Outre son manque de pluralité, le dernier rapport d’évaluation du CICE confirme l’aspect médiocre en termes de résultats de cette mesure.
Cet échec plaide pour un changement total de politiques de l’emploi.
Depuis son lancement en 2013, l’efficacité du Crédit d’impôts compétitivité emploi (CICE) fait débat.
Lancé [sous la présidence d’]Hollande, […] il a été pérennisé en 2019 par Emmanuel Macron lors de sa transformation en exonération de cotisations.
[…] Or, [les] effets [du CICE] sont très limités compte tenu des moyens engagés par l’État, 88,90 milliards d’euros entre 2013 et 2017 […]
[…] les évaluations restent non seulement incertaines et soumisnñññes au plus fort doute, mais surtout, elles ne parviennent pas à dégager un effet positif clair sur l’emploi, l’investissement et la compétitivité. […] L’évaluation repose sur deux piliers.
- Le premier est microéconomique et cherche à identifier comment les entreprises réagissent directement au CICE.
L’étude utilisée par France Stratégie a été réalisée par l’équipe dite de « Théorie et évaluation des politiques publiques (TEPP) » du CNRS. Elle confirme son analyse précédente : environ 100.000 emplois créés entre 2013 et 2016 pour 66,75 milliards d’euros d’argent public distribué. Le gain est minime et le coût astronomique : 166.875 euros par emploi et par an.
[Un autre laboratoire (LIEPP de Sciences-Po) a été chargé un temps au nom du pluralisme d’etude], mais n’apparaît plus dans l’évaluation. Il est vrai que ses analyses étaient beaucoup moins favorables au CICE puisqu’en 2018, il indiquait ne pas être en mesure d’identifier un effet positif de cette mesure.
[D’ailleurs] lors du précédent rapport, France Stratégie avait déjà tenté de réduire la valeur de cette analyse par rapport à celle du TEPP […].
[…] On ne peut que s’étonner de la disparition, dans une évaluation publique, du pluralisme.
- La deuxième méthode est macroéconomique. Elle a été réalisée par l’OFCE grâce à un modèle mathématique permettant de mesurer l’impact global sur l’économie. Les différents choix des entreprises bénéficiaires sur les salaires, l’emploi, les prix ou l’investissement ont en effet des impacts sur d’autres entreprises.
Par ailleurs, le financement de cette mesure par l’État a aussi un impact macroéconomique. L’idée est de tout reprendre en utilisant une méthode contrefactuelle, autrement dit en comparant une réalité reconstituée sans CICE à une réalité avec CICE.
Évidemment, une telle méthode doit être prise avec beaucoup de prudence, même si le modèle de l’OFCE se veut précis et moins biaisé que les modèles habituels de macroéconomie. Celui-ci repose néanmoins sur l’idée d’une possible reconstitution contrefactuelle d’une période à partir de données passées, ce qui est assez hasardeux.
Par ailleurs, il repose aussi sur des choix d’hypothèses forcément contestables. France Stratégie reconnaît, au reste, ses « limites ». Ces dernières ne discréditent pas les résultats de l’évaluation, mais on aurait aimé, comme dans le domaine microéconomique, d’autres évaluations concurrentes fondées sur des hypothèses différentes.
Le résultat présenté par l’OFCE est très optimiste. L’institut évoque 400.000 emplois créés par le CICE au niveau macroéconomique entre 2013 et 2017, sans prendre en compte les effets de son financement. Cela peut sembler beaucoup, mais il faut rappeler que sur ces cinq années ont été engagés 88,90 milliards d’euros. Cela revient donc à afficher une moyenne de création d’emplois de 80.000 emplois par an, soit un coût par emploi et par an de 44.500 € environ. Cela représenterait un coût de 3 700 € par mois, ce sont donc des emplois encore assez coûteux.
Les conclusions de l’OFCE confirment que le CICE est une méthode assez médiocre pour créer des emplois. 160 000 emplois face à une masse de 3 à 6 millions de demandeurs d’emplois, on est loin d’une solution concrète au chômage. On l’est d’autant plus que seules un quart des entreprisesp bénéficiaires ont créé des emplois (on ne sait pas ce qu’il est advenu de l’argent versé aux trois quarts restants) et que le seul effet identifiable concerne le secteur des services, autrement dit celui qui est le moins soumis à la concurrence internationale.
[…]
Et c’est bien là, la vraie question que soulèvent le CICE et ses évaluations. […]
Les près de 89 milliards d’€ versés aux entreprises ont été payés par d’autres, principalement les ménages et les services publics. C’est donc là un transfert gigantesque de moyens depuis le secteur public vers le secteur privé. Or, compte tenu de l’incapacité de ce dernier à investir pour obtenir des gains de productivité permettant à l’État de « rentrer dans ses frais », la croissance économique induite par le CICE est trop faible pour aider à financer les services publics, voire à les financer davantage. C’était pourtant cela le pari du CICE, qui est aussi celui du néolibéralisme et qui est aussi une forme de « ruissellement » : l’argent transféré aux entreprises par les fenêtres devait rentrer par les caves. Cela n’a pas été le cas. Dès lors, c’est une perte sèche pour le bien commun. Comme toujours, qu’elle passe par les entreprises ou les individus, la « théorie du ruissellement » ne se vérifie pas.
[…]
Romaric Godin. Médiapart. Titre original : « L’échec du CICE confirmé ». Source (Extrait)
Juste un petit rappel au passage. Depuis la mise en application de ce CICE, de nombreux syndicats dont la CGT en particulier (mais pas que), ont dénoncé avec vigueur l’inutilité du champ d’application de ce CICE qui ne résolvait absolument pas le problème du chômage en France mais qui, par compte permettait à certaines entreprises de se faire de la trésorerie. MC
Du pognon de jeté en l’air qui a bien dû retomber dans les poches de quelques uns. Des noms…………….
Le CICE est typique des mesures prises par des énarques qui ignorent totalement le fonctionnement des entreprises. Les patrons ne sont pas idiots, l’état leur donne de l’argent sans contre partie, ils prennent. Mais pour embaucher ou investir il faut qu’il y ait un marché, or les mécanismes de financement des charges sociales ne reposent que sur les revenus nationaux, favorisant ainsi les importations. En Allemagne une partie de la TVA finance les charges. De plus l’état français coûte trop cher, il n’est pas concurrentiel.