Costa Rica : Les revers de la beauté !

Un état à la fois écotouristique et tueur d’Indiens

C’est si splendide qu’en vérité il n’y a pas de mots. Le Costa Rica, entre mer des Caraïbes et Pacifique, entre Nicaragua et Panamà, protège admirablement la biodiversité, n’a pas d’armée permanente et accueille royalement le touriste, cet éternel imbécile. Qui prend pour argent comptant la fière devise du pays : « Vivan siempre el trabajo y la paz ! », c’est-à-dire « que vivent le travail et la paix, toujours ! ».

Sauf que les dépliants en papier glacé ne disent pas tout.

Jamais ils n’admettront que le Costa Rica détient le record du monde d’utilisation de pesticides (1). Et jamais ils ne parleront des Indiens qui survivent si mal dans ce petit paradis.

Des peuples indiens, il y en a huit, installés sur près de 7 % du pays, et leurs droits sont constamment bafoués. Certains territoires autochtones, jusque dans les forêts tropicales pour gogos, sont illégalement occupés par ceux qui ne supportent pas l’existence d’un droit indien.

Depuis vingt ans, une loi protectrice sur le papier, la Ley de Desarrollo Autônomo de los Pueblos Indigenas, est bloquée au Parlement par des lobbies menés par l’industrie minière.

Les Indiens n’occupent en fait que 20 % de leurs terres ancestrales. Le reste est entre les mains de propriétaires terriens, de fermiers et de transnationales qui font pousser des monocultures de pins ou de palmiers à huile.

Comme dirait l’autre, c’est dans ce contexte que sont tirés comme des lapins des militants indiens qui luttent pour la terre.

Environ 150 procédures ont été lancées légalement, mais le flingue est plus fort Au total, selon des sources sérieuses, 200 heurts auraient eu lieu ces cinq dernières années, et 60 Indiens auraient été butés (2).

Tous ne meurent pas, mais beaucoup sont touchés.

En août 2017, Tomàs Claudino Figueroa Mayorga, un Indien bribri du Sud, reçoit une balle dans la mâchoire (3). Il voulait récupérer une ferme et savait (il avait prévenu les flics) qu’il était menacé de mort.

Dans la nuit du 18 mars 2019, le dirigeant indien Sergio Rojas Ortiz est abattu chez lui, après avoir le jour même dénoncé des violences dirigées contre les Indiens. Il se battait depuis quarante ans pour que soient reconnus leurs droits fonciers.

Commentaire dérisoire du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme : « Nous demandons aux autorités du Costa Rica d’identifier quiconque est impliqué dans ce crime répréhensible et de le traduire en justice conformément à la loi ». Grosse peur du côté des spadassins.

Les deux derniers cas sont tout récents. Le 9 février 2020, un autre Indien bribri, Mainor Ortiz Delgado, prend une balle en pleine poitrine. Il est environ 2 heures de l’après-midi quand une moto s’arrête. Mainor est au boulot aux champs, sur une terre indienne disputée. Le tireur, on le saura après, appartient à une famille qui guigne l’endroit, utilisant des faux papiers censés prouver qu’elle est d’origine indienne.

Le 24 février 2020, rebelote. Un Indien brôran, Jhery Rivera, est assassiné. Ceux du Front national des peuples indigènes (Frenapi) parlent dans le désert d’une « violence raciste qui a conduit à un nouvel assassinat ». Et conclut : « Nuestra voz una vez mets es ignorada ». Oui, la voix indienne est une nouvelle fois ignorée, alors même que, depuis 2015, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) est censée protéger les Indiens des régions de Térraba et Salitre, où la situation est la plus explosive.

Ce n’est pas près de finir, car depuis la mort de Rivera, des groupes payés par les proprios de terre interviennent dans les villes et villages de Térraba pour intimider les Indiens et les dissuader de mener d’autres récupérations de terre.

De leur côté, les vrais écologistes de la Federaciôn Costarricense para la Conservaciôn del Ambiente (feconcr.com) mettent les pieds dans le plat, et dénoncent « l’hypocrisie d’un État éclaboussé de sang, qui se prétend d’un côté champion des droits de l’homme et de l’autre laisse dans l’abandon et l’oubli les peuples indigènes ».

Toujours envie d’écotourisme ?


Fabrice Nicolino. Charlie Hebdo. 18/03/2020


  1. En espagnol : fao.org/in-action/agronoticias/detail/es/c/508248
  2. nytimes.com/2020/03/09/world/americas/central-americaindigenous-conflicts.html?ct=t(RSS_EMAIL_CAMPAIGN)
  3. resumenlatinoamericano.org/2017/08/13/costa-rica-atentan-contra-la-vida-del-indigena-bribri-tomas-claudino-figueroa-mayorga

2 réflexions sur “Costa Rica : Les revers de la beauté !

  1. bernarddominik 24/03/2020 / 7h56

    La télé, arte et Fr5, nous ont bien trompé en nous montrant un Costa Rica idyllique et écologique

  2. jjbey 24/03/2020 / 9h28

    La cupidité des uns contre le droit des autres, qui gagne dans cette société avide de profits?
    Bel exemple de ce qui se passe en Amérique et pas seulement au Costa Rica.
    Plus au Nord, au Mexique la situation des peuples indigènes n’est pas meilleure.

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