Tourisme spatial

Pour le vacancier lassé de s’enduire d’une double couche de crème solaire et de gel hydroalcoolique à 1 m de distance de ses compatriotes, une zone libre ne craint pas le Covid : l’espace.

Un club très fermé de milliardaires se démène pour réaliser le plus grand de nos fantasmes : quitter cette foutue planète. Le patron d’Amazon, Jeff Bezos, ne compte pas s’arrêter à l’expédition de couches-culottes aux quatre coins du globe.

La plus grosse fortune du monde sort 1 milliard de dollars par an d’argent de poche pour développer sa fusée, New Shepard, haute comme un immeuble de six étages, à bord de laquelle des touristes s’envoleront dès l’année prochaine pour un voyage à 200.000 dollars d’une dizaine de minutes, dont trois seulement se passeront juste au-dessus de la frontière de l’espace, fixée à 100 km d’altitude.

Naturellement, le gourou du spatial Elon Musk envisage les choses en encore plus grand. Pour quelques dizaines de millions de dollars (la pudeur l’empêche de communiquer un montant exact), des vacanciers glissés dans des combinaisons modernes ultra-moulantes embarqueront à bord de la capsule Crew Dragon pour un séjour d’une dizaine de jours dans la Station spatiale, internationale (TSS), transformée au milieu de la décennie en hôtel encore plus crado qu’un camping bas de gamme. Tournoyant à 400 km d’altitude, l’ISS ne dispose pas de douche, mais de lingettes imbibées de savon et de shampooing sans rinçage. Les repas se feront à base de plats lyophilisés et de conserves, évacués après digestion dans des cuvettes auxquelles les amateurs de sensation forte devront littéralement s’attacher, et équipées d’un système de succion assurant une parfaite étanchéité. Aucun risque de viser à côté.

À encore plus long terme, SpaceX prévoit d’envoyer des touristes autour de la Lune. Pour ça, elle a déjà attrapé un gros poisson : le milliardaire japonais Yusaku Maezawa, qui sera accompagné de l’être aimé préalablement sélectionné lors d’un concours de télé-réalité. Pendant une bonne semaine, le jeune couple se remémorera les sensations du confinement, coincé dans une boîte à sardines à s’abrutir devant les chaînes d’info en continu sur de beaux écrans tactiles.

Pour un voyage vers Mars, de deux ans environ, le port du masque restera obligatoire. Non seulement on ne respire pas sur la planète rouge, mais il est hors de question d’y déposer le moindre microbe (les sondes qui s’y sont déjà rendues afin de déceler des traces de vie ont toutes été désinfectées à l’extrême). Interdiction également de ramener une roche pour sa collection personnelle. Mars, tout comme la Lune, n’appartient à personne et, comme le stipule le traité interna­tional de 1967, ne peut être exploité pour des intérêts privés. Un obstacle qui devrait être détourné sans grande difficulté, les États-Unis ayant déjà signé un décret dénonçant ce grand principe de la conquête spatiale. Les autres ne tarderont sans doute pas à leur emboîter le pas.


Edgar Lalande- Charlie Hebdo. 19/08/2020


5 réflexions sur “Tourisme spatial

  1. Pat 24/08/2020 / 15h53

    Ils visent Titan aussi…
    Un peu froid certes mais la pression y est plus supportable que sur Mars.
    Restent les problèmes des radiations, soluble à court terme, la gravité soluble aussi, les ressources un peu plus problématique, celui de la propulsion, ils y travaillent bien, mais bien sûr celui du retour qui ne sera pas en option…

    • Libres jugements 25/08/2020 / 11h43

      Bonjour Patrick,
      En fait si j’ai bien suivi le raisonnement il s’agirait simplement de sauver l’humanité … en essaimant des terriens sur d’autres planètes
      En fait il suffit de relire la planète des singes …
      Et puis, avec tout cet argent dépensé ne peut-on réaliser quelques avancées sociales dans différents pays.
      Cordialement
      Michel

  2. jjbey 24/08/2020 / 21h39

    S’envoyer en l’air a un prix, ceux qui en ont les moyens, après avoir rendu la terre invivable, cherchent un endroit où ils pourront survivre…………….

  3. clodoweg 25/08/2020 / 0h24

    Pourquoi pas si ça les amuse et s’ils en ont les moyens.
    Notre milliardaire à nous fabrique du champagne et des sacs à mains pour les nouveaux riches chinois.
    Je pense qu’il faut, bien sûr, maintenir les savoirs faire artisanaux mais pour l’innovation on repassera.

    • Libres jugements 25/08/2020 / 11h38

      Bonjour,
      Sur la base de votre (ton) commentaire, il serait facile de dire c’est leur argent, ils en font ce qu’ils veulent.
      Ce préambule étant dit, peut-être – je dis bien peut-être – peut-on penser, premièrement à tous les salariés travailler à des rémunérations en dessous du seuil de pauvreté ce qui leur permet d’asseoir leur fortune.
      Deuxièmement, les sommes englouties pour leurs besoins uniquement de communication personnelle ne pourrait-elle pas être affecté à résoudre quelques problèmes humanitaires, voire à permettre à certains État en difficulté financière parce que pillée (sous-sol ou production) par les mêmes personnes, de vivre de leurs ressources internes …
      Sans doute suis-je un doux rêveur, prière de m’en excuser.
      Cordialement
      Michel

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