La « sortie » de Jacques Toubon

Difficile de faire un bilan objectif sur le travail réalisé par Jacques Toubon. Quelle sera la personne qui va lui succéder. Aura-t-elle une autre conception du poste, plus de latitude, de pouvoir pour contester certaines décisions technocratiques ou de justice ? MC

Jacques Toubon cessera d’être défenseur des droits le 17 juillet, d’où son rapport en forme de testament, « Discriminations et origines : l’urgence d’agir ». Largement commenté dans les médias, ce texte est en réalité une expérience de psychologie sociale.

Vous abandonnez le plus raide des chiraquiens parmi les associations antiracistes, quelques mois plus tard, il parle le Bourdieu et pourfend les « discriminations systémiques ». Une preuve de plus que la fonction crée l’organe : un membre des Jeunes avec Macron lâché à Notre-Dame-des-Landes se lancera dans la permaculture.

Soit, mais faut-il se réjouir de cette conversion à la vision d’un racisme systémique véhiculé par l’habitus de l’État, pour parler le Toubon-Bourdieu? Réaliser que l’ancien camarade de Pasqua parle le gauchiste, c’est rigolo, mais en quoi cela sert-il la lutte antiraciste?

La vraie question, c’est le présupposé de cette vision du racisme.

S’il existe un racisme d’État, cela signifie que tous ceux qui composent l’État, des profs aux flics en passant par les politiques, diffusent sans même le savoir des stéréotypes racistes. Selon Toubon, « les traitements discriminatoires sont la plupart du temps le résultat de réflexes et processus qui ne sont pas intentionnels ». Comme si les fonctionnaires et l’administration étaient perclus de biais inconscients qui diffuseraient du racisme à petite dose chaque jour.

Une telle conception du racisme peut être qualifiée d’irrationaliste. Elle consiste à considérer que les propos ou les comportements discriminatoires sont portés par les acteurs à l’insu de leur plein gré. Comme si c’était le système qui parlait à travers eux. Une conception non seulement fausse, mais aussi dangereuse.

Dire que le racisme est systémique relève d’un raisonnement à la fois circulaire et désespérant.

C’est le système qui crée le racisme, et le racisme qui soutient le système. Donc, pour supprimer l’un, il faut faire tomber l’autre. Soit, mais comment? Si les superstructures qui tiennent notre société sont pourries par les préjugés, comment attendre une quelconque amélioration du vote de ce même système?

Paradoxalement, cette vision de l’antiracisme excuse le raciste.

Ce n’est pas l’individu qui opte pour des comportements discriminatoires, c’est le « système » qui l’y incite. Comme si nous n’étions que des marionnettes dénuées de libre arbitre. Dans ce cas, à quoi bon juger ceux qui refusent de louer leur appartement à un « racisé »? Ce n’est pas eux qui décident, c’est le système qui parle à travers eux.

À leur procès, ils pourraient appeler en responsabilité l’État français, manœuvre qui n’aurait pas déplu à Jacques Vergès, l’un des inspirateurs de cette forme d’antiracisme. Considérer que le racisme relève d’une situation structurelle et non de choix individuels, c’est s’empêcher de lutter contre ce mal. Puisque les préjugés sont partout, ils sont nulle part.

Le racisme systémique est le plus beau cadeau offert aux racistes de tout poil. Si la police est raciste, pourquoi accuser les policiers de l’être? Un antiracisme conséquent consiste, au contraire, à détacher l’individu de sa communauté supposée pour le considérer comme un être responsable de ses propos et de ses actes.

Croire en l’existence d’un racisme systémique, c’est opter pour le statu quo, et vouloir croire en une lutte éternelle entre le racisme et l’antiracisme. Dans une société démocratique, croire en un racisme d’État laisse le racisme en l’état.


Guillaume Erner. Charlie Hebdo. 01/07/2020


3 réflexions sur “La « sortie » de Jacques Toubon

  1. Pat 06/07/2020 / 18h27

    Depuis l’arrivée en masse des migrants on ne parle plus que de racisme… pour cacher quoi?
    Bien sûr qu’on peut en parler mais le vrai racisme c’est la haine d’une autre race alors que les races n’existeraient pas.

    La haine se manifeste par des actes ou des paroles violentes. Mais maintenant on mélange tout.
    L’indifférence serait du racisme; s’il faut choisir entre un noir et un blanc, choisissez le blanc et vous êtes traité de raciste.

    On nous culpabilise en permanence pour nous forcer à une attitude bienveillante que nous ne manifestons même pas vis à vis de notre voisin né à côté de nous. Selon de simples mots que j’emploierais, je serais classé d’un côté ou de l’autre alors que j’ai vécu, travaillé dans une cité, et que j’ai tendu la main au plus déshérités des européens…

    Mais que chacun fasse selon son cœur, et que l’on éduque les jeunes à la mixité, au voyage et les Français dans leur grande majorité sont conscients des difficultés, des injustices que génère la différence et sont généreux.

    Monsieur Toubon s’en va, je ne sais pas si il a eu tout faux … mais son successeur ne s’appellera pas Toumieux, j’en suis persuadé.

    • Libres jugements 07/07/2020 / 12h13

      Commentaire apprécié Patrick.
      Dans ma jeunesse (oui fort lointaine je l’accorde) à l’école était formé des clans composés des récitals, espingouins, polak, parfois il y avait quelques frictions mais rien jamais ne dépassait quelques bleus et quelques invectives. A cette époque une grande partie de la Méditerranée maghrébine était encore un territoire soit annexée, soit français et le peu de maghrébins résidents en métropole étaient fort bien intégré et ne présentaient aucun problème. A parts des détachées dans certains services publics, peu de noir en dehors des ex DOM-TOM ou AEF ou AOF qui après la guerre gardaient un grand respect d’avoir participé à la libération de la France.
      Alors oui dans ma jeunesse le racisme d’aujourd’hui : les ghettos, l’exclusion, le communautarisme, les problèmes de religion, étaient d’autant plus secondaires que nous étions près de terminer la guerre d’Indochine et que celle « de l’opération de maintien de l’ordre en Algérie et dans les protectorats Tunisie et Maroc » commençaient à poindre.

      Analyser aujourd’hui les problèmes de racisme est à mon avis d’abord de définir des choix de société et la façon dont il faut les régler. Comment y répondre ? Une certitude, certaine pas de la façon dont cela est envisagé aujourd’hui notamment par l’ultralibéralisme d’un Macron (ou d’autres de memes disposition) trop content d’installer une forme d’insécurité latente qui sied comme diviseur humain et permet la prospérité de certains.
      Amicalement
      Michel

  2. jjbey 06/07/2020 / 23h00

    Le racisme est un moyen pour le capitalisme de diviser les travailleurs en montrant du doigt ceux qui sont responsables du malheur subi par les autres. Diviser pour régner, les blancs contre les noirs, les jaunes contre tout le monde …… c’est la connerie qui se fend la poire et les capitalistes, de toutes couleurs qui encaissent le fric.

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