De nombreux États recourent à des dispositifs de traçage afin de contrôler la pandémie de Covid-19. Si certaines de nos libertés individuelles sont suspendues, cette parenthèse semble inévitable pour enrayer la maladie. Mais pose question.
« Nous sommes en guerre», a répété six fois Emmanuel Macron lors de son allocution, lundi 16 mars. […] Depuis, rien n’est plus tout à fait comme avant, entre décomptes macabres et attestation de déplacement dérogatoire. En format restreint, le Parlement a adopté un projet de loi qui installe l’« état d’urgence sanitaire », suspend le temps et le droit du travail.
Plus qu’aucune autre dans l’histoire récente, la pandémie est un bain révélateur de nos régimes de pouvoir. À l’heure où près de deux cents pays sont touchés, chacun expérimente sa gestion de crise. Quelle que soit la réponse, celle-ci signe le retour d’un État-Léviathan fort, pour ordonner l’activité économique et réguler la liberté de circulation.
Dans ces conditions, la surveillance semble aujourd’hui inéluctable pour juguler l’épidémie. Et les initiatives se multiplient […]
En France, les opérateurs, Orange en tête, coopèrent déjà avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) pour affiner le modèle épidémiologique en analysant les données de géolocalisation des abonnés : on sait ainsi que 20 % d’habitants du Grand Paris ont quitté la capitale afin d’aller se confiner ailleurs.
Quant à l’Élysée, il a annoncé la création d’un Comité analyse recherche et expertise (Care) de douze chercheurs, qui accompagnera la réflexion des autorités « sur l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ». […]
Mais de quelles données parlons-nous? […]
Encore faut-il pratiquer des tests [médicaux] à grande échelle, ce que la France ne fait pas. Le consensus scientifique autour de cette nécessité se raffermit pourtant, et le ministre de la Santé, Olivier Véran, répète depuis trois semaines que la France doit « se préparer à faire évoluer rapidement sa stratégie ». Celle-ci pourrait se résumer en trois T :
- tester,
- tracer,
- traiter.
Dans ces conditions, c’est le modèle sud-coréen qui pourrait se généraliser : celui du « contact tracing ». Là-bas, en appui d’un dépistage massif, le gouvernement a déployé une application afin de piloter la quarantaine des personnes contaminées et celle des personnes avec qui elles ont pu être en contact. Grâce à cette approche intrusive, le pays a par exemple identifié la « patiente 31 », qui aurait à elle seule été en contact avec mille cent soixante personnes début février, entre un office religieux à Daegu et un buffet d’hôtel.
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Alors que le confinement français est prolongé et que les mesures de distanciation sociale pourraient durer au moins dix-huit mois (1), cette surveillance ciblée pose la question de l’après, qui ne pourra pas être un simple retour à la normale.
Citant l’exemple sud-coréen dans une interview au Monde, Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique sur le Covid-19, reconnaît qu’il s’agit d’« une stratégie envisageable », mais aussi d’« une atteinte aux libertés ». Quand tous les constitutionnalistes de France s’avancent en terra incognita, comment trouver un modèle sanitaire cohérent qui respecte les droits fondamentaux?
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L’enjeu est de taille. Inédit, même. « Nous sommes confrontés à la plus grande menace sur les libertés de notre génération, assure Michele Loi. Le changement de normes imposé pour notre bien par le virus (ne plus sortir) crée un danger de dévaluation d’autres valeurs, comme la vie privée. Quelle que soit la solution retenue, elle provoquera des dilemmes éthiques: ainsi, que se passera-t-il si les autorités doivent surveiller le comportement d’individus qui ont des aventures extraconjugales ? Quand bien même ces mesures n’affecteraient que 20 % de la population, cela représente des millions de personnes. » Et le coronavirus de faire sauter les verrous juridiques et culturels, à commencer par celui du secret médical. […]
Et, puisque le confinement aura un terme, il ne faut pas attendre pour en imaginer les modalités. […]
Comme toute épidémie, le Covid-19 porte en lui un potentiel normalisateur. Il risque fort de redéfinir, au moins pour un temps, la notion de dangerosité, non plus pensée sous l’angle de la menace à l’ordre public, mais du risque infectieux. Sera-t-on dans quelques semaines affectés d’un indice de contagiosité, comme d’autres d’un score de fragilité clinique, déjà en vigueur dans les hôpitaux? […] Qui sera mis en quarantaine ?
Nous risquons aussi d’assister à l’invention de nouvelles classes dangereuses. Qui pourraient bien être les plus précaires. Celles obligées de rester littéralement au contact des autres, que ce soit derrière la caisse d’un supermarché, sur un chantier ou dans un entrepôt Amazon.
[…]
Olivier Tesquet. Télérama. 08/04/2020
- Selon une étude menée par l’Imperial Collège de Londres.
Sans moi, je ne possède pas de smartphone… Et je ne suis pas prête d’en embaucher un exemplaire…
Bonjour Christine, je veux bien entendre que vous ne possédez pas de smartphone – téléphone portable – mais ne croyez-vous pas que le simple fait de posséder un blog et peut-être d’autres connexions à des réseaux sociaux, vous ne soyez pas fichés déjà.
Attention ce n’est absolument pas une remarque en forme de condamnation, juste une question.
En vous souhaitant bon week-end
Amitiés
Michel
Tout à fait vrai, mais ce que je crains vraiment, c’est le téléphone qui me piste là où je vais…
Oui sur ce point je vous rejoins bien évidemment, je trouves cela indécent tout comme la florès de camera … même dans des bourg villages ou il se passe une fois l’an au maximum, une affaire nécessitant une investigation…. et maintenant ils parlent de reconnaissance faciale …
Grave
C’est déjà fait la piste est tracée seuls quelques interdits limitent encore l’utilisation du traçage mais du jour au lendemain on peut tout faire et la molle commission informatique et liberté de se demander à quoi elle sert