement à câbler

Dans un rapport d’étape publié en août à la demande du gouvernement, France Stratégie note que, pour équiper le pays, l’Etat a mis 3,3 milliards sur la table, les collectivités 3,1 milliards et les opérateurs privés 7 milliards d’euros, soit un tiers du coût total estimé du plan France Très Haut Débit.

Les géants des télécoms (Orange et SFR, essentiellement) ont raccordé directement les 3.600 communes les plus peuplées (57 % de la population) et co-investi avec des opérateurs de réseaux moins connus (Axione, Covage…) dans des zones de moyenne densité.

Plus performante que l’ADSL, l’offre fibre est commercialisée 5 euros de plus. Dans les grandes agglomérations, surtout en période de confinement, c’est un produit d’appel : 360.000 nouveaux abonnés Orange au dernier trimestre !

Pas très raccord

Mais les gros malins des télécoms ont trouvé un autre gisement de profits, beaucoup plus discret.

Début octobre, Orange a déclenché la cession partielle de son réseau rural de fibre optique : 4 millions de lignes, alors que les trois quarts n’étaient pas encore raccordées (« Les Echos », 10/10) ! En ouvrant la moitié du capital d’Orange Concessions, sa maison mère espère gagner pas loin de 1 milliard d’euros.

En novembre 2018, Patrick Drahi avait ouvert la voie, en touchant 1,8 milliard d’euros cash pour 49,99 % de SFR FFTH, avec, à la clé, 2,5 millions de lignes fibre… et autant à installer.

Des opérations très financières qui laissent sans voix cet expert des télécoms : « Les opérateurs se font rémunérer par avance pour des promesses de prises qu’ils n’ont pas encore construites. C’est fort ! »


Article signé des initiales O. B.-K. Le Canard enchaîné. 18/11/2020


Une réflexion sur “Les aléas de la fibre numérique.

  1. jjbey 22/11/2020 / 18:30

    Faire du fric ça peut être simple comme un coup de fil…………

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