Hôpital de stock ou hôpital de flux ?

Avec les ajouts de lois et décrets sur la santé depuis des décennies par les différents gouvernements, les hôpitaux, vont droits vers la privatisation-marchandisation de la santé  provoquant de fait des causes excluantes pour les plus démunis. MC

« Afin de comptabiliser le nombre exact des éloges qui nous sont envoyés chaque année, pourriez-vous me communiquer chaque lettre de remerciements que vous recevez ? »

La requête n’émane pas du patron d’une boutique de téléphones, mais d’une cadre des Hôpitaux de Paris – Assistance publique (AP-HP) chargée des relations avec les usagers…

Une conception de l’hôpital-entreprise portée à son paroxysme.

Le neurochirurgien Stéphane Velut raconte avec talent ces séminaires (obligatoires) sur la gestion, où de brillants experts de cabinets privés appointés à prix d’or n’hésitaient pas à expliquer qu’il « fallait désormais transformer l’hôpital de stock en hôpital de flux (ou)  » — traduction : « rentabilisation » il faut plus de malades pendant moins longtemps.

Pas étonnant que les soignants soient vent debout.

Certains ont rédigé un manifeste (2), traçant des pistes pour un « nouveau service public de santé » autour de cinq axes :

  1. service public de l’assurance-maladie ;
  2. des soins et de la prévention ;
  3. la sécurité sanitaire et de la santé publique avec la création d’un établissement public du médicament ;
  4. l’enseignement et de la formation continue ;
  5. la recherche en santé ».

[…] … les personnels paramédicaux et non médicaux toucheront au mieux 183 euros net de plus par mois — la France est au vingt-troisième rang des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour le salaire des infirmiers (en parité de pouvoir d’achat).

En parallèle, le gouvernement continue à pousser à la suppression de lits (250 à Caen, 600 à Bichât et Beaujon à Paris…).

Pour comprendre la nécessité de rompre avec ces choix et surtout de (re)bâtir un système de santé cohérent qui garantisse l’accès aux soins, l’ouvrage collectif dirigé par le diabétologue André Grimaldi et le sociologue Frédéric Pierru (3) tombe à pic.

De la médecine de ville à l’hôpital, de la prévention à la chirurgie de pointe, des urgences à la prise en charge des maladies chroniques, les auteurs tirent les leçons de l’expérience et innovent.

On découvre les pratiques développées dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les débats qu’elles suscitent, l’apport des « infirmières Asalée » (Action de santé libérale en équipe), le rôle des associations de patients, les problèmes de la fin de vie… Aucun sujet n’est écarté, y compris le mode de rémunération des médecins libéraux, et le « prix de la santé ». C’est sans doute l’un des ouvrages les plus stimulants pour la réflexion et l’action.

Il y manque cependant un volet : celui de l’industrie des équipements médicaux, rarement abordé par les spécialistes. L’économiste Jean-Pierre Escaffre, le syndicaliste de la Confédération générale du travail (CGT) Jean-Luc Malétras et l’ancien directeur d’hôpitaux publics Jean-Michel Toulouse comblent ce vide avec Des soins sans industrie (4).

La pandémie a mis en évidence les conséquences de l’absence de production nationale de médicaments, de masques, de respirateurs, etc. Le constat des auteurs est sans appel : dans le domaine des « dispositifs médicaux » (imagerie, implants, machines et produits pour tests, logiciels…), la France dépend pour l’essentiel des États-Unis, de l’Allemagne et dans une moindre mesure du Japon.

Au-delà de l’aspect économique et des risques de pénurie, les équipements contribuent à modeler les pratiques. […]


Martine Bulard. Le monde Diplomatique. Titre original : « ordonnances pour l’hôpital ». Source (Extrait)


  1. Stéphane Velut, L’Hôpital, une nouvelle industrie, Gallimard, coll. « Tracts », Paris, 2020.
  2. André Grimaldi avec Olivier Milleron, François Bourdillon et le Collectif inter-hôpitaux, « Santé : le programme des “jours heureux” », sur le site des éditions Odile Jacob, 4 juin 2020.
  3. André Grimaldi et Frédéric Pierru (sous la dir. de), Santé : Urgence, Odile Jacob, Paris, 2020, 290 pages, 23,90 euros.
  4. Jean-Pierre Escaffre, Jean-Luc Malétras et Jean-Michel Toulouse, Des soins sans industrie, publié à compte d’auteurs, 112 pages, 15 euros, à commander sur le site dessoinssansindustrie.fr

2 réflexions sur “Hôpital de stock ou hôpital de flux ?

  1. tatchou92 25/10/2020 / 16h09

    NON, la Santé n’est pas, ne doit pas, ne devrait pas être une marchandise… au Secours, Pasteur, ils sont devenus fous !!

  2. jjbey 25/10/2020 / 17h28

    Le DROIT à la santé ne peut dépendre des pratiques mercantiles……………..

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