Internet et ses perturbations 1

Le confinement l’a aggravée et l’informatisation des services publics à marche forcée a fait ressortir les inégalités qu’elle produit : la fracture numérique d’aujourd’hui coïncide furieusement avec la fracture sociale popularisée naguère par Jacques Chirac.


1 – Ceux qui n’ont pas le réseau

Monsieur X réside dans une « zone blanche ». Tant pis pour lui ! N’ayant pas reçu à temps les mails de convocation de son conseiller Pôle emploi, il a été radié. Le débit de sa liaison Internet n’atteignait pas les 3 mégabits par seconde nécessaires au chargement des pièces requises pour les démarches. Le 17 juillet 2017, Emmanuel Macron avait pourtant promis la généralisation d’une couverture mobile dès 2020 et un accès Internet supérieur à 8 mégabits par seconde pour tous.

En janvier 2018, les opérateurs ont même signé un contrat avec l’Etat : en échange d’une grosse ristourne sur le prix des licences, ils devaient mettre les bouchées doubles pour hérisser l’Hexagone de piliers 4G. Mais les téléphonistes ne jouent pas réellement le jeu.

Dans sa dernière étude, l’UFC-Que choisir estime que 12,8 millions de personnes ne disposent pas d’un Internet de qualité. Fin juin, Orange, SFR, Bouygues Télécom et Free n’avaient pas rempli leurs obligations. Il manquait toujours 147 pylônes 4G sur les 485 promis.

Encore un coup du coronavirus !

« Nous n’acceptons pas n’importe quel motif de retard au prétexte de la crise », s’insurge Sébastien Soriano, le patron de l’Arcep, l’autorité de régulation des télécoms.

A deux doigts d’écoper d’une mise en demeure, les quatre opérateurs pleurnicheurs ont arraché un délai de grâce jusqu’au 9 octobre. Pas trop impitoyable, le gendarme des ondes…

Des trous dans la Toile

Mais brancher des antennes ne résout pas tout. Comme l’indiquait le défenseur des droits dans son rapport 2019, un tiers des habitants des communes de moins de 1.000 habitants n’ont pas accès à un Internet de qualité. Et ce sont les mêmes qui ne disposent pas d’une bonne couverture mobile. Ennuyeux car, selon l’édition 2019 du Baromètre du numérique, la majorité de la population utilise un smartphone pour naviguer sur la Toile ! Qui se révèle pleine de trous.

Selon les dernières mesures réalisées par l’Arcep et publiées sur son site, la navigation sur mobile reste poussive, surtout en zone rurale : 85 % des abonnés Bouygues parviennent à ouvrir leurs pages, 82 % pour Orange, 81 % pour SFR et 63 % pour Free.

Sur l’Internet fixe, les ruraux ne sont guère mieux lotis. La très performante fibre optique se déploie en priorité dans les zones denses, donc rentables. A ce jour, seul un quart des foyers en bénéficient. Les autres devront encore patienter jusqu’à 2022.

Si tout va bien…


Article signé des initiales : O. B.–K. et J.–F. J. Le Canard enchaîné. 05/08/2020


2 réflexions sur “Internet et ses perturbations 1

  1. bernarddominik 25/08/2020 / 21h03

    La privatisation des télécoms a été mal faite. Les infrastructures de distribution auraient dû être etatisées comme pour l’électricité avec enedis. Du coup multiplication des antennes , oubli des zones peu peuplées, anarchie en cas de panne, mauvais entretien du réseau filaire, multiplication des fibres en ville, et abandon des campagnes. Un gâchis tant financier que technique, et l’inégalité devenue la règle, alors que l’état ferme les yeux et considère que tout le monde est équipé et câblé. Le conseil constitutionnel a encore oublié la constitution.

    • jjbey 26/08/2020 / 23h41

      Privatisation veut dire transfert d’une activité à caractère public vers une société de droit privé. Le Public exerce une mission en l’espèce faire que TOUS les citoyens soient traité à égalité et reçoivent où qu’ils se trouvent les ondes qui leur permettent de communiquer. L’investissement privé c’est de l’argent utilisé pour faire plus d’argent donc nécessité d’abandonner les tâches qui coûtent ou qui ne rapportent pas assez d’argent car les actionnaires attendent autre chose que la satisfaction d’avoir rendu service à la population. Toute privatisation, de quelque nature qu’elle ait été a toujours vu le service se dégrader pour l’usager. Il n’y a pas d’exemple contraire.

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