Franck Louvrier a tenu, durant les années 2000 jusqu’à 2012, une place centrale. Il est l’homme de la communication, celui qui réglait au millimètre les interventions de Nicolas Sarkozy.
La communication de crise a été son pain quotidien quand il a fallu gérer la crise financière et économique de 2008, le divorce du couple Sarkozy, l’attentat de Merah et la menace d’une pandémie de la grippe H1N1.
Fort de cette expérience, il a accepté d’analyser pour Le Point la communication d’Emmanuel Macron et de son gouvernement.
Le Point : Emmanuel Macron a beaucoup parlé au cours de cette crise et, à la fin, c’est Édouard Philippe qui est crédité de meilleurs sondages. Vous avez connu cela du temps de Nicolas Sarkozy et François Fillon. Comment analysez-vous cette séquence en termes de communication de crise ?
Franck Louvrier : Par rapport à l’époque de Nicolas Sarkozy, le poids des réseaux sociaux et des chaînes d’info s’est accru.
Mon sentiment est que la communication de crise du pouvoir a été à la fois erratique et disparate.
- Erratique parce qu’elle donnait un sentiment d’instabilité, que ce soit sur les masques, les tests, les respirateurs,
- disparate parce que la communication a manqué d’harmonie. Il y a bien eu une tentative du chef de l’État d’imposer le slogan « France unie », mais cet appel à l’union sacrée a été un échec.
Le président de la République a essayé d’endosser le rôle de « chef de guerre », mais, faisant face aux interrogations des Français, il n’a pas voulu s’y confronter directement.
- Par exemple, il n’a pas donné une seule interview contradictoire avec un ou plusieurs journalistes, ce qui aurait permis d’évacuer de nombreuses interrogations.
- Le président de la République a préféré uniquement des prestations personnelles et solennelles qui n’ont fait que distancier son rapport aux Français.
- Il est frappant de constater que cette communication de crise d’Emmanuel Macron a souvent été marquée par une incapacité à décrire l’état réel du pays.
- L’allocution du 30 mars en est l’illustration première : il ne prononce pas une seule fois le mot « confinement ». Dès lors, une distanciation s’installe entre lui et les Français. Et cela, jusqu’à sa dernière intervention, lundi soir, sur BFM TV, qui est une communication de diversion où il nie que la France a été en rupture de masques.
- Le vocabulaire d’Emmanuel Macron prend souvent des distances avec les faits et occulte parfois la vérité. C’est ce qui a provoqué ces fortes critiques sur ce sentiment d’absence de transparence.
Le point : Fallait-il reconnaître les failles de l’État en période de crise ?
Je pense qu’en communication de crise la reconnaissance des failles se transforme en force. Le chef de l’État n’a pas fait ce choix.
Le Premier ministre, Édouard Philippe, a montré, lui, plus d’humilité et cela semble avoir été apprécié des Français au regard des sondages d’opinion.
Si Emmanuel Macron avait reconnu que l’État n’était pas prêt, cela aurait permis de redonner de la crédibilité à la parole politique, laquelle, dans le contexte d’une crise sanitaire, avait déjà été fortement affaiblie par l’affaire du sang contaminé. Il était nécessaire de prendre conscience de cet état de fait pour pouvoir rechercher au plus vite une forme de crédibilisation de la parole publique.
La parole scientifique est venue ajouter du brouillard… La parole scientifique n’est pas la parole politique et elle ne peut pas la remplacer.
L’affaire des masques, qui n’est toujours pas terminée, est le phénomène paroxystique de l’ambiguïté dans laquelle le chef de l’État s’est immiscé. Il vient alimenter le climat de défiance des Français à l’égard des politiques, bien plus important en France que chez nos voisins européens.
Ce climat de défiance, au-delà de la catastrophe épidémiologique, peut provoquer une vraie crise politique. Le danger est là. Car, en fin de compte, Emmanuel Macron est confronté à trois crises : après la crise sanitaire et la crise économique, une crise politique est apparue ces dernières semaines avec l’exacerbation de la fracture sociale entre les cols blancs qui pratiquaient le télétravail, les propriétaires de résidence secondaire qui fuyaient les grandes agglomérations pour se confiner plus agréablement et puis les autres.
Tous les autres qui se sont comportés de façon exemplaire (personnel soignant, agents d’entretien…). Certaines organisations syndicales ont même dénoncé cette « France planquée » contre celle qui est au front.
Le Point. Pour en sortir, Emmanuel Macron doit-il dissoudre l’Assemblée nationale, comme Marine Le Pen le réclame ?
Ce sera au chef de l’État d’aviser. Nous ne sommes pas encore totalement dans cette crise politique, […]. Mais il faut qu’il se prépare à une rentrée délicate parce que les gens ont beaucoup pris sur eux pendant le confinement. Les Français se sont très bien comportés durant cette période, mais, hélas, la phase qui s’ouvre est beaucoup plus politique. Il va y avoir des comptes à rendre. […]
Propos recueillis par Emmanuel Berretta. Le Point. Titre original : «« Les institutions de la Ve République ne sont plus adaptées à la gestion des crises ». Source (extrait)
On n’allait tout de même pas assister à une séance de contrition, Macron et les autres dénonçant une politique sanitaire que eux-mêmes et leur semblables avaient crée, rendant des masques inutiles obligatoires …….entre autres péripéties de gestion de cette pandémie allant jusqu’à parler de guerre comme si nos chars et fusées allaient être d’une utilité quelconque quand un virus immobilise notre seul porte avions………………….
« La parole scientifique est venue ajouter du brouillard… La parole scientifique n’est pas la parole politique et elle ne peut pas la remplacer. »
La science pose les questions et elle réinterroge en permanence.
Alors que la politique c’est le lieu ou on donne des réponses, qui resteront contingentes et provisoire, et surtout cela se fait humblement. On attend pas de la science les réponses, sinon c’est du management, où l’art de se défausser : « C’est pas ma faute », « C’est pas ma faute », « cépamafote » !