Est pire aveugle, celui qui ne veut voir.

Un peu plus de 444 millions d’euros !

Depuis 2009, c’est la quatrième, plus grosse prune infligée par l’Autorité de la concurrence.

Au terme de huit années d’instruction, elle a matraqué trois laboratoires pour abus de position dominante collective. Entre 2008 et 2013, Novartis, Roche et Genentech se sont démenés pour maintenir sur le marché Lucentis, un médicament traitant la dégénérescence maculaire liée à l’âge (la principale cause de malvoyante chez les plus de 50 ans).

Le hic ? L’Avastin, un traitement utilisé contre le cancer, s’avérait aussi efficace et… trente fois moins cher.

Commercialisé par le suisse Novartis et développé par l’américain Genentech (filiale de Roche), Lucentis est en effet facturé 1.161 euros la piqûre, là où une injection d’Avastin coûte entre 30 et 40 euros !

Novartis a dépêché sur le terrain 6 « visiteurs médicaux rétine » et 17 « visiteurs médicaux ophtalmologie », effectuant en moyenne 6,6 visites par jour.

Bilan ? « Situation résolue aux Quinze-Vingts, à la Fondation Rothschild, à Grenoble, à Lille, à Toulon. Situation toujours bloquée à Dijon, Nantes, Cannes, Limoges, à l’Hôtel-Dieu… le plus souvent pour des raisons financières (ces centres gagnent plus en utilisant l’Avastin plutôt que Lucentis) », indique froidement le « Suivi business rétine », un document d’avril 2008 saisi par les enquêteurs.

Prof à neutraliser

Le labo est allé jusqu’à cibler directement le professeur Laurent Kodjikian, chargé de comparer les deux traitements aux Hospices civils de Lyon.

« Un levier essentiel : maintenir LK occupé », recommande un avis de septembre 2010. Il s’agissait de favoriser son implication dans d’autres projets en Rhône-Alpes !

Les lobbyistes ont également, et contre toute logique, tenté de présenter l’Avastin comme un nouveau Mediator — ce médoc dont la prescription, pour un autre usage que prévu, avait provoqué des centaines de décès.

Novartis le martelait : « Les médecins qui utilisent l’Avastin en dehors de son indication le font à titre expérimental et engagent leur responsabilité civile en cas de complication. »

L’argument qui tue…


Article signé des initiales O. B.-K. – Le Canard enchaîné. 16/09/2020