Après huit ans d’instruction, Laurence Joulin, juge à Versailles, vient de boucler son ordonnance sur Ikea.
Bilan ? Quinze personnes renvoyées en correctionnelle : ex-dirigeants de la filiale France, directeurs de magasin, policiers (ou ex), patrons de boîte de sécurité… sans oublier la société elle-même. Tel est le dernier épisode d’une histoire révélée par « Le Canard » (29/2/12). A l’époque, des centaines d’employés ou de clients mécontents avaient été tout bonnement fliqués.
Le géant suédois, aidé par des officines et des flics, épluchait leurs comptes bancaires, leur casier judiciaire et leurs fiches de police. Tarif de 80 à 120 euros la donnée illicitement collectée… De Tours à Saint-Etienne, de Metz à Plaisir, de Brest à Vitrolles, tous les magasins, rappelle l’ordonnance, étaient familiers de ces « investigations » sur « des personnes à tester ».
Exemples : « Mener une enquête discrète et complète afin de définir les moyens d’existence, trafic ou violences auxquels se livre peut-être l’intéressé. Cela pourrait servir à la police (…) et permettrait de le sortir par les voies externes légales. »
Et cette employée, « bien bronzée », en arrêt maladie… ne serait-elle pas partie en vacances au lieu de se soigner ?
Quant à cet autre, avec son « discours altermondialiste », ne présente-t-il pas « un risque écoterroriste » ?
Même le client râleur y passait : « Ne pas dire qu’on fait des recherches sur ses comptes bancaires. »
« C’est une pratique vivement conseillée par notre direction, a reconnu un cadre lors de l’enquête. Tous les directeurs de magasin le savent. »
Les patrons d’Ikea qui signaient les chèques aux « informateurs » ont pourtant juré tout ignorer… sans convaincre la magistrate. Les prévenus seront donc jugés pour avoir violé le secret professionnel, collecté ou recelé illégalement des données, ou s’être rendus complices de ces pratiques.
Le roi du meuble pourra toujours plaider le « montage ». A condition de fournir la notice…
Dominique Simonnot. Le Canard enchaîné. 20/05/2020
Le « fichage », toujours d’actualité !
Dans les premiers jours de mars, un employé du magasin de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne, plus de 400 salariés) tombe sur un fichier oublié dans une photocopieuse. Il s’agit d’un listing de salariés « testés en CDD » destiné à distinguer ceux qui pourront obtenir un CDI.
Deux catégories apparaissent : les verts, jugés aptes à entrer dans la «famille Ikea », et les rouges, promis à Pôle emploi.
Pas de données quantifiables sur les performances professionnelles (c’est à la tête du client). Exemple : « N’a pas fait son dernier jour de travail car problème féminin. » Certaines remarques relèvent de la haute psychologie : « Humeur en dents de scie », « trop revendicatif », « sérieux mais mou », « fait mine de ne pas comprendre », et même « pas disponible le week-end ». Pour travailler ou pour accompagner son supérieur à Deauville ?
Le 4 mars, un courrier de la CGT interrogeait la direction du magasin : «A quelles fins avez-vous mis en place ce document (…) ? Quelles ont été les conséquences de ce fichier et de son contenu sur la carrière des salariés concernés ? » Le syndicat Commerce (ex-CFDT), lui, s’interroge : « Ikea compile-t-elle aussi des remarques sur des clients, des salariés en CDI, des intérimaires ou des syndicalistes ? »
Odieux procès d’intention.
Le directeur du magasin, Fabien Rinjonneau, a rapidement répondu aux syndicats : « L’entreprise met en place toutes les mesures nécessaires afin de faire cesser ce traitement de données (sic) dans les plus brefs délais. » Dont acte.
Suit cette menace à peine voilée : « Nous attirons votre attention sur le fait que la découverte de ce fichier constitue une violation de confidentialité des données à caractère personnel des salariés et anciens salariés qui y sont nommément listés. » Oh, les abjects « découvreurs de dossiers » !
Pour cette raison (« violation de confidentialité »), les dirigeants du magasin ont saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
On ne peut pas dire qu’ils sont payés à ne rien fiche.
Article signé des initiales J. C. – Le Canard enchaîné. 20/05/2020
La justice avance à un pas de sénateur. Il y a 15 ans j’ai été victime de harcèlementt d’un cadre supérieur, suivi de discrimination (un faux témoignage suscité par l’encadrement a fait capoter la tentative de me licencier, mon syndicat l’ayant découvert) l’affaire passe aux prud’hommes le 11 juin. Faut être patient. Je serai peut être mort avant un jugement définitif. Le patronat, et plus encore l’encadrement supérieur, ne reculant devant rien.