Du Rififi à « Santé Publique France ».

Cet organisme public, dépendant du ministère dirigé par Olivier Véran, paiera-t-il l’addition pour la très chaotique gestion de la crise sanitaire ?

Santé publique France (SPF) se trouve, en tout cas, dans le viseur de l’exécutif.

Au début de mai, selon la confidence d’un témoin, Macron lui-même l’a pris pour cible dans une diatribe rageuse, conclue par ces mots : « A la fin, on comptera les morts. »

C’est pourtant le même exécutif qui, en octobre, a nommé Geneviève Chêne la nouvelle directrice de SPF. L’établissement public, créé en 2016 sous François Hollande, regroupe un bon demi-millier de fonctionnaires spécialistes de l’épidémiologie, de la prévention et de la logistique, et consomme un peu plus de 150 millions de crédits par an.

Sur le papier, c’est SPF qui assume (en partie) la responsabilité de l’approvisionnement en masques, de la réalisation des tests et des mesures de l’épidémie au jour le jour (donc de la comptabilité des personnes malades, hospitalisées, placées en réa ou décédées).

Surprise de tests

Même si le ton s’est un peu radouci à l’Elysée, deux futures commissions d’enquête parlementaire (l’une à l’Assemblée, l’autre au Sénat) doivent préciser les griefs contre SPF et d’autres acteurs de la politique de santé.

Sans attendre leurs questions, Geneviève Chêne a, dès le 20 mai, accordé un long entretien au « Parisien », indiquant notamment : « Nous n’avons pas de signal de reprise de l’épidémie. » Une précision qui n’a guère calmé l’ambiance : « Personne n’était au courant de cette interview, s’énerve un conseiller d’Edouard Philippe, et personne n’a compris l’intérêt de porter un tel message à ce moment-là. » Même irritation chez un conseiller de Véran : « On ne lui a rien demandé. Le prochain rendez-vous pour évaluer le déconfinement est fixé au 2 juin. Pas avant. »

Interrogée le 6 mai par la commission des Affaires sociales du Sénat, Geneviève Chêne s’est, à plusieurs reprises, démarquée des ministères et de l’administration. Au sujet de l’approvisionnement en masques « Nous recevons les instructions ministérielles pour la libération des stocks réceptionnés vers les groupes hospitaliers ou vers les grossistes-répartiteurs. Notre responsabilité se limite à cette exécution logistique. »

La crise dans la crise

A propos des tests : « Nous ne sommes pas en charge de mesurer le nombre de tests pratiqués sur le territoire français, nous ne disposons que d’une partie des tests (…), nous avons la mission d’évaluation de la positivité. » Quant au décompte des décès, le service de com’ de SPF a fait savoir que, grâce à un logiciel, l’organisme « redresse les données brutes » collectées par les agences régionales de santé auprès des établissements hospitaliers et des Ehpad (rien de plus).

Il est vrai que SPF n’est pas seul à la manœuvre. « Pour une crise comme celle-ci, il faut un pilotage unique », estime un haut fonctionnaire, qui incrimine le fameux « millefeuille administratif ». D’où des tensions entre SPF, la Direction générale de la santé (qui dépend directement du ministère) et la cellule interministérielle de crise, placée sous l’autorité du Premier ministre.

Celle-ci n’est pas plus sereine. En milieu de semaine dernière, son patron, le préfet Thomas Degos, a été discrètement débarqué par l’Intérieur, qui le jugeait « trop bordélique », et remplacé par son collègue Denis Robin. C’est la crise à la cellule interministérielle de crise ?


Didier Hassoux et Christophe Labbé. Le Canard enchaîné. 27/05/2020


2 réflexions sur “Du Rififi à « Santé Publique France ».

  1. bernarddominik 29/05/2020 / 10h15

    La dgf le spf la question du mille feuilles administratif, de ce milliers d’agences qui étudient tout et rien, avec chacune sa direction, ses chauffeurs et voitures de fonction. On découvre chaque jour que l’état dépense des milliards sans résultat et compte chichement pour les vrais services publics au service du public. C’est pire que les écuries d’Augias

  2. jjbey 29/05/2020 / 17h39

    Faut bien trouver un coupable après des années de diminution de crédits pour la santé, la suppression de 100 000 lits et des effectifs correspondants. DGF pourquoi pas? mais un ministre qui tout à la fois énonce que les masques ça ne sert à rien et qui deux mois plus tard rend leur port obligatoire, se vantant d’avoir passé une commande de 25 millions de masques alors que nous sommes plus de 70 millions ce qui fait même pas un masque pour trois sur un seul jour, ça n’est pas coupable?

Les commentaires sont fermés.