Saloperie de plastique

Masques chirurgicaux, flacons de gel… Plus que jamais, le plastique est partout. Et même en nous. Un poison quotidien qui menace la planète et notre santé. Or, le recyclage des matériaux de synthèse reste très limité. Que faire ? Sortir de la surconsommation !

Le masque chirurgical sera-t-il le sac plastique des années 2020, nouvel emblème du tout-jetable ?

Cet été, une enquête de la Fondation Vinci Autoroutes constatait déjà que des masques à usage unique étaient abandonnés au bord des routes (5 % des Français interrogés, soit plus de deux millions de personnes, admettant avoir jeté ou perdu un masque sur la voie publique).

Cet automne, l’association Surfrider fait le même constat sur les plages : plus les semaines passent, plus ces outils anti-Covid se répandent, aux côtés des 8 millions de tonnes de rebuts plastiques jetés chaque année dans les mers…

Les masques chirurgicaux, qui trompent bien leur monde tant ils ressemblent à du papier, sont en polypropylène, un thermoplastique répandu servant à fabriquer bouchons de bouteille ou pare-chocs de voiture. Mais il y a aussi les flacons de gel hydroalcoolique, les lingettes désinfectantes en fibre synthétique, les bouteilles en plastique, de retour dans les cantines : encore du plastique à usage unique.

« Sans oublier la surplastification des produits alimentaires, ajoute Antidia Citores, responsable du lobbying chez Surfrider Europe. Au nom de leurs prétendues vertus hygiéniques, les barquettes en polystyrène et les films plastique sont revenus en force dans les commerces et accompagnent le boom de la vente à emporter de 2020. » 

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Les masques, autour de 400 tonnes de rebuts par jour (1).

Depuis le début de 2020, les ventes de Plexiglas (qui ceinture les caisses de nos magasins) et d’équipements de protection jetables (masques, gants, combinaisons) ont explosé.

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« Il n’existe pas de filière de recyclage spécifique pour le masque chirurgical, résume Flore Berlingen, ancienne directrice de Zero Waste France et autrice d’un essai sur les mirages du recyclage.

D’ailleurs même quand le procédé existe, cela ne suffit pas ; il doit aussi être déployable à échelle industrielle, ce qui n’est pas toujours le cas, quand la rentabilité n’est pas au rendez-vous. Et puis il faut que toute la filière de points de collecte puis d’acheminement soit en place. Cela prend des années. »

Conclusion : même si quelques start-up ont engagé une sincère course à l’innovation, et qu’en Île-de-France, par exemple, la Région s’apprête à lancer un appel à projets pour une solution technologique d’ici à l’été 2021, le masque ne sera pas recyclé à courte échéance.

Pour les seuls emballages plastiques, plus de 1 million de tonnes sont mises chaque année sur le marché en France, dont la moitié ne disposent d’aucune possibilité de recyclage. Car il existe des centaines de familles de plastiques, chargées d’additifs et autres composés chimiques, qui absorbent des substances, y compris toxiques, au cours de leur utilisation, et que l’on ne sait pas traiter.

« Les additifs sont l’un des nombreux obstacles au recyclage, puisqu’il est impossible de les séparer de la matière où ils ont été insérés », rappelle Nathalie Gontard, qui vient de consacrer un essai décapant à la folie plastique.

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En 2020, nous ne savons transformer que les bouteilles en résine transparente de polyéthylène (PET) et encore : s’il doit à nouveau contenir de la nourriture, ce matériau ne pourra être recyclé qu’une fois avant de rejoindre au terme de son cycle de vie, les matières organiques pour se décomposer tranquillement. […]. Itou pour le papier, qui lui peut être traité jusqu’à cinq fois.

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« C’est la grande différence avec le plastique qui, lui, ne se dégradera pas et que l’on ne sait plus que faire… » Le recyclage du plastique reste donc, pour l’instant, un mythe. « De 1 à 7 % du polyéthylène trié en Europe (le moins pire des plastiques, puisqu’on sait le traiter) finissent dans les océans, ce qui est énorme !, souligne Flore Berlingen.

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Loin d’être une question technique, le devenir du plastique est profondément politique et culturel, et nous renvoie implacablement à nos modes de vie, de production comme à nos croyances et nos tabous.

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Quels effets sur la santé ?

« Le lien entre plastique et santé humaine est encore largement sous-étudié et donc sous-estimé, même si on sait aujourd’hui que, une fois décomposés en micro- puis nanoparticules, les plastiques se répandent dans toutes les chaînes alimentaires, et peuvent franchir nos barrières tissulaires pour s’y accumuler et potentiellement contaminer nos organes, rappelle le biologiste Jean-Baptiste Fini, spécialiste des perturbateurs endocriniens au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN-CNRS). Aujourd’hui, notre exposition aux micro–plastiques est généralisée : on en trouve et on en ingère partout, dans le sucre, le sel, l’eau en bouteille ou du robinet… » Voire par les tubulures, ces poches de perfusion utilisées dans les hôpitaux et constituées de PVC (un plastique contenant des phtalates, perturbateur endocrinien bien identifié), mais qui sauvent, chaque jour, des vies.

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Pandémie ou non, il faudra donc commencer par affûter nos connaissances, car « tant qu’on n’aura pas saisi que le plastique n’est pas une solution mais un problème, insiste Jérôme Santolini, on ne pourra adopter ni les bons comportements individuels ni les bonnes politiques publiques ».

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Weronika Zarachowicz. Télérama. Titre original : « Le plastique aura-t-il notre peau ? Pourquoi le recyclage est un mythe ». Source (Extrait)


(1) Calcul basé sur une consommation de deux masques jetables par Français et par jour.

11 réflexions sur “Saloperie de plastique

  1. Pat 11/11/2020 / 17h15

    Pourtant, Y z’avaient dit que dans l’urgence, il n’y avait pas de plastique qui tienne ?

  2. bernarddominik 11/11/2020 / 17h29

    Toute mise sur le marché d’un produit devrait obligatoirement s’accompagner de la filière de recyclage. Avec interdiction de vente si aucune filière n’existe. D’autre part tout emballage tout produit de synthèse devrait avoir un code clair indiquant le dépôt pour le tri, par exemple une lettre, lettre figurant sur le container de recyclage. Mais simple n’est pas français, on est un pays d’exceptions, de règles permettant de ne pas respecter les règles, d’exemptions permettant de ne pas être soumis aux règles communes.

  3. tatchou92 11/11/2020 / 18h39

    Voilà effectivement le problème de recyclage à régler…
    On nous dit maintenant que les masques chirurgicaux peuvent être lavés une dizaine de fois à plus de 60°.
    Pourquoi ne pas l’avoir signalé plus tôt ? Il y en aurait peut être moins à terre, partout, y compris dans les allées de cimetière… Il ne faut pas les porter plus de 4 heures consécutives…
    Alors celles et ceux qui quittent leur domicile vers 7 heures pour aller au boulot, à l’école, qui prennent les transports en commun, qui déjeunent au resto d’entreprise ou de l’établissement scolaire ou universitaire, qui regagnent leur domicile vers 19 ou 20 heures, c’est un minimum de 3 voire 4 par jour…
    Certes, leur prix a baissé, il y a aussi les masques tissus, mais c’est aussi un investissement… J’ai fait le calcul pur mes enfants : minimum de 15 masques par jour, boites de 50, soit 6 à 7 boites par mois, à raison de 15€ la boite aujourd’hui, 45 au début.. soit une dépense de 100€. Bien évidemment, les masques en tissu, doivent aussi être changés dans la journée, au même rythme, donc il en faut une provision d’au moins 20 par personne, si on respecte les règles sanitaires, et celles du lavage en machine. Je doute fort que cela soit respecté, vu les incivilités par ailleurs.
    Il conviendrait donc, comme le réclament certains, que ces masques soient gratuits, mais aussi que des campagnes citoyennes de ramassages soient menées ici et là. Enfin dernier point que j’oubliais, des gratuités avaient été provisoirement accordées sur prescription médicale, avec délivrance de 10 masques par semaine, c’est terminé, sauf pour les personnes « bénéficiaires » d’un 100 % sécu…
    Bonne santé à toutes et tous.

    • Libres jugements 12/11/2020 / 10h24

      Bonjour et grand merci Danielle pour ton long et argumenté commentaire.
      En te souhaitant avec la meilleure santé possible une bonne journée.
      Très amicalement
      Les Michel’s

    • Il n’est absolument pas conseillé de laver des masques jetables, ils ne sont pas conçus pour résister aux lavages et libéreront leurs microfibres à chaque lavage.
      Déjà après qq heures d’utilisation sans lavage, ils commencent à se désagréger.
      Pour être lavés, préférez des masques « lavables ».
      Ne prenez pas à la lettre tout ce qui est publié, restez critiques!
      Kill the plastic sur Twitter

      • Libres jugements 13/11/2020 / 14h05

        Bonjour et merci pour ce commentaire précisant ce qu’il semble être d’une logique implacable

    • Libres jugements 12/11/2020 / 10h04

      Vous avez encore une fois raison Françoise un constat désagréable.
      Pour ma part (et naïvement sans doute), je pensais que les masques étaient réalisés à partir de cellulose, aussi jusqu’à prendre connaissance à travers cet article de la composition réelle de ces masques, je n’avais pas intégré le problème du recyclage obligatoire.
      Je ne sais pas si dans la population nous étions plusieurs à méconnaître le problème que pose la destruction des masques, toujours est-il que cette information n’est jamais diffusée dans les médias; ou si elle le fut, elle était par trop discrète pour intéresser l’ensemble de la population à ce problème… comme tout le reste.
      Très cordialement
      Michel

      • fanfan la rêveuse 13/11/2020 / 7h55

        Quelques mois après la pandémie nous nous posions déjà la question avec mon mari.
        Voila que maintenant nous pouvons laver 20 fois les masques jetables, sommes nous manipulés aussi pour ce sujet ? !
        Pauvre France !

  4. jjbey 12/11/2020 / 10h39

    Bas les masques, ce qui compte ce n’est pas la santé mais son coût et la fabrication des masques est soumise aux mêmes règles économiques.

  5. du bitume à la terre 14/01/2021 / 14h15

    Ce plastique qui est sensé nous protéger finira par nous tuer.

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